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NESTORIKNNE (L'ÉGLISE), C H RISTOLOG 1 1.


ce point avec les melkites et les jacobites. C’est la raison pour laquelle Timothée I er reconnaît très explicitement la valeur du baptême, conféré par les autres confessions religieuses qui acceptent le symbole de Nicée-Constantinople.£plsf., i, trad., p. 9sq. On remarquera les considérants très iréniques de son opinion : « les divisions entre cyrilliens, chalcédoniens, nestoriens, dit-il, laissent intactes les bases mêmes de la foi, c’est à savoir la confession de la divinité parfaite et de la parfaite humanité du Christ. Pour les trois Églises rivales, les fondements de la maison sont bons, c’est la toiture seulement qui est ruinée chez les chalcédoniens et les jacobites, tandis qu’elle est en bon état chez nous » ; cf. Epist., xxvi. On remarquera chez les théologiens nestoriens, comme d’ailleurs chez Théodore, l’attention particulière qu’ils apportent à la doctrine de la périchorèse, à laquelle les Grecs ne penseront qu’un peu plus tard. Voir par exemple la deuxième lettre dogmatique d’Abâ I er, Synod. orient., p. 542, trad., p. 553 : « Cette Trinité existe de toute éternité, elle a créé toutes les choses visibles et invisibles : elle est sans commencement, sans changement, sans séparation, en trois hypostases, qui sont le Père, le Fils et l’Esprit-Saint. Aussi, Notre-Seigneur a-t-il dit qu’en lui on connaissait la Trinité éternelle. En effet, il a dit de lui-même : « Détruisez ce temple, » c’est-à-dire l’humanité qu’il avait revêtue. Il a dit encore : « Mon Père, qui habite en moi, fait lui-même ces œuvres, » et il proclame aussi que le Saint-Esprit était en lui, en disant : « L’Esprit du Seigneur repose sur moi, et pour cela il m’a oint. » — Si la théologie nestorienne spécule rarement sur les « relations » divines, elle n’a pes laissé d'ébaucher une théorie de ces relations qi i prend pour point de départ l'âme humaine et ses diverses facultés. Voir l’essentiel dans Ébedjésus, trad., p. 345. Mais cette théorie ne l’a pas empêchée de s’en tenir, pour le Saint-Esprit, à l’unique procession. L’expression même « procédant du Père par le Fils » qui est l'équivalent grec de la procession ab utroque, ne m’a pas paru se rencontrer chez eux. Voir Badger, op. cit.. t. h. p. 79.

Les deux natures.

Pour ce qui est de la christologie proprement dite, la théologie nestorienne est

strictement dyophysite. « Nous gardons, dit le Synode de Joseph, en 554, la confession orthodoxe des deux natures, dans le Christ, c’est-à-dire de sa divinité et de son humanité ; nous gardons les propriétés des natures et nous répudions en elles toute espèce de confusion, de trouble, de mutation et de changement. » Synod. orient., p. 98, trad., p. 355. Inutile de multiplier les citations soit de documents officiels, soit de théologiens énonçant que le Christ est Dieu parfait. Verbe de Dieu consubstantiel au Père, et homme parfait consubstantiel à nous autres hommes, ayant chair et sang de la race d’Adam et de la souche d’Abraham, ayant une âme raisonnable, semblable à la nôtre, étant en somme semblable à nous en toutes choses, hormis le péché. Il va sans dire que la théologie nestorienne réprouve avec la même énergie que nous tout ce qui pourrait rappeler l’adoptianisme soit de Théodote(je n’ai pas vu que celui-ci lui fût connu), soit de Paul de Samosate, qui est expressément anathamatisé. Cf. Syncd. orient., p. 194, trad., p. 453, et aussi p. 198, trad., p. 458 (synode de Sabriso', 596) : « Anathème à qui considère comme un homme simple (^tXoç avôpwTtoç) le temple véritable de Dieu le Verbe. » Pour l'élément humain en Jésus, il est désigné indifféremment soit par le terme abstrait « l’humanité », soit par le terme concret : « l’homme. » Babaï use tout spécialement de l’expression : « l’homme de Notre-Seigneur JésusChrist : » mais l’on ne doit pas oublier que ce mot, qui nous étonne quelque peu, a été d’un usage courant dans la théologie latine avant le ve siècle ; à l’occasion,

le même Babaï emploie tout aussi bien le terme abstrait d’humanité. Quant à l’existence en cet « homme des facultés et des opérations humaines, la question, en bonne logique, ne devrait pas se poser. Mais, puisque les nestoriens, tout comme Nestorius, ont été accusés de « monothélisme », nous reviendrons, un peu plus loin, sur la question de la double opération et de la double volonté. Voir col. 299.

Le mode d’union.

Comme le dit très justement

Timothée I er dans la lettre déjà citée, les discussioi s entre les confessions chrétiennes ne portent pas tant « sur les substances et les natures », que « sur la qualité et l’espèce de l’union ». Episl., i, trad., p. 5. L'Église nestorienne entend bien confesser l’union parfaite, étroite, des deux natures. « Dans une seule unité vraie et ineffable, dit encore le synode de Joseph, nous confessons un seul Fils véritable d’un seul Dieu, Père de vérité. Quiconque pense ou dit qu’il y a deux Christs, ou deux Fils, et, pour quelque raison ou en quelque manière, introduit une quaternité (c’est-à-dire, introduit dans la Trinité une quatrième personne, celle d’un Fils adoptif), nous l’avons anathématisé et l’anathématisons, et nous le considérons cemme un membre rejeté de tout le corps de la chrétienté. » Synod. orient., p. 98, trad., p. 355. Et plus explicitement encore le symbole d’Iso’yahb I er, en 585 :

Accepte la vérité de la foi et demeure dans le bercail de l'Église rachetée par le sang du pasteur suprême du troupeau, de Jésus-Christ le Fils de Dieu, Dieu au-dessus de tout (cf. Rom., ix, 5), engendré éternellement dans sa divinité par le Père, sans mère, et engendré, le même mais non de même, dans sen humanité, d’une mère, sans père, dans les derniers temps… Le Christ, Fils de Dieu, le mime a souffert dans la chair, mais, dans la nature de sa divinité, le Christ Fils de Dieu était au-dessus des passions : impassible et passible, Jésus-Christ, créateur des mondes et subissant des souffrances ; celui qui, à cause de nous, s’est fait pauvre alors qu’il était riche. Dieu le Verbe a supporté l’humiliation des souffrances dans le temple de son corps, économiquement, par l’union suprême et indissoluble, bien qu’il n’ait pas souffert dans la nature de sa divinité, cemme l’a dit lui-même notre vivificateur : « Détruisez ce temple, et en trois jours je le rétablirai. » lbid., p. 195, trad., p. 454-455.

On multiplierait indéfiniment ces citations. Les docteurs nestoriens ont repoussé avec la même énergie que le pape Damase l’hérésie « des deux Fils ». Voir Babaï, trad., p. 74. La formule officielle citée montre qu’ils admettent, tout comme l’orthodoxie chalcédonienne, l’idée de la double génération du Verbe, génération éternelle et génération temporelle, sur laquelle il y avait eu quelque hésitation parmi les maîtres antiochiens. Voir aussi Babaï, trad., p. 67. Mais ils se retrouvent parfaitement d’accord avec ceux-ci pour rejeter la formule de l’union hypostatique. Cela tient évidemment à l’idée qu’ils se font tant de l’hypostase que de l’union hypostatique ; et cette idée n’est pas du tout celle que, depuis Léonce de Byzance, la théologie orthodoxe a mise sous ces mots. Pour les nestoriens, et Babaï sur ce point est particulièrement clair, le type le plus net d’union hypostatique, c’est l’union de l'âme et du corps. Babaï a tout un traité contre ceux qui disent : « De même que l'âme et le corps sont une seule hypostase, de même Dieu le Verbe et l’homme (assumé) sont une seule hypostase. » Trad., p. 235-248. Paroù l’on voit clairement que, pour lui et pour tous ses compatriotes, le mot hypostase doit se traduire par nature concrète. Parler, dès lors, de l’union du Verbe et de l’humanité en une seule hypostase, c’est aboutir à la fusion des natures en une seule nature composite, c’est arriverau monophysisme abhorré. Voir du même auteur, p. 54 : « L’union (de l'âme et du corps) est hypostatique, naturelle, passible, finie, nécessaire ; ici au contraire l’union est personnelle et volontaire. » Ce qui ne l’empêchera pas