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NESTORIENNE (L’ÉGLISE). CHRISTOLOGIE


exactement dans le même sens que nos saints Pères, exposé par l’illustre entre les orthodoxes, le bienheureux Théodore d’Antioche, évêque de la ville de Mopsueste, l’interprète des divines Écritures. » Synod. orient., p. 197, trad., p. 457-458 ; cf. synode de Grégoire I er, en 605, ibid., p. 210-211, trad., p. 475-476. Les trois docteurs « œcuméniques », Diodore, Théodore et Nestorius, « illustre entre les martyrs », apparaissent liés, en un funiculus triplex dans les discussions du martyr Georges contre les « théopaschites. » Même recueil p. 628-629.

Même autorité prépondérante de Théodore dans la question du canon des Livres saints, de l’autorité différente qu’il faut attribuer aux diverses catégories d’écrits sacrés, de l’interprétation qu’il convient d’en donner. Sur ces divers points on ne comprend, complètement l’attitude de l’Église nestorienne, au moins durant les premiers siècles, qu’en se reportant aux idées de l’Interprète. Pour nous en tenir à la seule question du canon, rappelons que Théodore, outre l’exclusive qu’il avait portée contre la plupart des deutérocanoniques de l’Ancien Testament (il reconnaissait pourtant Baruch et l’Ecclésiastique) avait rangé en une catégorie particulière, sinon exclu du canon, les Chroniques, Esdras, Job et le Cantique. Quant au Nouveau Testament, il rejetait les épîtres de Jacques et de Jude, la Ha Pétri, la Ha et la II la Johannis, enfin l’Apocalypse. Cf. L. Pirot, L’œuvre exégétique de Théodore de Mopsueste, Rome, 1913, c. iv, p. 121-156. Il faut reconnaître d’ailleurs avec ce critique que, ce faisant, Théodore se conformait aux habitudes de l’Église syrienne des iiie et ive siècles qui ont grandement influé sur lui. Rien d’étonnant donc que l’Église nestorienne se soit cramponnée longtemps aux décisions de Théodore. Le synode de 585, dont il vient d’être question, maintient l’appréciation assez défavorable portée par l’Interprète sur le livre de Job, p. 138, trad., p. 399. Et Timothée I er, au début de ixe siècle, mettait encore une différence entre les Chroniques et Esaras d’une part et d’autre part le reste de l’Ancien Testament. Voir Pirot, ibid, p. 125-126. Au xine siècle cependant, le canon scripturaire s’est bien rapproché de celui de l’Église universelle. La catalogue d’Ébedjésus s’ouvre par une description des livres de la Bible ; or le catalogue de l’Ancien Testament, outre qu’il contient tous les protocanoniques sur lesquels Théodore avait élevé des doutes (Parai., Esdr. I et II, Job, Cant.) signale aussi tous les deutérocanoniques, avec cette particularité toutefois que le « Livre des Machabées » se trouve relégué au milieu des compositions nettement apocryphes, qui terminent la liste. Quant au catalogue du Nouveau Testament, il se montre beaucoup plus aberrant, puisque, en fait de deutérocanoniques, il ne connaît que les trois épîtres catholiques de Jacques, de Pierre et de Jean, laissant dès lors de côté Jude, la Ha Pétri, les deux petites épîtres de Jean et l’Apocalypse. Texte dans Assémani, Bibl. orient., t. ni a, p. 5-12 ; voir aussi les remarques de celui-ci. t. m b, p. ccxxxvii. Sur cette question assez compliquée du canon des Syriens voir : Th. Zahn, Das’eue Testament Theodors von Mopsuestia und der ursprùngliche Kanon der Syrer, dans Neue kirchliche Zeitschrift, 1900, t. xi, p. 788-806 ; W. Bauer, Der Apostolos der Syrer in der Zeil von der Mitle des 4. Jahrhunderts bis zur Spaltung der syrischen Kirche, Giessen, 1903 ; L. Dennefeld, Der A. Thche Kanon der antiochenischen Schule, Fribourg-en-B., 1909 = Bibl. Studien. t. xiv, fasc. 4.

Il ne faudrait pas croire cependant que l’Église nestorienne n’ait pas connu d’autres docteurs que Théodore. A un moment donné, devant les attaques des jacobites et même des chalcédoniens (il semble bien, que Sahdônâ ait été rallié au ehalcédonisme strict)

elle a éprouvé le besoin de montrer que sa doctrine, celle de l’Interprète, était en conformité avec celle des Pères antérieurs aux controverses christologiques. Des dossiers de textes patristiques se sont ainsi constitués, où l’on voit figurer les Pères cappadociens, Athanase, Jean Chrysostome, Amphiloque d’Iconium. et même des latins, comme Ambroise ou Damase, sans .compter des extraits de l’Expositio rectæ fidei de Pseudo-Justin. Voir, par exemple, la conférence contradictoire de 612, dans le Synod. orient., p. 575 sq., trad., p. 592 sq. Comparer des extraits analogues dans une lettre dogmatique fort importante de Georges I er, ibid., p. 242 sq., trad., p. 510 sq. Mais ces textes ne doivent pas faire illusion sur l’étendue des connaissances patristiques des nestoriens. Selon toute vraisemblance, ils utilisaient surtout des florilèges, peut-être des provenance occidentale, et non les ouvrages au complet des auteurs cités par eux. On remarquera enfin que saint Éphrem, le grand docteur des Syriens, est assez rarement mentionné dans les œuvres proprement théologiques. Voir pourtant Synod. orient., p. 196, trad., p. 455.

Pour ce qui est des anciens textes conciliaires, les théologiens nestoriens s’en tiennent aux deux symboles de Nicée et de Constantinople. Il va sans dire qu’ils rejettent le concile d’Éphèse dont ils semblent assez bien connaître l’histoire. Voir Badger, op. cit., t. ii, p. 127. Pour Chalcédoine, leur attitude est ambiguë. Sans doute ce concile a accepté le tome de Léon qui a mis en déroute tous les monophysites, perierunt per eum qui sedem Pétri lenebat Leonem mirabilem, écrit Babaï, trad., p. 61 ; le concile a canonisé la doctrine dyophysite, mais il a reconnu aussi l’autorité doctrinale de saint Cyrille, il a anathématisé Nestorius et enseigné l’unique hypostase du Verbe incarné. Le Ve concile œcuménique de 553 a excité de la part des nestoriens les plus vives répulsions. Ce « concile de Justinien » a été systématiquement réfuté par Babaï le Grand. Je n’ai pas vu que l’on ait beaucoup parlé, dans les milieux nestoriens, du VIe concile, de 680. A ce moment les communications étaient plus que difficiles entre la Mésopotamie et Constantinople ; la querelle monothélite n’est certes pas passée inaperçue, mais sa définitive conclusion par l’assemblée de 680 n’a pas été remarquée. Quant à la querelle des images, la dernière crise un peu sérieuse de la théologie « occidentale », elle ne sembla pas avoir effleuré l’Église des catholicos.

En définitive, la théologie nestorienne se piésente sous la forme d’un commentaire, indéfiniment repris, de la doctrine de Théodore, à peine interrompu par quelques rispostes à certaines tentatives d’indépendance (Hënânâ, Sahdonâ). Nous sommes aux antipodes de la fermentation de la Syrie jacobite et de l’Egypte copte, du pullulement de sectes qui se remarque en ces dernières contrées. Quand les représentants tardifs de la théologie nestorienne, un Élie de Nisibe, un Ébedjésus vantent la fidélité de leur Église aux traditions dogmatiques d’un passé qu’ils feraient volontiers remonter jusqu’au temps des apôtres, ce n’est, dans leur bouche, ni une exagération, ni une manière de parler. C’est à ce conservatisme, qui a ses avantages et ses inconvénients, qu’il faut attribuer le caractère archaïque qui se remarque en nombre de points de cette théologie.

II. LA CHRH3TOLOQIE DE L’ÉGLISE S BSTORIENNE. —

1°. Enseignement trinitaire. — Toute christôlogie a pour point de départ un enseignement trinitaire. Celui des nestoriens est parfaitement correct. La profession des trois hypostases (ils ne disent jamais les trois personnes) dans l’unité de la substance divine leur apparaît comme le dogme fondamental du christianisme, et ils sont heureux de constater leur accord sur