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NESTORIENNE (L'ÉGLISE), CHRISTOLOGIE


Babal n’appuie pas sur la nécessité d’expliciter cette doctrine dans la formule des deux hypostases.

C’est en réaction contre les tentatives de Sahdonâ (Martyrios) que la théologie nestorienne va insister sur cette terminologie. Sahdonâ avait mis en circulation des idées nettement chalcédoniennes : « La nature de notre humanité, disait-il, le Dieu Verbe, d’une manière toute surnaturelle et dès le début de la formation de celle-ci l’a unie à lui pour toute l'éternité en une seule hypostase (qènomà) et une seule personne (parsopâ). » Cf. H. Goussen, Marlyrius, p. 18. C’est contre cette tentative, partiellement inspirée du souvenir de Hënânâ, que va s'élever le nestorianisme de stricte observance. Les polémiques du martyr Georges (cf. Synod. orient., p. 628) amènent la fixation p ?r la réunion épiscopale de 612 de l’orthodoxie nestorienne qui s'établit définitivement sur les lignes tracées par Babaï. Voici le passage capital de cette déclaration : t Quand nous disons le Christ « Dieu parfait », nous ne désignons pas la Trinité, mais une des hypostases de la Trinité, Dieu le Verbe. Quand nous appelons le Christ « l’homme parfait », nous ne désignons pas tous les hommes, mais cette seule hypostase qui a été spécialement prise pour être unie au Verbe en vue de notre salut. » Ibid., p. 566, trad., p. 583. Et, dans leurs ripostes aux sévériens, les évêques de dire : « Le Christ, Fils de Dieu, est-il Dieu en nature et en hypostase, et homme en nature et en hypostase ? Si oui, voici sans hésitation, deux natures et deux hypostases. Si non : lequel des deux est sans nature et sans hypostase ? » Ibid., p. 569, trad., p. 587. Où l’on voit clairement ce qui est compris ici sous le nom d’hypostase, c’est à savoir la nature concrète, douée de ses propriétés individuelles, sans que l’attention d’ailleurs se porte sur cette propriété métaphysique qui est la « subsistence. » Quand l’on dit du Christ qu’il a pris la nature humaine, ce n’est pas la nature humaine en général qu’il a assumée : « il n’a pas pris tous les hommes », il a pris une nature concrète, individuelle, une hypostase.

Chose intéressante à signaler, cette argumentation du synode de 612 revient presque textuellement dans une profession de foi, envoyée au pape Grégoire XIII par le catholicos Élie VII, à la fin du xvie siècle. Voir Giamil, op. cit., p. 496 sq. : le texte est p. 502 en haut : Deum perfectum dum Christum vocamus, etc.

La profession de foi aux deux natures, aux deux hypostases, à l’unique personne devient ainsi tout à fait caractéristique de l’orthodoxienestorienne. Quand le synode tenu à Diarbékir en 1616 (voir ci-dessus, col. 236), voudra exposerau pape PaulVla croyance de l'Église nestorienne, il croira entrer pleinement dans les vues de Rome en écrivant : Assentimur sententiæ Ecclesise Romæ ut faleamur unam personam Verbi in Christo ; tanquam arbor quæ inseritur in arbore extranea a natura.sua, et manifestum est, quod subsistentia illius prœdictœarboris déterminât ambas naturas. Ibid., p.l44. Dans sa concision l’image manquedeclarté. Il faut comprendre sans doute que la nature humaine est le greffon inséré sur le « sujet » qui est le Verbe, greffon qui vit en somme de l’influx même de ce « sujet ». PaulV répondit que cette comparaison lui paraissait suspecte : Ex eomparatione hac facile in/erri possel reperiri in Christo duas subsislenlias cum duabus naturis ; cum ulraque arbor, et quæ inseritur et altéra in qua Ma insita est, habeanl quedammedo propriam subsistentiam, et toc paclo in pessimum damnatissimumque dogma Nestorii et Thecdori recideretur, qui perverse subdoleque unitalem personæ cum duabus subsistenliis in Christo Domino nostro ponebanl. Ibid., p. 161.

2. La communication des idiomes.

Quoi qu’il en soit, il reste que l'Église nestorienne, écartant le problème met aphysique de la subsist ence. s’est cramponnée

à la formule des deux hypostases et de l’unique personne. De même s’est-elle obstinée dans la primitive aversion de Théodore et de Nestorius à l’endroit du mot Théotokos. Jamais elle n’a pu se décider à reconnaître bonnement, simplement Marie comme Mère de Dieu, et toujours elle a cru devoir entourer le mot de restrictions, fort légitimes, à coup sûr, mais qui ne laissent pas de paraître puériles. La chose ne peut tenir qu'à un mystérieux atavisme, car ses meilleurs théologiens ont élaboré toute une théorie de la « communication des idiomes » qui paraît absolument correcte, et ses professions de foi utilisent des formules qui pratiquement font état de cette théorie.

Le synode de 585, par exemple, écrit : « Les hérétiques osent attribuer, à la nature et à la substance de la divinité et de l’essence du Verbe, les propriétés et les passions de la nature humaine du Christ, qui, parfois, à cause de l’union parfaite entre l’humanité du Christ et sa divinité, sont attribuées à Dieu économiquement. mais non naturellement. » Synod. orient., p. 136, trad., p. 398. Et un peu plus loin reprenant l’exemple même donné par le tome de Léon, le synode ne craint pas de dire : « Notre Seigneur lui-même fait connaître l’existence de l’unité personnelle dans une union sans confusion, quand il dit : « Personne n’est monté au ciel sinon celui qui est descendu du ciel : le Fils de l’homme qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme qui est dans les cieux. » Ibid., p. 195, trad., p. 455. Ou encore et d’une manière plus explicite : « Ceux qui disent simplement que Dieu fut engendré par Marie, ou que Dieu a grandi, ou que Dieu a mangé, ou que Dieu a bu, ou que Dieu a dormi, ou que Dieu a eu faim et soif, [ou que Dieu a souffert, ou que Dieu a été crucifié et qu’il est mort, sont éloignés de l’orthodoxie, de la vérité de la foi et de la confession qui convient à Dieu I ils sont réellement privés de l’intelligence même de la raison ; ils osent ce que les démons eux-mêmes n’osent pas dire. Mais toutes ces choses que l'économie de Dieu le Verbe a accomplies dans son humanisation peuvent être attribuées au Christ et au Fils. » Synode de Georges I er, en 680, Synod. orient., p. 241, trad, p. 508-509. — On sait les luttes auxquelles a donné lieu en « Occident », vers la fin du vie siècle, la question de la formule : Unus de Trinitate passus. Or, nous avons relevé, dans une formule synodale nestorienne déjà citée, un texte qui devrait se traduire en somme : Unus de Trinitate baplizatus : « La Trinité fut dévoilée comme dans un tableau, au baptême de Notre-Seigneur : par le Fils qu’on devait reconnaître en celui qui était baptisé, par le Père qui lui rendait témoignage, et par le Saint-Esprit qui reposa sur lui comme une colombe. » Synode d’Abâ I er, 544, ibid., p. 542, trad., p. 552. Voir une expression identique dans Salomon de Bassorah, Livre de l’abeille, trad., p. 41.

Quant à Babaï, il a légitimé, du point de vue théorique, ces manières de parler avec une précision que lui envieraient bien des théologiens « occidentaux ».

Hic natura ? mutuam personam sumunt, in una unione, in una adhsesione, in uno nomine communi, quod sibi mutuo communicant in ipsa unione : « Filius hominisqui est in cselo » (Joa., iii, 13) ; nomen quidem « Filius hominis » ad naturam ejus humanam pertinet, ob unionem tamen pertinet etiam ad Deum Verbum assumptive. Simili modo et nomen « Jésus » et nomen « Christus ». Ita etiam nomen « Filius » et nomen « Dominus gloriæ », etsi ad divinitatem Christi proprie pertinent, ob unionem tamen personalem pertinent ad humanitatem ejus assumptive : » Si enim illam cognovissent, Dominum gloria* non crucifixissent » (I Cor., il, 8) ; et « Si Filio suo non pepercit, sed pro nobis omnibus tradidit illum » (Rom., viii, 32). At crucifixus et mortuus est in humanitate sua, non in divinitate sua, et est Dominus gloria" et Filius Dei propter unionem et adhasionem quae ipsi fuerunt cum Filio aHerno, et Domino gloriæ qui est Deus Verbum. Quod proprie ad Verbum pertinet, pertinet ad