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NICEIMIORE G RELOUAS


pas les Latins et il on médit volontiers. Cf. Correspondance, éd. Guilland, p. 257. Sa vanité littéraire S’offusque de leur parler barbare qu’il n’entend d’ailleurs pas ; sa susceptibilité patriotique se révolte contre leur puissance militaire qui retient toujours, sous le jour étranger, les plus belles portions de s ; i patrie. Aussi, les tentatives de rapprochement avec l’Église de Rome lui répugnent-elles fonciérenient ; il ne croit pas. du reste, à la possibilité d’une entente qui dans le passé a constamment échoué. En 1334, lorsque les légats du pape se présentent à l’empereur avec mission de reprendre les pourparlers, Grégoras, chargé de donner la réplique aux théologiens occidentaux, non seulement se récuse, mais persuade la cour et l’épiscopat qu’il est plus prudent de garder le silence et de laisser les Latins s’en retourner connue ils sont venus ; il ne consent à parler, qu’à huis clos, devant un auditoire exclusivement orthodoxe, loin des étrangers dont il semble bien avoir craint la dialectique. Moins fanatique que plus d’un coreligionnaire, il admet cependant que les Latins sont irréprochables en bien des points ; toutefois il nie, cela va sans dire, le primat du siège romain (P. G., ibid., col. 708 C), et ne voit dans toutes ces démarches de l’Occident que manœuvres ambitieuses. Il faut, déclare-t-il, se défier de la loquacité de cette race qui cherche partout occasion de chanter victoire. Ce conseil de prudence est écouté et les conférences annoncées n’ont pas lieu. Les légats romains doivent s’en aller, comme l’avait souhaité l’orateur, les mains vides.

Grégoras et le palamisme. — Nous n’avons pas à faire ici l’histoire de la querelle hésychaste (voir Palamisme) mais à montrer le rôle prépondérant que Grégoras joua dans la dernière phase de cette célèbre affaire.

Obervation assez étonnante : dans la première période de la controverse (1340-1345), notre écrivain se tient à l’écart de la lutte, allant même jusqu’à conseiller aux partis en présence de cesser une guerre préjudiciable aux intérêts de l’Église et de l’État. Mais ce n’est là qu’une attitude factice qui ne répond pas à ses convictions personnelles. Tempérament de feu, il cherche manifestement une occasion d’entrer en scène avec autant d’honneur que d’éclat. Mais son amour-propre de Grec l’empêche d’emboîter le pas derrière le latin Barlaam. Comme pour se couvrir, il lance bientôt ses amis à l’assaut du palamisme, et attend leurs appels qui lui permettront de faire à leur tête une guerre de partisan toute à sa gloire. S’il boude encore la mêlée, il n’en prend pas moins position tout en restant chez lui : « Quand on détruit, écrit-il à un ami, les institutions de l’État et quand on est dans l’impossibilité de prêter une aide efficace, on prend son bouclier et sa lance et l’on s’assied devant sa porte. » Correspondance, éd. Guilland, p. 233. La régente Anne de Savoie l’arrache à cette feinte neutralité. Pour flatter son orgueil, elle l’établit arbitre entre les deux chefs de parti, Palamas et Akindynos (Barlaam était reparti pour l’Occident). Les préférences de la princesse vont, pour des raisons politiques, au leader hésychaste. Aussi le verdict du philosophe, promu théologien, déçoit-il l’impératrice qui, dépitée, lui enjoint de mettre par écrit les raisons de son attitude. Sur cette intimation, Grégoras s’enflamme et compose les Premiers Antirrhétiques. Akindynos célèbre en vers iambiques cet allié qui, se range à ses côtés. Les félicitations d’un nombreux parti, la joie bruyante de ses amis décident alors Grégoras à rester dans la mêlée où le caprice de la souveraine l’a jeté. Mais il débute mal. L’usurpateur Cantacuzène, persuadé que le patriarche en titre, Jean Calécas, ne supporterait pas de le voir empereur,

gagne par des promesses un parti d’évêques palamites, leur promettant, s’ils lui facilitaient l’accès du trône, tout son appui pour la défense de leur cause et la diffusion de leurs doctrines (ceci et ce qui suit d’après un important acte sydonal inédit). Les prélats pressentis esquissent alors une habile manœuvre, dont Anne de Savoie l’ut la victime un peu naïve. On lui représente que le seul moyen de triompher de Cantacuzène, est de s’engager à fond pour Palamas en déposant le patriarche qui l’avait condamné.

Le jeu réussit a souhait. Un grand concile se réunit au palais des Blachernes, dont l’indication et la préparation font déjà la meilleure des propagandes aux idées nouvelles. Mais < au moment même, dit notre document, où le synode se tient au palais et prononce contre le patriarche une injuste sentence, dans la même nuit, à la même heure, Cantacuzène. occupe les rempnrts de la ville, grâce à la complicité des hésychastes. » Les engagements pris par le nouveau souverain sont alors tenus ; le moine Isidore monte sur le trône œcuménique et Palamas lui-même se voit promu à la métropole de Thessaloniquc. Toutefois, en tenant parole, l’usurpateur agit avec une certaine répugnance que Grégoras, tablant sur leur ancienne amitié, essaie d’exploiter. Mais la volontéimpériale qui avait besoin pour régner de ceux qui lui avaient livré la capitale, se raidit devant ses remontrances et, par un jeu contraire, cherche à gagner à ses vues son interlocuteur. Celui-ci abandonne la partie et se tourne vers la basilissa qui est bientôt confirmée dans l’orthodoxie. A l’intestigation de la princesse, une conférence contradictoire se t ient alors où Palam is, appelé à défendre ses doctrines, est confondu par l’érudition et la dialectique de Grégoras. L’emreur offre, sur ces entrefaites, au vainqueur la dignité patriarcale, pensant le convertir par les honneurs à la religion du jour. Mais le polémiste refuse avec dédain et décide de retourner à la solitude et à ses livres. Les événements préviennent cette résolution. Son amour-propre, insensible à l’appât des dignités, cède, au premier moment, aux sollicitations du parti orthodoxe, qui désemparé, se cherche un chef. Il va même tout de suite aux extrêmes, et se fait moine pour se lier au service de la religion et agir plus efficacemment sur la foule.

Mais, tandis que la détermination de Grégoras remplit de joie les antipalamites, l’empereur prend une disposition non moins radicale et s’apprête à faire canoniser par un synode les doctrines hésychastes. Grégoras, que rien n’intimide, fait face à l’orage et, le 27 mai 1351, aux acclamations du peuple, confond les novateurs réunis pour le juger, lui et les siens. A la dernière session, tenue le 9 juin suivant, il réussit à convaincre d’hérésie Palamas qui, hésitant, n’arrive pas à se défendre. Ce succès trop éclatant perd sa cause et décide Cantacuzène à un geste décisif ; le basileus dépose, en effet, solennellement, sur l’autel de Sainte-Sophie le tomos qui canonise l’hérésie de Palamas et anathématise ses adversaires. Suivent les représailles corporelles, habituelles en ces circonstances. Grégoras bénéficie toutefois d’un traitement de faveur : tandis que des émissaires mènent en exil ou jettent en prison les prélats récalcitrants, il se voit consigné simplement dans sa cellule. Mais le silence eût trop pesé à cette âme ardente ; gardé à vue et privé d’auditoire, le reclus écrit des libelles, réfute longuement ses adversaires et lance des appels subversifs. La faveur de Cantacuzène couvre cette campagne au grand scandale des thaborites ; mais cette protection, si insolite, cesse le jour où l’écrivain conjure les Églises de Trébizonde et de Chypre de se séparer de l’Église-mère de Constantinople, tombée dans l’hérésie. La raison d’État, intéressée à ce que