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NESTORIENNE (L'ÉGLISE) EN ASIE CENTRALE


La stèle de Si-ngan-fou a donné lieu à de nombreuses traductions et études, dont on trouvera la liste dans H. Cordier, Bibliotheca sinica, dictionnaire bibliographique des ouvrages relatifs à l’empire chinois, Paris, 1904-1907, col. 772-781, 3121 ; Supplément, Paris, 1922-1921, col. 356235(34 ; ajouter H. Cordier, Histoire générale de la Chine et de ses relations avec les pays étrangers, Paris, 1920, t. i, p. 486-494. Parmi les anciens ouvrages sur le sujet, on peut noter spécialement J. S. Assémani, Bibliotheca orientalis, t. in b, p. Dxxxviii-DLii. On en trouve une reproduction dans le Dict. d’Archéologie chrétienne, , t. iii, au mot Chine.

2° La pénétration du christianisme en Asie centrale. — Tandis que la doctrine chrétienne, portée par la mousson d'été pouvait atteindre en quelques années les comptoirs perses de l’Inde et de l’Extrême-Orient, la conquête des hautes terres asiatiques par les hérauts de l'Évangile progressait nécessairement à une allure plus lente. Sur terre comme sur mer, d’ailleurs, ce sont les voies commerciales qui ont servi à l’expansion du christianisme et le rythme de celle-ci a subi largement l’influence des conditions politiques et des fluctuations dans l’intensité des échanges commerciaux. L’exploration récente, en étudiant les itinéraires des caravanes qui assuraient le transport de la soie à travers le Turkestan oriental, a retrouvé de nombreuses traces de la vie chrétienne, mêlées à celles du manichéisme.et du bouddhisme, qui ont suivi les mêmes routes pour gagner la Chine. Ces monuments ajoutent beaucoup aux données des textes.

Les chrétientés d’Asie centrale ne furent pas, en général, comme celles des côtes de l’Inde, de simples colonies de marchands, ni des communautés hybrides comme celle de Si-ngan-fou, qui unissait aux éléments chinois une forte proportion de prêtres ou de fidèles venus de Perse : mais elles furent des groupements homogènes constitués au sein des populations locales, surtout parmi les nomades ou semi-nomades appartenant à la race altaïque : Turcs, Tatars ou Mongols.

Dès que l'Église de Perse nous apparaît dans sa jeune organisation au synode de Dadiso', elle a porté ses avant-postes aux frontières septentrionale et orientale de l’empire sassanide : en 424, Ray, Nisapùr (Abrasar), Merv, Hérat, ont déjà des sièges épiscopaux. Peut-être même la prédication évangélique s'était-elle déjà étendue assez loin en dehors des limites de l’empire : la diffusion du manichéisme, dès le ine siècle, cf. Manichéisme, t. ix, col. 18(37-1872, montre avec quelle facilité les religions nouvelles pouvaient prendre pied dans des milieux dont les pratiques religieuses n'étaient pas réglées par un sacerdoce hiérarchisé. Philippe, disciple de Bardesane, dont on a vu plus haut le témoignage pour la Perse, col. 162, affirme qu’il y avait des chrétiens en Bactriane : le traducteur a écrit « apud Cuscianos » (Patrologia syriaca, part. I, t. ii, col. 608), mais le sens du mot syriaque Qaysanâyë n’est pas douteux ; cf. A. Mingana, Early spread of christianity in central Asia and the Far East, dans Bulletin of the John Rylands library, t. ix, 1925, p. 301 sq. Eusèbe, qui fait allusion à ce texte, l’a d’ailleurs correctement rendu, mxpà BâxTpoiç, Prœpar. evang., Vf, x, P. G., t. xxi, col. 476 B. Le texte de saint Jérôme : H uni discunt psalterium, Epist., xvii, P. L., t. xxii, col. 870 (éd. Hilberg dans Corp. script, eccles. lat., t. lv, p. 292), est moins probant pour démontrer la pénétration du christianisme en Asie centrale, parce que les Huns avaient dès lors commencé leur migration vers l’Ouest. Mais, en 498, il y avait des chrétiens parmi les Turcs, Huns des bords de l’Oxus ou Hephtalites, auprès desquels se réfugia Qawad. Chronique de Séert, dans P. O., t. vii, p. 128 [36 ]. Aux environs de 525, un évêque de Arran, Qardutsat, partit avec sept prêtres pour évan géliser une tribu de Huns, probablement aussi en Cisoxiane, et ils traduisirent en hunnique un certain nombre de livres religieux. Zacharie le Rhéteur, dans Land, Anecdota syriaca, t. iii, Leyde, 1870, p. 337-339, trad. anglaise par F. J. Hamilton et E.W. Brooks, The syriac chronicle known asthatof Zachariah of Mitylene, Londres, 1889, p. 329-331 ; texte réimprimé dans Corpus script, christ, orient., ser. III, t. vi, p. 215-217, trad., p. 145 sq. L’auteur, qui est monophysite.ne dit pas que Qardutsat fût nestorien, mais Arran, bien que située à l’ouest de la mer Caspienne et au nord de l’Araxe, était dès 420 le siège d’un évêché dépendant de Séleueie-Ctésiphon. Synod. orient., p. 37, trad., p. 276.

Peu après, en 549, les Hephtalites demandaient au catholicos Abâ I er de leur donner un évêque. Histoire de Mar A ba, éd. Bedjan, dans Histoire de Mar Jabalaha…, p. 266-269, cité dans Mingana, loc. cit., p. 304 sq. ; cf. J. Labourt, Le christianisme…, p. 189 sq. Cela suppose que le christianisme était dès lors solidement installé chez les Ripuaires, qui habitaient au sud-ouest de l’Oxus. En 590, Nersès le Persan captura par milliers des soldats de même race, qui avaient lutté contre Chosroès II en faveur de Bahram Tchoubin et portaient une croix tatouée sur le front, véritables chrétiens ou païens attirés par les mystères chrétiens et attribuant à la croix une valeur prophylactique. L. Cahun, Introduction à l’histoire de l’Asie. Turcs et Mongols des origines à 1405, Paris, 1896, p. 107.

Au milieu du viie siècle, Élie, métropolitain de Merv, travaillait en Transoxiane à la conversion des tribus turques. Th. Nôldeke, Die von Guidi herausgegebene syrische Chronik, p. 39 sq. ; cf. Corpus script, christ, orient., ser. III, t. iv, p. 34 sq., trad., p. 28 sq. Mais c’est surtout Timothée I er qui intensifia l'évangélisation de l’Asie centrale. J. Labourt, De Timotheo /…, p. 43-45. Il se servit surtout pour la réalisation de ses desseins apostoliques des moines de Beit 'Abë, dont l’activité missionnaire tient une place importante dans l’histoire que Thomas de Marga a consacré aux hommes célèbres de son monastère. E. W. Budge, The book of governors, t. i, p. 238, 259-261, 265-270, 278-281 ; trad., t. ii, p. 447 sq., 478-482, 488-494, 504-507.

Dès cette époque, peut-être même avant Timothée, il y eut en Asie centrale au moins un royaume chrétien. Au début du viiie siècle, si la chronologie du tezkéré de Muhammad Gazâli est exacte, le prince de Kachgar était un chrétien nommé Sergianos. E. Blochet, La conquête des États nestoriens de l’Asie centrale par les Shiïles, dans Revue de l’Orient chrétien, t. xxv, 1925-1926, p. 24. Le nom, de forme grecque, empêche de reconnaître à quelle race, indo-européenne ou turque, appartenait ce souverain. Le christianisme atteignait en ces contrées des populations d’origines diverses, puisque, dans les fouilles de la région de Tourfan, on a trouvé, à côté de fragments dans la langua liturgique des églises nestoriennes, le syriaque, d’autres débris de manuscrits chrétiens en sogdien et en turc. E. Sachau, Litleratur Bruchstûeke aus Chinesisch-Turkislan, dans Sitzungsberichle der kgl. preuss. Akad. der Wiss., 1905, p. 964-973 ; F. W. K. Mûller, Handschriften-Resle in Estrangelo-Schrifl aus Turfan. II Teil, dans Abhandlungen der kgl. preuss. Akad. der Wiss., 1904, p. 36 sq. Mais, comme les points fouillés sont sur la route qui passe de Kachgar en Chine par le nord du désert de Taklamakan, on pourrait penser qu’il se trouvait là des passagers d’origine persane, au milieu d’une population turque.

Quoi qu’il en soit, au milieu du xiie siècle, cette fois au sud du Taklamakan, les chiites se heurtaient dans leur conquête à des troupes, en grande partie chrétiennes, commandées par un gouverneur chrétien