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NEWMAN (JOHN-HENRY), DANS L’ÉGLISE CATHOLIQUE


était pas moins en fâcheuse posture, car tout pouvoir de direction lui avait en fait échappé. Les ennemis du groupe du Rambler Ignoraient cette situation,

et continuaient à considérer Newman et la revue comme ne faisant qu’un. Aussi lorsque parut (novembre 1861, p. 106-119) un compte rendu des conférences de Manning intitulées : The last glories o the Holu Sec greater lhan thefirsl (la gloire finale du Saint-Siège plus grande que la première), compte rendu écrit en fait par Simpson, Manning, sans plus ré (léchir, estima que l’article avait été, sinon rédigé, du moins inspiré par Newman en personne. Son désaccord avec lui, il l’a en somme avoué lui-même, remonte à ce moment. Cf. Purcell, Manning, t. ii, p. 348. Et pourtant, quand parut le compte rendu en question, non seulement Newman n’était plus, comme le croyait à tort Manning, rédacteur en chef du Rambler, mais il était en relations tendues avec le groupe. Que l’erreur de Manning ait pu entraîner de telles conséquences, cela déjà était fâcheux ; mais les relations de Newman avec le Rambler, si brèves qu’elles eussent été, devaient avoir des suites plus durables et plus regrettables encore. Dans le n° de mai 1859 (p. 122) Newman, lui-même, en qualité de rédacteur en chef, avait voulu s’excuser auprès des évoques des articles sur les Poor schools. Il avait écrit notamment : « Si même dans la préparation d’une vérité dogmatique les fidèles sont consultés, comme on l’a fait récemment pour l’Immaculée Conception, il est au moins naturel de s’attendre à un pareil acte de bonté et de sympathie, lorsqu’il s’agit de questions pratiques ; c’est une forme de la condescendance qui doit être propre à ceux qui sont forma facli gregis ex animo. » Des critiques pointilleux, en Angleterre, ^rirent ombrage du mot « consulter ». Newman publia donc dans le n° de juillet le célèbre article : On consullingthe Faiihful (Faut-il consulter les fidèles ?). Pour justifier l’emploi du mot, Newman invoque l’usage du mot dans l’anglais courant : on consulte bien des choses inanimées, un baromètre, un livre, le pouls d’un malade. Il insiste ensuite sur ce qu’il y a toujours de délicat à faire passer un mot d’une langue dans une autre, prenant des exemples dans ses propres écrits. Lorsqu’il avait employé des mots comme évidence ou évidences, probable, natural Iheology, il avait été compris de travers par des étrangers, qui oubliaient « que l’anglais correspond mal au latin théologique ». Mais le sujet principal de l’article était le fulelium sensus ou consensus, considéré comme l’un des loci Iheologici. Au cours de ses études, Newman avait été amené à attacher beaucoup d’importance à ce sensus ; il permettait, à son avis, de résoudre la difficulté qui se présentait, lorsque le témoignage de certains écrivains ecclésiastiques sur certaines doctrines présentait des lacunes ; et il avait surtout en vue les difficiliores modi loquendi des écrivains anti-nicéens. En 1847, il avait discuté la question avec Passaglia et Perrone. Le premier n’avait pas pris la difficulté au sérieux, et avait renvoyé Newman à l’évêque anglican Bull. Le second avait semblé répondre au fait allégué par un transeal, et avait insisté sur ce fait que le sensus fidelium suppléait à ce qui manquait au témoignage des Pères. L’année suivante, lorsqu’il avait lu l’ouvrage de Perrone sur l’Immaculée Conception, il avait été ravi de découvrir que l’auteur attachait au sensus une grande importance. Dans la dernière partie de son article, après avoir cité plusieurs passages de ce traité, il les illustrait par l’histoire de l’époque troublée qui suivit le concile de Nicée, époque ou des évêques en grand nombre compromirent la foi, tandis qu’elle fut, dans une large mesure, maintenue par des laïques. « Mon argument est le suivant : s’ils n’avaient été catéchisés,

comme dit saint Hilaire, dans la foi orthodoxe depuis le temps de leur baptême, ils n’auraient jamais pu avoir l’horreur dont ils font preuve, à l’égard de la doctrine hétérodoxe des ariens. Leur voix, donc, est la voix de la tradition » (p. 213).

Vers la fin de l’article (p. 214), on relève ce passage : « .le dis que la fonction de YEcclesia docens fut temporairement suspendue. Les évêques manquèrent à leur devoir, qui était de confesser la foi en corps. Ils parlèrent diversement, et l’un contre l’autre ; on n’entendit plus, après Nicée, et pendant près de soixante années, de témoignage ferme, invariable, d’accord avec lui-même. Il y avait des conciles indignes de confiance, des évêques infidèles ; on voyait la faiblesse, la peur des conséquences, les conseils des mauvais bergers, les illusions, les hallucinations sans fin et sans espoir, pénétrer jusque dans tous les recoins, ou presque, de l’Église catholique. » On pouvait évidemment interpréter ces paroles, séparées de leur contexte, en leur prêtant un sens que leur auteur n’aurait jamais voulu leur donner ; traduites en latin, elles pouvaient même suggérer l’hérésie. Un évêque les comprit de travers et, sans avoir même consulté Wiseman ou Ullathorne, les envoya à Rome pour examen. Ullathorne en fut informé, alors qu’il se trouvait séjourner à Rome à la fin de 1859 ; on le pria d’avertir Newman. Celui-ci, selon les conseils de son évêque, écrivit à Wiseman, qui était à Rome pour quelque temps (19 janvier 1860) et mit toute l’affaire entre ses mains. Ward, t. ii, p. 171. Il demandait qu’on lui indiquât les passages qui avaient donné lieu à critique, qu’on lui fournît la traduction dans laquelle ils avaient été lus, et l’énoncé des vérités qu’il était censé avoir contredites ; et il s’engageait dans le délai d’un mois, à professer « ex animo, dans leur plénitude et leur intégrité », ces propositions dogmatiques, et à montrer qu’elles étaient absolument d’accord, aussi bien avec son argumentation prise en elle-même, qu’avec le texte de cette argumentation en anglais. Wiseman obtint promptement de la Propagande une liste des passages incriminés : mais il ne répondit pas à la lettre de Newman, et ne lui envoya pas la liste. Puis en avril, tandis qu’il était encore à Rome, il lui fit dire par Manning qu’il vaudrait mieux laisser les choses en état jusqu’à son retour en Angleterre. Newman ne reçut pas d’autre communication du cardinal ! il crut comprendre, d’après les paroles de Manning, que l’affaire était réglée, et ne fit pas d’autres démarches. Ce fut pour lui une surprise brutale, en 1867, d’apprendre qu’il couvait encore sous la cendre quelque ressentiment contre lui ; on lui avait, disait-on, donné l’occasion de s’expliquer, et il n’en avait pas profité. Dès que la lumière fut faite sur cet état de choses, Newman n’eut pas de peine à faire cesser le malentendu. Mais une difficulté subsistait : Franzelin avait mis, sous forme théologique, les objections que l’article avait suscitées. Perrone, consulté, insista pour que Newman profitât pour répondre à Franzelin d’un écrit sur quelque autre sujet. Newman suivit ce sage conseil, et sa réponse, courte mais concluante, parut dans un appendice de la nouvelle édition de The arians (p. 466-468). Il ne semble pas qu’on ait plus jamais entendu parler de ce malheureux sujet : Ce qui est regrettable, c’est que Wiseman n’ait pas agi avec plus de vigueur dès le début. S’il l’avait fait, les soupçons auraient été dissipés aussitôt.

La question du haut enseignement.

Après qu’il

fut rentré d’Irlande, et qu’il se fut séparé du Rambler, Newman vécut des années paisibles dans la maison de l’Oratoire ; une seule pensée venait jusqu’à un certain point troubler cette paix : c’était que d’autres hommes, de moindre valeur, faisaient quelque bruit dans le monde, tandis qu’il semblait, lui, avoir été relé-