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NEWMAN (JOIIN-HENRY), LE MOUVEMENT TRACTARIEN


Marie à Hawkins, qui avait été élu prévôt d’Oriel. En 1832, à la suite d’un différend avec Hawkins, il dut mettre fin à son activité comme « tuteur ». La même année, il acheva son livre sur les ariens, et en décembre partit pour l’étranger avec Hurrell Froude et le père de celui-ci. Il fit un voyage d’excursion en Sicile, au cours duquel il prit une fièvre et tomba dangereusement malade. Il revint en Angleterre en juillet 1833. Au cours du même mois, Keble prêcha son fameux sermon sur V Apostasie nationale, qui fut toujours considéré par Newman comme le début du « mouvement tractarien » ou « mouvement d’Oxford »

— le premier nom étant dû aux fameux Tracts for the times (brochures pour le temps présent), le second au fait que les auteurs de ces Tracts résidaient à Oxford.

Le mouvement tractarien.

Ce mouvement était

une protestation contre l’érastianisme dans une Église soumise à un Etat sécularisé. On voyait rapidement disparaître l’ancien ordre de choses, où une seule formule englobait « l’Église et l’État » : il n’y avait plus identité entre les deux. L’abrogation des lois dites Test and corporation Act (1828) accordait d’une manière formelle aux « dissidents » (non conformistes) ce qu’ils possédaient depuis longtemps en pratique, l’égalité politique avec ceux qui faisaient acte de culte dans l’Église anglicane. La loi qui émancipait les catholiques (Calholic émancipation A et) en 1829, fit entrer au Parlement des représentants catholiques de l’Irlande, qui, tout aussi bien que les pairs catholiques anglais, pouvaient désormais prendre part au vote sur des mesures législatives, où les intérêts de l’Église d’État étaient directement engagés. Le Rejorm Bill (loi sur le régime électoral) de 1832 accrut indirectement la puissance politique des « dissidents », et transféra en pratique la suprématie royale sur l’Église au Parlement qui, en 1833, supprima dix évêchés anglicans en Irlande. Cette mesure était financièrement sage, puisqu’on ne pouvait plus forcer les catholiques irlandais à payer la dîme ecclésiastique ; mais elle était contraire aux désirs de l’Église d’État. Si l’on y ajoute l’agitation semirévolutionnaire qui avait contraint le gouvernement à accepter le Rejorm Bill, et qui n’était pas encore calmée, et aussi une hostilité largement répandue contre l’Église anglicane en tant qu’Église établie, la suppression des évêchés semblait être un premier coup que d’autres coups plus lourdement frappés allaient bientôt suivre. C’est au milieu de ces alarmes que Newman lança ses premiers Tracts for the limes. Il en fit paraître trois en septembre 1833. Le premier d’entre eux, véritable appel de clairon du mouvement d’Oxford, avait pour titre Thouijhts on the ministerial Commission (Pensées sur la charge commise au ministère sacré). Ce tract était adressé aux membres du clergé. Il leur posait la question suivante : « Si le gouvernement et le pays oublient leur Dieu au point de rejeter l’Église, sur quel terrain vous placerez-vous pour exiger de votre troupeau l’attention déférente et le respect ? » Et la réponse était : « Je crains que nous n’ayons négligé la fondation véritable sur laquelle est bâtie notre autorité, le fait que nous descendons des apôtres. » Peut-être certains membres du clergé ne voudraient-ils pas tout d’abord reconnaître qu’ils professaient cette doctrine ; mais, leur assurait-on, <> en fait ils y croient, car c’est la doctrine du service de l’ordination ; doctrine dont ils ont, par conséquent, reconnu la vérité au moment le plus solennel de leur existence. » Parmi ceux à qui il était nécessaire de donner une telle assurenec, se trouvait l’évêque de Londres ; il avait déclaré, disait-on, que la croyance à la succession apostolique était morte avec les « non-jureurs ». Apoi, p. 31.

Les tracts continuèrent à paraître de septembre 1833 à janvier 1841, date à laquelle ils s’achevèrent par le fameux « Tract 90° ; au total, Newman en écrivit près du tiers. (On trouvera dans la Vie de Pusey de Liddon, au t. iii, une liste complète des tracts et de leurs auteurs.) A la fin de chaque année, les numéros parus étaient réunis en volumes. Dans son Oxford movement (Le mouvement d’Oxford), Church cite en entier l’avertissement au lecteur du t. i cr, parce qu’il fournit « un exposé contemporain et faisant autorité de ce que les chefs avaient dans l’esprit. » D’après ce document, les Tracts ont pour objet « de faire revivre en pratique des doctrines qu’ont professées les grands théologiens de notre Église, mais qui, pour la majorité de ses membres, sont aujourd’hui tombées en désuétude, et qui sont soustraites aux regards du public, même par les quelques individus plus savants et plus orthodoxes qui y restent encore fidèles. La succession apostolique, la sainte Église catholique, étaient des principes d’action dans l’esprit de nos prédécesseurs du xvii c siècle », etc. C’étaient Laud et les théologiens de l’époque de Charles I er et de Charles II, et non point les premiers réformateurs, qui représentaient l’idéal des « tractariens ».

Une rapide esquisse de la position doctrinale de Newman durant le mouvement d’Oxford sera à sa place ici. Cette position est caractérisée sous son aspect ecclésiastique par la théorie dite des branches de l’Église (Branch theonj), sous son aspect théologique par celle de la Via média. D’après la Branch theonj, l’Église catholique d’aujourd’hui consiste principalement en trois branches : l’anglicane, la grecque et la romaine. Chacune d’entre elles est réellement l’Église catholique sur le territoire qu’elle occupe. Le péché de schisme ne consiste pas à suspendre la communion entre Église et Église, mais à dresser autel contre autel, évêque contre évêque, dans le même diocèse, à la manière des donatistes. Ainsi, ce serait un acte de schisme de créer un évêché anglican à Malte ou à Jérusalem. La séparation extérieure des différentes parties de l’Église peut être un terrible jugement de Dieu, un effrayant triomphe des puissances du mal, mais elle ne va pas à rencontre de la promesse d’indéfectibilité faite par Dieu à son Église. Une Église ne perd pas sa qualité d’Église, aussi longtemps qu’elle ne perd pas la succession apostolique, aussi longtemps qu’elle ne se solidarise pas formellement avec l’hérésie.

Quant à la Via média, elle devait ce nom au fait qu’elle suivait une ligne intermédiaire entre le protestantisme et Rome, maintenant contre le premier l’autorité de la tradition (ou des premiers Pères) et rejetant contre la seconde des doctrines qui apparaissaient comme des innovations. Le canon qui devait servir de critère était le quod ubique, quod semper, quod ab omnibus de Vincent de Lérins. La Via média postule l’existence d’un système de doctrine faisant bloc et capable de satisfaire à une telle règle. Le canon de Vincent de Lerins, considéré du point de vue anglican, ne pouvait d’ailleurs donner satisfaction. (Voir à ce sujet l’introduction de l’Essai sur le développement de Newman. Ce canon prouve trop ou trop peu. « Il ne peut à la fois, condamner saint Bernard et saint Thomas, et défendre saint Athanase et saint Grégoire de Nazianze, » p. 12.) Mais comme les écrits, auxquels on emprunte ce système de doctrine, ne sont pas inspirés, on est conduit à se demander de quelle nature est l’autorité de cette Tradition. A cela trois réponses peuvent être données, qui ne sont pas inconciliables.

1. C’est l’autorité même de l’Écriture, qui confirme, ne fût-ce que d’une manière indirecte, les doctrines de la Via média.