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NRSTORIENNE (L’EGLISE), CHRISTOLOG1E


de prendre à l’occasion l’exemple de l’union de l'âme et du corps comme exemple de l’union des deux natures dans le Christ, mais toujours avec cette restriction importante : « Attention ! ces deux unions ne sont pas du même genre. »

Si on ne la nomme point « hypostatique », comment dès lors qualifier cette union « unique et adorable » ? En théologien digne de ce nom, Babaï reconnaît qu’elle est inefïabl" ;, indéfinissable. C’est la décrire de manière très imparfaite que de l’appeler une « inhabitation unitive », bien que nos auteurs tiennent beaucoup à cette image, chère depuis les origines à l'école antiochienne : les expressions « le temple et celui qui l’habite » et autres similaires reviennent souvent dans les profession de foi aussi bien que dans les traités proprement théologiques. Voir aussi Badger, op. cit., t. ii, p. 34-35. On a dit ailleurs, ci-dessus, col. 145, comment elles n’ont, en soi, rien d’hétérodoxe. Tout aussi correcte (et tout aussi insuffisante d’ailleurs) est le terme « d’assomption unitive », qui traduit l'àvàXY)<iiç des Grecs. Quant à « l’adhésion indissoluble », réplique de la auvcctpeia grecque, elle n’a en soi, non plus, rien de rédhibitoire, ni de spécifiquement nestorien.

Mais l’expression caractéristique de la théologie nestorienne, c’est à coup sûr le terme d’union personnelle, qui a évidemment ici un sens assez différent de celui de Chalcédoine. Les mots « personne de filiation », « personne d’union », « personne d'économie » reviennent à tout instant, sinon dans les professions de foi qui nous paraissent avoir évité d’ordinaire ce terme technique, du moins dans les théologiens en veine d’explications. On la trouvemêmedans lestextes liturgiques. Badger, op. cit., t. ii, p. 34-35. Tout bien considéré, il ne nous semble pas que le mot ait un sens différent de celui que nous avons trouvé dans les œuvres de Nestorius, ci-dessus, col. 151. Encore faudrait-il remarquer que les théologiens évitent d’ordinaire de parler du prosôpon de l’humanité, comme Nestorius a pu le faire. "Voir pourtant Babaï, trad., p. 136. Que l’on note du moins cette définition que donne Babaï de l’union personnelle : Deus Verbum humanitatem nostram ad personam (parsopâ) suam unilive sumpsit, el fecil illum hominem ex nobis secum unum Filium Dominum qui est Jésus Christus heri et hoilie. Texte, p. 50, 1. 7-8 ; trad., p. 41. Où l’on remarquera, d’ailleurs, que ce n’est pas le mot hypostase (qënomâ) qui est employé, mais bien le mot « personne » au sens nestorien, ce qui interdit de rendre cette définition entièrement superposable à la définition chalcédonienne. Tout au moins reste-t-il clair que l’union de la nature humaine au Verbe aboutit à une « personne unique de filiation », qui est proprement la personne du Verbe incarné. Voir aussi Babaï, trad., p. 39. Sur les conséquences de cette unité de personne et spécialement sur la communication des idiomes, nous nous expliquerons un peu plus loin.

Quant à l’expression d’union volontaire dont la théologie « occidentale » s’est si fort scandalisée, et qui a donné lieu à de si singulières méprises, elle est courante chez les théologiens, sinon dans les professions officielles. Ici encore, Babaï en a donné une explication qui ne laisse place à aucune équivoque. La volonté dont il est ici question, ce n’est pas d’abord et en premier lieu la volonté humaine de Jésus qui aurait mérité, par sa soumission aux influences d’en haut, de s’unir de plus en plus à la personne du Verbe. Bien que cette volonté humaine doive entrer en ligne de compte, c’est avant tout à la volonté divine qu’il faut penser quand l’on parle d’union volontaire. Cette union est ainsi nommée, parce qu’un acte de condescendance parfaitement libre a conduit le Verbe divin à élever jusqu'à lui la nature humaine, disons « l’homme » qu’il

a « assumé ». Mais cette union, pour se réaliser indissolublement, n’a pas besoin d’attendre que la volonté de « l’homme » soit déjà en état d’agir librement et de se porter consciemment vers le Verbe de Dieu. La preuve péremptoire la voici : En anthropologie, Babaï professe que l’animation du fœtus ne se fait qu’au quarantième jour après la conception. Il ne voit pas de raison de soustraire l’humanité du Christ à cette loi générale de développement. Or il affirme avec toute la clarté possible que l’union du Verbe avec l’humanité, sous la forme où elle existait alors, a eu lieu dès le premier instant de la conception, dès Je moment où Marie a prononcé le Fiat mihi secundum verbum tuum, l'âme n’ayant d’ailleurs été créée qu'à l'époque normale où le sont d’ordinaire les âmes humaines : Ecce igitur exinde cognilum est cum omni evidentia et absque dubio quod, una cum annuntiatione angeli, fuit unio et inhabitatio. quamvis homo domini nostri in sua subslanlialitale animala nondum complelus esset quia, sicut et dixi secundum traditionem omnium Palrum orthodoxorum, præler concubilum, altamen quoad cèleras omnes naturie proprietales ordinem sicut céleri omnes pueri servavit, nam formandus et animandus « in omnibus assimilatus est nobis prader peccatum ». Trad., p. 86. Et la question de l’union durant le triduum passionis, qui pose un problème analogue à celui de l’union du Verbe avec le fœtus encore inanimé, est résolue par notre théologien, et par beaucoup d’autres, exactement de la même manière : le Verbe est resté uni au corps inanimé aussi bien qu'à l'âme. Voir du même auteur les c. xviii et xix, trad., p. 140-160, et déjà p. 93, qui roulent expressément sur la mort du Christ et la résurrection. Nous sommes aux antipodes de ce que l’on a mis sous le nom d’union volontaire, et tout proche des concepts de la théologie la plus orthodoxe. Voir des expressions tout aussi nettes dans Timothée I er, Epist., xxxiv, trad., p. 106-140, tout spécialement p. 107-108.

Conséquences.

1. Les formules à employer. —

Posé ce mode d’union, des conséquences s’en déduisent et tout d’abord relativement à la terminologie à employer. Pendant deux siècles la théologie nestorienne s’en tient, le plus ordinairement, à la formule : deux natures, une personne, qui lui donne un faux air de chalcédonisme. Ainsi le synode d'Ézéchiel, 576 : « Le Christ incarné doit être reconnu et confessé en deux natures : Dieu et l’homme, Fils unique. » Synod. orient., p. 113, trad., p. 372. Et, plusexplicitement, le synode de Iso’yahb I er, 585 : « Telle est la foi incorruptible, on y proclame parfaitement la personne (parsopâ) du Christ et ses natures divine et humaine, contre ceux qui contestent sa divinité et nient son humanité, et contre ceux qui confessent son humanité et nient sa divinité et contre ceux qui nient sa divinité en confessant qu’il est un homme ordinaire ou qui l’assimilent à l’un des justes. » Ibid., p. 136, trad., p. 397.

Mais, vers la fin du vie siècle, la tendance se manifeste qui prétend compléter la formule de la manière suivante : Deux natures, deux hypostases, une personne. Déjà Babaï a une longue dissertation « sur la différence entre l’hypostase et la personne, et comment la personne est prise tandis que l’hypostase n’est pas prise », c. xvii, trad., p. 129. La conclusion en est très claire : « La personne de l’humanité a été prise unitivement par Dieu, mais son hypostasen’a pas été prise » (p. 136). En d’autres termes, et d’après les explications données au cours du chapitre, les caractères individuels qui distinguent cette nature concrète qui est l’humanité du Christ, s’annexent à la personne même du Verbe, et, si l’on peut dire, s’incorporent avec celle-ci, mais cette nature concrète elle-même (hypostase) ne se fusionne pas avec l’hypostase du Verbe. Cf. ci-dessus dans la théologie de Nestorius, col. 152. Pourtant