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NESTORIENNE (L'ÉGLISE), ÉPOQUE MODERNE

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.après que de nombreux Arméniens s'étaient expatriés en Russie depuis 1828, 1.800 nestoriens, 6.000 Arméniens et 600 catholiques. Voilà quel était le champ d’action de la mission de Khosrova.

La Perse a été, pendant tout le xixe siècle et jusqu'à la Grande-Guerre, le champ clos des compétitions entre la Russie et la Grande-Bretagne en avant des Indes ; ces luttes politiques eurent leur contre-coup dans la vie ecclésiastique, les conversions de nestoriens à l’orthodoxie moscovite ou à l’anglicanisme étant l’enjeu de maintes passes d’armes. La mission lazariste dut à cette situation une grande partie des difficultés qu’elle rencontra, d’autres venant de la mission américaine, arrivée dès 1835 et disposant de ressources très supérieures. En 1870, cependant, grâce à l’action des lazaristes, les Chaldéens catholiques en Perse étaient estimés à 6.000 environ contre 19.000 nestoriens, et se trouvaient disséminés dans une soixantaine de villages.

Les lazaristes ont été chargés de la délégation en Perse, avec administration du diocèse d’Ispahan, de 1874 à 1910 ; Mgr J. E. Sontag fut archevêque d’Ispahan de 1910 à 1918. L. Lemmens, Hierarchia latina orientis ( 1622-1922)… dans Orientalia christiana, t. ii, p. 268, extrait, p. 4. En 1914, les lazaristes avaient six maisons en Perse, à Kl.osrova, Ourmiah, Téhéran (fondée en 1862), Tauris (1900), Djoulfa. Ispahan (1903). Les chrétientés du Kurdistan persan ont été très éprouvées pendant les luttes que les chrétiens soutinrent contre les Kurdes et les Turcs à la fin de la Grande-Guerre : l’archevêque d’Ispahan fut massacré avec un autre prêtre de la mission à Ourmiah et deux à Salmas.

La documentation sur les missions des lazaristes se trouve surtout dans les Annales de la congrégation de lu Mission et le Bulletin de l'Œuvre des Écoles d’Orient. — J. Babakhan, Protestantisme et catholicisme chez le peuple nestorien : une revue néo-syriaque à Ourmiah (Perse), dans Revue de l’Orient chrétien, t. iv, 1899, p. 428-413, contient des appréciations sur les méthodes suivies par tes missionnaires et quelques informations historiques.


IX. L'Église nestorienne a l'époque moderne. —

1° La décadence de l'Église nestorienne. —

Il reste fort peu à dire sur l’histoire de l'Église nestorienne à l'époque moderne, car il ne semble pas qu’elle ait eu de chroniqueurs. Ce que nous savons de ses catholicos se limite à peu près à l’histoire de leurs relations avec Rome, car les voyageurs, qui ont fait connaître les usages des nestoriens ou les épisodes de leur lente destruction par les Turcs et les Kurdes, ne racontent à peu près rien sur l’histoire intérieure de leur Église.

Le grand fait de cette histoire, c’est la division de 1551, qui a donné naissance à deux séries patriarcales restées indépendantes, mêmel orsque les deux titulaires des sièges de Mossoul et de Kotchannès se trouvèrent simultanément séparés de Rome. Le principe de l’hérédité fut appliqué dans les deux séries, et ce sont les successeurs de Sulâqâ, choisi par opposition au principe héréditaire, qui en sont maintenant les seuls bénéficiaires.

Plusieurs tentatives des patriarches de l’une ou l’autre séries pour se rapprocher de Rome, ont été mentionnées dans les paragraphes précédents. Si sincères que ces unions aient pu être, l’ignorance théologique dans le clergé et le peuple nestoriens les a empêchées d'être durables. Ceux-là seulement sont restés catholiques, dont l’instruction a pu être faite par les missionnaires latins ou les prêtres indigènes formés à leur école. Or la région montagneuse où se sont repliés les nestoriens a été impénétrable, en raison des difficultés matérielles et du manque d’autorité établie, non seulement aux xviie et xviiie siècles, mais jusqu'à nos jours. De là vient que le

catholicisme s’est développé d’abord dans les régions basses — plaine de Mossoul et vallée du Tigre, bords du lac d’Ourmiah et région de Salmas — tandis que la montagne demeurait nestorienne. Les successeurs du catholique Sulâqâ sont devenus nestoriens en allant se fixer dans le Tiari, tandis que les successeurs de son compétiteur nestorien sont devenus catholiques au contact des missionnaires de Diarbékir et de Mossoul.

Aux considérations d’ordre géographique s’ajoute le fait que la situation politique, pendant la période moderne, a toujours dominé la question religieuse. On sait qu’en pays musulman, les membres des communautés chrétiennes formaient des « nations », jouissant de certains privilèges politiques. Ainsi en était-il aux yeux des Turcs pour les nestoriens de la plaine ; mais ceux de la montagne se trouvaient mêlés à la vie féodale des tribus kurdes, et le patriarche nestorien jusqu'à la Grande-Guerre avait le rang d’un chef de confédération de tribus. Les conversions individuelles, dans de telles conditions, sont rendues à peu près impossibles ; il faut qu’il y ait conversion d’un village entier, et encore, une telle conversion entraîne presque toujours la dislocation d’un groupement politique, ce qui, dans ces rudes pays, signifie la guerre. Les nestoriens, entourés d’ennemis, avaient besoin de conserver leur unité militaire : cette considération a pesé sur leurs décisions en matière religieuse. Leur division a facilité, c’est certain, les massacres commis par les troupes de Berd khan de 1843 à 1847.

Enfin, dans les quatre-vingts dernières années, un facteur politique étranger a influé sur les destinées religieuses de la communauté nestorienne : la GrandeBretagne et la Russie ont cherché à gagner les nestoriens pour pénétrer, grâce à eux, dans les zones de la Turquie d’Asie et de la Perse, où ils cherchaient à asseoir leur influence.

Seule, la conversion en masse du peuple nestorien aurait évité les inconvénients ci-dessus. Elle fut tentée par Élie XIII Iso’yahb en 1779, peu de temps après qu’il avait succédé à son oncle Élie XII. et dans un temps où il n’avait pas encore renoncé à la profession de foi catholique qu’il avait signée avec son prédécesseur. Il tenta d’entraîner dans son acte d’union à Rome le patriarche de Kotchannès, Simon XV, comme en témoigne sa lettre du Il octobre 1779, qu’il signe humblement, dans l’attente de la confirmation par le souverain pontife, « gardien du siège patriarcal ». K. Babakhan, Deux lettres d'Élie XI, patriarche de Babylone, texte syriaque et traduction française dans Revue de l’Orient chrétien, t. v, 1900, p. 481-491.

Treize ans plus tard, il n’y avait plus qu’un seul patriarche nestorien, celui de Kotchannès. Les dominicains de Mossoul et les lazaristes d’Ourmiah eurent à plusieurs reprises des relations directes avec les titulaires de ce siège, dont plusieurs envisagèrent sérieusement l’opportunité de l’union avec Rome. Simon XVII, sur son lit d’agonie, en 1861, disait à son entourage : « Quand, pour sauver notre nation, il vous faudra changer de religion, unissez-vous aux catholiques et non aux protestants. » Son successeur, Simon XVIII, se rappelait sans doute ce conseil, lorsque, en 1891, il s’adressa aux dominicains de Mossoul, en leur de mandantd’obtenir du souverain pontife qu’il donnât à la nation nestorienne des écoles, un séminaire, des secours c( nime aux autres communautés orientales, et demandât pour elle la protection du consul de France. Après de longs pourparlers, qui semblaient devoir aboutir, le patriarche manqua au rendez-vous qu’il avait pris à Amadiah, en septembre 1892, avec le patriarche chaldéen catholique, Élie Abolyonan : les intrigues lui avaient suf-