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NESTOR IENNE (L* ÉGLISE], UNION A ROME


tel en 1728 que le patriarche, s'étant procuré un firman s’y rendit en personne et de façon officielle. En six mois, il ramenait à la foi romaine 3.000 personnes, et 3.000 autres suivaient après son départ. Mais c’en était trop pour les nestoriens, attaqués ainsi dans leur citadelle, à quelques kilomètres de la résidence patriarcale. A peine rentré à Diarbékir, Joseph fut expulsé de son église par les nestoriens, pourvus eux aussi d’un firman, et qui y restèrent 45 jours. Puis il fut emprisonné, conduit vers Mossoul, ramené à Mardin, enfin interné à Mossoul pendant une longue période, au plus fort de l'été 1729. Finalement, le procureur des Chaldéens catholiques à Constantinople obtint de la Sublime Porte un firman, constituant une sorte, de concordat entre les deux autorités concurrentes. Les nestoriens conservaient Mossoul et Alep, les catholiques restaient les maîtres à Diarbékir et Mardin. Les communautés de ces deux villes avaient obtenu la paix, mais c'était une défaite pour le principe catholique : la situation était d’autant plus grave pour les convertis de la zone abandonnée, qu’ils n’osaient plus en conscience fréquenter les églises nestoriennes — les missionnaires latins se chargeaient de le leur rappeler — et ils ne pouvaient s’organiser entre eux sans être mis hors la loi ; cf. lettre d’un prêtre et de deux diacres de Bagdad « nestoriens de nom, catholiques en leur foi », qui demandent le Il février 1732 la permission de fréquenter les églises de leur rit. Vatic. lat. 7262, fol. 360.

Joseph III, sorti de prison, mais ruiné par tous les bakchiches qu’il avait fallu donner aux autorités pour obtenir l’exécution des firmans favorables, crut bien faire en se mettant en route pour Constantinople, où son procureur lui faisait espérer qu’il pourrait récupérer une partie au moins des sommes engagées. Peine perdue : après six mois, il partit pour la Pologne, espérant y trouver assez d’aumônes pour pouvoir payer ses dettes, mais ni à Lwôw, ni à Cracovie, ni à Vienne, il ne reçut un secours suffisant. Le 1 er janvier 1732, Joseph III arrivait à Rome où il avait demandé plusieurs fois à la S. Congrégation la permission de se retirer : lettres de refus en date des 3 juillet 1724 et 3 août 1726 dans S. Giamil, op. cit., p. 341-343. Le 15 mai 1732, Joseph III repartait, ayant reçu un peu d’argent, mais pourvu de brefs et de lettres de recommandation, sur lequels il fondait de grandes espérances. Le grand-duc de Toscane lui remit six sequins et la Sérénissime, après deux mois d’attente, le laissa partir avec une promesse de deux cents ducats, qui seraient versés pour lui à la Propagande dans les années à venir. Neuf mois à Vienne lui valurent 900 florins ; enfin il redescendit vers Constantinople par Buda, Belgrade, Timisoara. Mais on lui déclara qu’il était vain de vouloir s’engager plus avant, en raison de la guerre que la Turquie faisait à la Perse. Il attendit neuf mois à Orsova, puis retourna à Rome. On voit par cette aventure combien il était difficile de maintenir en Turquie des groupes de catholiques orientaux. Joseph III demeura dans la Ville éternelle de Pâques 1735 jusqu'à la fin de 1741, malgré les demandes qui lui arrivaient sans cesse de Mésopotamie, où son troupeau, tout agrandi qu’il fût par de continuelles conversions. soutirait amèrement de son absence. Voilà ce que nous apprend sur cette période une relation adressée par le patriarche à la Propagande, pendant les derniers mois de son séjour à Rome. S. Giamil, op. cit., p. 314-339, pièces à l’appui, p. 339-370.

La longueur de l’attente semble avoir refroidi les sentiments des ouailles pour leur pasteur ; le dissentiment devint aigu, lorsque le vieux patriarche voulut pourvoir à sa succession en se choisissant comme

coadjuteur un jeune prêtre de 23 ou 25 ans, que les documents italiens nomment Antonio GallOa Joseph III avait agi sans demander l’avis des fidèles et du clergé, et opéra par surprise en accomplissant à Mardin la consécration d’Antoine, le 20 novembre 1751 ; rectifier la liste des métropolites de Diarbékir par Thnkdji, où ce nom est omis, op. cit., p. 488, extrait, p. 40. Les catholiques protestèrent à Rome, et le 31 mai 1756 la Propagande décida que l'élection était nulle. Relation du cardinal Tamburini et autres papiers sur la même affaire dans le Vatic. lat. 8063, fol. 234-249.

Mais celui qui était destiné au patriarcat mourut le Il janvier 1757, et douze jours plus tard, à l’improviste et peut-être de mort violente, Joseph III. Vatic. lat. 8063, fol. 291. Il n’y avait plus qu’un seul évêque chaldéen catholique, le métropolite de Mardin, âgé de 95 ans. Il fallait agir en hâte : devant le danger, les catholiques firent taire un instant leurs divisions et, le 8 février 1757, Lazare Hindi, ancien élève du collège de la Propagande, était consacré sous le nom de Joseph IV, en même temps qu’un titulaire pour Séert. Bien que l’affaire eût été rapportée dès le 19 septembre 1757 à la Congrégation de la Propagande, ibid., fol. 294-300, les bulles de confirmation ne furent envoyées au nouveau patriarche que le 24 mars 1759. S. Giamil, op. cit., p. 383-385. Joseph IV fit en 1761 le voyage de Rome, où il fit imprimer pour ses églises un missel et un évangéliaire. Rentré en Orient, il se démit en 1781 et, après avoir confié l’administration du patriarcat à son neveu Augustin Hindi, qui était simple prêtre, il se retira à Rome, où il mourut en 1791.

Lorsque le métropolite de Diarbékir, Joseph, avait demandé au pape, en 1678, de lui reconnaître le titre de patriarche, les cardinaux composant la Propagande avaient fait observer justement qu’il ne convenait pas de créer un nouveau patriarcat, au détriment des deux patriarches, qui se partageaient l’autorité sur les nestoriens de Turquie et de Perse. Rome avait cédé en 1681, devant la nécessité de donner aux catholiques de rit chaldéen la possibilité de vivre. Mais, en un siècle d’expérience, on avait pu constater que les firmans si chèrement payés ne suffisaient pas à assurer la paix des communautés. D’autre part, l’existence d’un patriarche à Diarbékir diminuait les chances de voir rentrer, dans le giron de l'Église universelle, les patriarches de Kotchannès et surtout de Rabban Hormizd.

Or, on avait reçu à Rome, de l’un et de l’autre, en 1770 et 1771, des professions de foi satisfaisantes. S. Giamil, op. cit., p. 386-391. Il est vrai qu’appelé au trône patriarcal de son oncle Élie XII, Iso’yahb avait bientôt rétracté équivalemment l’acte d’union qu’il avait l’ait en même temps que le patriarche défunt, mais son cousin Jean Hormez qui se comportait en parfait catholique, avait dans la « nation » un grand nombre de partisans.

On comprend que dans ces conditions le SaintSiège ait voulu se réserver. Augustin Hindi administra le diocèse de Diarbékir, comme prêtre d’abord, puis comme évêque à partir du 8 septembre 1801. Mais il eut beau se décerner le titre de patriarche et se taire appeler Joseph V, la Propagande ne le traita jamais comme patriarche. Même lorsqu’en 1817, trompée sur les intentions réelles de Jean Hormez, elle députa Augustin Hindi comme délégué apostolique sur tout le patriarcat de Babylone, elle se garda bien de lui donner le titre auquel il prétendait. La division fut grande, pendant un demi-siècle, chez les Chaldéens catholiques entre les partisans des deux archevêques qui aspiraient au patriarcat, celui de Diarbékir et celui de Mossoul, mais c'était une lutte de personnes,