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NEWMAN (JOHN-HENRY), DANS L’EGLISE CATHOLIQUE

’gué dans Volium cum dignilate de la vieillesse, alors qu’il venait à peine d’arriver à la plénitude de ses forces. Son horizon s’était rétréci jusqu’aux limites étroites de sa communauté, mais il était décidé à lui faire accomplir un travail digne d’éloges, pour sa génération et pour les suivantes. Comme bien d’autres personnages fameux dans l’histoire, il se fit professeur. En 1859, il créa l’École de l’Oratoire, « public school » en miniature, mais avec une atmosphère catholique. Cette école s’est acquis, au cours de ses soixante-dix années d’existence, une réputation qui n’est pas indigne de son fondateur ; elle a exercé sur l’enseignement catholique une influence qui, pour n’être point reconnue, n’en est pas moins réelle. Les premières années de son existence furent mouvementées ; comme son fondateur, elle fut traitée en suspecte. On fit courir à son sujet des racontars dont la malveillance est à peine croyable ; l’histoire se refuserait à admettre que de tels propos aient été tenus, s’il n’existait des preuves documentaires que l’on ne saurait récuser.

Quoi qu’il en soit, l’enseignement catholique était la quæslio vexata des années qui suivirent 1860, jusqu’à ce que la controverse sur l’infaillibilité rejetât à l’arrière-plan tous les autres sujets.

L’échec de la tentative faite en Irlande avait soulevé d’une manière aiguë le problème del’enseignement supérieur pour les laïques, et il fallut plus de trente ans avant qu’on arrivât à une solution. En théorie, Newman était favorable à l’idée d’une université catholique ; mais il se rendait compte qu’étant données les circonstances, un tel projet était tout à fait irréalisable, et les évêques s’associèrent à son opinion (1864). Cependant si l’on avait laissé les choses aller, la difficulté aurait pu se résoudre peu à peu d’ellemême, d’une manièie qui nous semble aujourd’hui avoir été dès le début inévitable. Dans les deux grandes universités, on acceptait désormais les étudiants sans distinction de religion (à Oxford depuis 1854, à Cambridge depuis 1855) ; et un petit nombre de catholiques — vingt peut-être entre 1854 et 1863 — avait commencé à suivre les cours à Oxford. En 1862, on mit en avant l’idée d’ouvrir dans cette université un « Collège » ou un « Hall » catholique ; mais la proposition n’aboutit pas. Pour réserver l’avenir, Newman, sans avoir en vue aucun projet particulier, acheta un terrain à Oxford ; et lorsque Ullathorne lui offrit la charge de la paroisse catholique de la ville, il l’accepta avec joie, pensant qu’il pourrait ainsi veiller au bien-être spirituel des étudiants catholiques. Les extrémistes — Manning et Ward en Angleterre, Talbot, à Rome — sentant que la présence de Newman attirerait les catholiques d’une manière irrésistible, s’alarmèrent et engagèrent contre lui une active campagne. Les évêques se réunirent (13 décembre 1864) et votèrent une résolution hostile à la présence d’étudiants catholiques à Oxford, résolution qui, sans leur interdire de fréquenter l’université, le leur déconseillait. Newman se soumit respectueusement, et renonça à son projet. Mais Ullathorne, nature plus généreuse et plus clairvoyante que ses collègues, insista de nouveau auprès de Newman pour qu’il acceptât la charge de la paroisse d’Oxford (août 1865) ; et Newman, après une année d’hésitation, accepta sous conditions. La Propagande autorisa en décembre 1866, l’établissement d’un Oratoire à Oxford : mais avec la réserve que, si Newman se montrait le moins du monde désireux de s’y établir, il faudrait l’en dissuader Mande suaviterque. Cette condition devait rester secrète, ou du moins Newman ne devait pas la connaître. Cependant, le secret fut mal gardé à Rome et Ullathorne, ne voyant pas d’autre moyen de sortir d’embarras, avertit Newman (6 avril 1867). « Tout est perdu, s’écria celui-ci. On

ne me permet pas d’aller là-bas. » Amèrement déçu> et sentant qu’en donnant des instructions secrètes’les autorités lui avaient témoigné de la défiance, i’résolut de faire sonder par des représentants de son choix, les dispositions de Rome à son endroit. Il apprit ainsi que les autorités romaines étaient si hostiles à l’éducation commune des catholiques et des non-catholiques, qu’elles combattaient tout ce qui pouvait, de près ou de loin, tendre à l’encourager. En conséquence, le 18 août 1867, il résigna entre les mains de l’évêque la charge paroissiale d’Oxford. Le rêve passager d’un second mouvement d’Oxford s’évanouit, et le problème de l’enseignement supérieur pour les laïques resta sans solution. Les idées de Manning sur ce point ne pouvaient conduire, dans les conditions d’alors, à une solution viable, on s’en aperçut bien lorsqu’il essaya de les mettre en pratique dans les années qui suivirent 1870.

La question de V infaillibilité pontificale.

 L’épisode

d’Oxford montrait qu’il s’était groupé en face de Newman un parti puissant, décidé à contrarier toute proposition, tout mouvement, qui pourrait se dire soutenu par lui, et sans grand scrupule sur le choix des moyens. Dans le cas présent, ses adversaires pouvaient mettre en avant les dangers de l’éducation mixte ; mais à défaut de ce prétexte, ils auraient trouvé quelque autre raison pour écarter Newman d’Oxford ; et non seulement d’Oxford, mais aussi de toute autre position dans laquelle il aurait pu exercer son incomparable influence. C’était là « ce violent parti ultra, qui élève ses opinions à la hauteur de dogmes, et qui a surtout à cœur dé détruire toute école de pensée qui diffère de lui. » Apol., p. 260.

Les circonstances firent le jeu de ce parti. La papauté était dans une position difficile, exposée aux violences des révolutionnaires italiens. Les catholiques n’en étaient que plus portés à témoigner de leur loyalisme envers le Saint-Siège, et pour les gens dont nous parlons, ce loyalisme prenait la forme d’un chauvinisme ecclésiastique. Cette attitude ne pouvait manquer de s’accentuer encore du fait que l’infaillibilité pontificale allait être bientôt définie ; elle devenait une menace pour la paix entre catholiques ; elle provoquait l’hostilité des non-catholiques. Newman qui n’était pas moins bon théologien que les gens du parti adverse et qui comprenait beaucoup mieux l’histoire, prévit le danger et prêcha la prudence. La faiblesse de ses adversaires résidait en cecique, si Manning avait son trône à l’archevêché de Westminster, Newman avait le sien dans le cœur de tous ses compatriotes, sans distinction de croyance.

En effet l’estime du public « était revenue tout d’un coup à Newman, à la suite d’un épisode dont l’élément essentiel fut la publication, en 1864, de l’Apologia. Chef-d’œuvre, sans doute, de la littérature de controverse, cet ouvrage a pris rang parmi les grandes autobiographies religieuses de tous les temps et de tous les lieux. — Pendant les vingt années qui avaient suivi sa conversion, l’attention publique s’était en somme détournée de Newman. Son éclipse était réelle et Manning exprimait bien ce que ses compatriotes avaient pensé jusque-là, lorsque, ayant lu l’Apologia, il prononçait en guise de commentaire ces paroles : « C’est une voix d’outre-tombe. » Aux yeux de l’Angleterre protestante, Newman, plus qu’aucun autre des convertis, avait perpétré la grande trahison et méritait pleinement le sort des traîtres. « Le D’Newman, imprimait un journaliste, fut jadis un érudit et un gentleman. C’est encore un érudit… » Rien ne pouvait être plus éloquent que ces points de suspension ! Mais l’occasion de se réhabiliter s’offrit à Newman, sans qu’il l’attendît ni la cherchât ; et il