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NESTORIENNE (L’EGLISE) EN CHINE

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Parsis, dans Annales du musée Guimet, Bibliothèque d'éludés, t. vii, Paris, 1898, p. 10-15. De même, la charte de 824 fut précédée de l’arrivée de deux évêques nestoriens, Mar Sabriso' (on a lu longtemps Mar Sapor) et Mar Peroz, qui se seraient établis près de Quilon. A. Mingana, op. cit., p. 508.

Il est certain d’autre part que les Persans installés au Malabar convertirent une partie de la population indigène : bien que le syriaque ait toujours été leur langue liturgique, les chrétiens du Malabar n’ont aucun caractère sémitique, l’analyse ethnologique montre que ce sont de purs dravidiens. G. M. Ræ op. cil., p. 166 sq. Le centre des chrétientés du Malabar semble avoir été d’abord Cranganore, où les Juifs aussi étaient nombreux ; de là le christianisme s’est répandu principalement dans l'état de Cochin et le nord du Travancore. L’histoire de ces communautés jusqu'à l’arrivée des Portugais dans l’Inde, les allusions de quelques voyageurs européens mises à part, nous échappe complètement.


VI. L’expansion nestorienne vers l’Asie centrale et la Chine. —

1° La chrétienté de Si-ngan-jou sous les T’ang. —

De la Perse à la Chine il y a deux routes, celle de mer et celle de terre ; chacune a ses difficultés, car, d’une part les tempêtes de l’Océan Indien sont terribles, de l’autre les caravanes sur les hauts plateaux du Turkestan sont infiniment lentes, monotones et pénibles. Mais lorsqu’un intérêt commercial est en jeu, il n’est pas d’efforts que l’homme ne fasse : tôt ou tard, il arrive à vaincre la nature et passe. Le seul obstacle au commerce, c’est l’homme ; la seule véritable entrave aux échanges, c’est l’insécurité, qui résulte de la guerre ou du brigandage. Ainsi, il se trouve qu’en Extrême-Orient la vie du christianisme n’a pas été soumise seulement aux vicissitudes dela politique intérieure, comme il arrive partout, elle a été conditionnée plus encore par les événements qui ont déterminé le choix des itinéraires, ou ont rendu le voyage d’Occident à la Chine momentanément impossible.

Lorsqu’Iso’yahb III (650-7) écrivait que le christianisme avait dépassé la limite de l’Inde au delà de Kalah, il s'était déjà implanté, grâce à un homme venu de la mer, dans la capitale des T’ang, et l’empereur régnant, Kao Tsoung, allait donner ordre qu’un monastère chrétien fût construit dans chacune des préfectures de l’empire du Milieu.

Au début de 1625, peut-être quelques mois plus tôt, fut découverte par hasard dans les environs de Singan-fou une stèle couverte d’une longue inscription chinoise, complétée par quelques mots et une longue liste de noms en syriaque estranghelô. Les missionnaires jésuites au Chen-si, avertis par leurs disciples du caractère chrétien de cette stèle, sur laquelle se voyait une croix, s’en procurèrent immédiatement des estampages, allèrent l’examiner personnellement, en publièrent le texte à l’usage des indigènes, en expédièrent en Europe traductions et reproductions. Ce fut pour les historiens un événement considérable que cette révélation d’une chrétienté en Chine aux vu 5 et vin » siècles. Le P. Havret a réuni, dans une exposition un peu diffuse, ce que les relations de ses confrères du XVIIe siècle contiennent de détails sur la trouvaille de la stèle et l’accueil fait en Europe à cette découverte, La stèle chrétienne de Si-ngan-fou, part. II, dans Variétés sinologiques, n. 12, Chang-Haï, 1897, p. 31-105. Athanase Kircher, dans son désir de donner plus d’importance à l'étude de la langue copte, consacra quarante pages de son Prodromus coplus sive œgyptiacus, Rome, 1636, à la nouvelle inscription, remplissant ainsi un chapitre intitulé : De colonis Ecclesiæ Copto-Aithiopicse in alias parles mundi trad.clis, p. 46-85. Il revint sur le sujet dans sa China

monum^ntis… illustrala, Amsterdam, 1667, donnant cette fois une reproduction totale des inscriptions chinoise et syriaque, sous le titre Eclypon verum et genuinum celeberrimi istius monumenli Sinico-Syriaci quod in regno Sinarum, prope urbem Sigan/u, ma g no christiamv religionis (ructu et emolumento anno 1625 deteclum fuil (en face de la p. 12). Mais le magno christianæ religionis fructu et emolumento de Kircher inquiéta les incroyants : on mit en doute l’authenticité de la stèle. Voltaire, bien entendu, se divertit fort dans la quatrième des Lettres chinoises et indiennes, Œuvres complètes, Paris. 1784, t. xlvii, p. 205-211 : « Sur l’ancien christianisme qui n’a pas manqué de fleurir à la Chine. » Polémique partiale, dont les arguments font sourire, remplie d’erreurs et d’anachronismes ; elle n’en dura pas moins jusqu’au milieu du dernier siècle ; cf. C. Pauthier, De la réalité et de l’authenticité de l’inscription nestorienne de Si-nganfou, relative à l’introduction de la religion chrétienne en Chine dès le VIP siècle de notre ère, Paris, 1857, extrait des Annales de philosophie chrétienne, sér. IV, t. xv, 1857, p. 43-60, 258-280, 450-465 ; t. xvi. 1857, p. 127153, 267-285. Les découvertes archéologiques des trente dernières années et l'étude des textes chinois ont donné au « monument chinois », autrefois isolé, un encadrement tel, qu’il n’y a plus lieu aujourd’hui de s’arrêter aux arguments de cette discussion.

La stèle de Si-ngan-fou, érigée en 781 dans l’enceinte du monastère fondé en 638 par ordre de l’empereur T’ai Tsoung au faubourg occidental de sa capitale, n’est pas une inscription funéraire, mais le monument commémoratif d’une réunion annuelle, tenue en 779 aux frais d’un notable chrétien, Yi-sseu, autrement Yazd-bôzêd. P. Pelliot, Chrétiens d’Asie Centrale et d’Extrême-Orient, dans T’oung Pao (Archives pour servir à l'étude… de l’Asie orientale), 1914, t. xv, p. 624 sq. Le monument, en calcaire oolithique gris, mesurant 2 m. 36 de hauteur, m. 86 de largeur et m. 25 d'épaisseur, a été transporté en 1907 au Peilin ou « forêt des stèles » de Si-ngan-fou, après que M. F. V. Holm en eut fait exécuter sur place une réplique, en pierre analogue. Cette copie, après avoir été exposée comme objet prêté au Metropolitan Muséum of art de NewYork, fut offerte en 1916 au pape Benoît XV, et se trouve aujourd’hui au Musée du Latran. F. V. Holm, The nestorian monument, Chicago, 1909, reproduit, avec additions, du journal The open court, janvier 1909. Son arrivée en Occident a donné un regain d’actualité à l'étude de la stèle, et a fourni l’occasion de diverses études, dont la meilleure est celle du pasteur japonais, P. Y. Sæki, The nestorian monument in China, Londres, 1916. Mais on n’oubliera pas que la réplique a été faite près de trois cents ans après que la pierre a été exposée à toutes les intempéries, elle ne rend pas inutile l’examen des estampages du xviie siècle, dont nous nous contenterons de signaler ceux qui sont conservés à la bibliothèque Vaticane sous les cotes Barberini Or. 151, 2 c. d., Borgia chinois 528 (provient de Montucci, qui le tenait de Klaproth), Raccolta générale, Oriente, III, 245 (aucun des trois n’ayant les faces latérales).

Au sommet de la stèle est sculptée une perle, tenue par deux dragons, formant un ensemble, où M. Sæki voit un symbole bouddhique, p. 12. Au-dessous, un cartouche, qui contient neuf grands caractères formant titre, est surmonté d’un fronton triangulaire, où se voit, finement dessinée au trait une croix érigée au-dessus d’un nuage, flanqué lui-même de deux fleurs de lotus. Le nuage étant le symbole du taoïsme ou de l’islamisme et les fleurs de lotus celui du bouddhisme, il semble qu’on ait voulu réunir en une les trois religions étrangères à la Chine, P. Y Sæki, op. cit., p. 14, en donnant toutefois indiscutablement