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NEWMAN (JOHN-HKNRY), DANS L’ÉGLISE ANGLICANE


qu’avant et après le mois d’août 1816, le jeune garçon que j’étais soit resté la même personne. » Dans V Apologia, il est, dit-il, plus certain d’avoir subi cette conversion intérieure, qu’il ne l’est d’avoir des mains et des pieds. Apol., p. 4. Ici s’affirme une tendance à l’idéalisme philosophique, Ncwman est plus certain d’une expérience purement intérieure que de faits de perception extérieure.

En 1872, Newman détruisit les notes et les papiers écrits après sa conversion, mais « répugnant à supprimer entièrement les traces de la grande miséricorde de Dieu envers lui », il en recopia quelques extraits. Miss Mozley fit un choix de quelques-uns d’entre eux ; mais elle ne reproduisit pas avec son exactitude habituelle le passage suivant que l’on a bien des fois cité. C’est apparemment le brouillon d’une composition qui paraissait au jeune garçon susceptible d’être rédigée : « La réalité de la conversion, en tant qu’elle coupe le doute à la racine et tend une chaîne entre Dieu et l’âme [c’est-à-dire une chaîne dont aucun maillon ne manque ]. Je sais que je suis dans le vrai. Comment le sais-je ? Je sais que je le sais — Comment ?

— Je sais que je sais que je le sais. [Vide Gram. of as., 4e édit., p. 195-197] » Miss Mozley laisse de côté les crochets qui renferment — cela est clair — des explications ajoutées par Newman en 1872 ; et elle laisse croire par là que c’est elle-même qui renvoie à la Grammar of assent. Elle omet également les mots suivants : « Et encore chaque action a son effet, a son poids et son sens. Pas d’ombres, accord et suite. L’homme non converti change sa raison de vivre selon les périodes de son existence, ou bien ne cesse de changer au hasard ; mais ici tout s’accorde, tout se suit. » Le jeune homme aimerait justifier sa certitude, mais il ne le peut. Il doit se contenter de l’ipse dixit de son esprit. Cependant il y a quelque chose qu’il peut énoncer en paroles, à savoir, l’harmonie et l’esprit de suite que la religion donne à la vie. Le jeune garçon de moins de seize ans qui est prêt, s’il le faut, à s’en tenir à son « Je sais que je sais », mais avancera plus loin s’il le peut, n’est pas près d’être mûr pour la philosophie de Locke, ni pour le fidéisme.

Les « évangéliques » professaient des opinions sévères sur les distractions mondaines, telles que la danse et le théâtre, et ils exigeaient la stricte observance du dimanche. Newman se traça à cet égard une ligne de conduite à lui. Vers la fin de 1816, nous le voyons condamner la danse, mais pour lui-même se’ulement. Écrivant en latin, tant pour s’exercer que pour se protéger contre des indiscrétions, il exprime ainsi question et réponse, .Sic agendo alios qui choreis favent condemno ? Procul a me sit illud ! Il ne voyait aucun mal à aller au théâtre, bien qu’il n’y eût mis les pieds que deux fois après 1816. Lorsqu’enfin, en 1821, il décida de ne plus le faire, il se mit en garde contre toute tendance à juger ceux qui avaient des principes moins rigoureux. De même en 1823, lorsqu’il renonça à « profaner le dimanche », par exemple en lisant des journaux. D’un bout à l’autre, on est frappé de ne pas rencontrer « l’entêtement volontaire de l’enthousiaste ». Il reconnaissait instinctivement que s’abandonner à l’arbitraire de sa propre volonté, et l’imposer aux autres, ce n’est pas seulement faire preuve de mauvaise éducation, mais encore s’exclure de la vraie spiritualité.

Mayers en quittant Newman, lui fit cadeau d’un ouvrage de Beveridge, Private thoughts (Pensées intimes), livre de piété solide que le jeune homme étudia ardemment. Mais l’écrivain qui eut le plus d’influence sur lui fut Thomas Scott (1747-1821), clergyman de l’Église d’Angleterre, qui, après être tombé dans le socinianisme, avait été converti par Newton, « évangélique » célèbre et guide spirituel

du poète Cowper. Scott devint un champion résolu des doctrines calvinistes et, en même temps, combattit avec force ce qu’il en considérait comme l’abus. Il insistait sur le côté pratique des épîtres de saint Paul aussi bien que sur leur côté doctrinal, et s’attira ainsi le reproche de pencher vers l’arminianisme. Puisque les bonnes œuvres devaient nécessairement suivre la foi « qui seule sauvait », on estimait inutile de prendre ces œuvres pour matière de prédication. C’est apparemment le côté minutieusement pratique de l’enseignement de Scott qui faisait dire de lui par Newman : « C’est l’homme à qui (humainement parlant) je dois presque mon âme. » C’est lui aussi qui, le premier, implanta profondément dans l’esprit du jeune homme la doctrine de la Trinité. Apol., p. 5.

En 1816, Newman lut l’Histoire ecclésiastique de Milner, ouvrage « évangélique », et « se prit d’un goût passionné pour les longs extraits des Pères » qu’il y trouva ; il lut en même temps le livre de Newton, On (lie prophecies, qui le convainquit que le pape était l’antéchrist. Apol., p. 7. Telle était l’opinion courante des Anglais religieux, il y a un siècle. Ils voyaient dans les soi-disant prophéties sur « l’apostasie papale », et dans leur accomplissement une des preuves capitales de la divinité du christianisme. Il s’appropria aussi en passant la doctrine d’après laquelle les convertis sont sûrs de persévérer jusqu’au bout. Mais cette « détestable doctrine » n’eut aucune influence sur sa conduite, et en l’espace de quelques années s’effaça progressivement de son esprit. Apol., p. 4. En acceptant « l’évangélisme », le jeune homme acceptait la seule forme de religion où se trouvât à cette époque une foi vivante aux dogmes de la Trinité et de l’Incarnation.

Newman à Oxford.

 Newman devint étudiant

à Oxford en juin 1817. En 1820, il obtint le grade de bachelier es arts, mais il ne réussit nullement à se distinguer aux examens, contrairement à l’attente de tous ceux qui le connaissaient. Cet échec relatif fut plus que compensé en 1822, lorsqu’il fut nommé « fellow » du collège d’Oriel. Il se trouva tout à coup placé dans la société la plus intellectuelle d’Oxford.

Nous passerons sur ce qui est familier à tout lecteur de V Apologia, sur la manière dont Whateley fit sortir Newman de sa coquille et lui apprit à penser par lui-même, etc. ; mais nous pouvons nous arrêter un moment à un autre sujet ; Y Apologia n’y fait qu’une brève allusion, mais l’Autobiographie s’y attarde assez longuement, nous voulons parler de la manière dont fut déraciné son « évangélisme ». En 1824, il fut ordonné diacre et devint vicaire de l’église Saint-Clément à Oxford. Il chercha naturellement les conseils d’un de ses collègues d’Oriel, Hawkins, à cette époque curé de l’église Sainte-Marie. Les critiques que fit Hawkins des sermons de Newman, ses fréquents entretiens avec le jeune homme et un livre qu’il lui mit entre les mains, Apostolical preaching (la prédication apostolique) de Sumner, tout cela eut pour résultat d’arracher de son Credo les doctrines « évangéliques » M., i, p. 105. Il en vint à reconnaître les différences fondamentales qui séparaient les exhortations de saint Paul dans ses épîtres de celles qui tombaient des chaires « évangéliques ». Ou donc, par exemple, l’apôtre diviset-il ceux qui le lisent en deux catégories, ceux qui sont justifiés par leur foi et ceux qui ne le sont pas ? Pendant un moment, Newman fut en danger de se laisser tomber dans « une froide doctrine arminienne, le premier degré du libéralisme. » Mais sa dévotion aux Pères de l’Église (M., i, p. iii), une maladie et un grand deuil (Apol., p. 4) le sauvèrent. En 1826, il se vit attribuer l’un des postes de « tuteurs » a Oriel ; en 1828, il succéda comme curé de Sainte-