Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.1.djvu/104

Cette page n’a pas encore été corrigée
193
194
NESTORIENNE (L'ÉGLISE) SOUS LES ARABES


laquelle il multiplie les recommandations au métropolite, son ami Serge. Epistulæ, p. 132, trad., p. 89. Il est lui-même savant, ayant étudié le grec à l'école d’Abraham : il fait chercher partout les manuscrits intéressants, et manifeste un intérêt particulier pour les traductions du grec ; ses lettres, surtout celles à Serge, sont pleines de ses demandes et de ses remerciements. Les monastères continuent d’ailleurs à être des officincs où l’on copie et relie des livres, non seulement pour l’usage des moines, mais pour la vente. Thomas de Marga, op. cit., p. 100, 117, 264 sq., trad., p. 226 sq., 252, 487.

Timothée choisit ses évêques avec le plus grand soin, sans peut-être toujours se conformer aux usages, qui voudraient d’abord une élection, par exemple lorsqu’il consacre Iso’yahb métropolite d’Adiabène au début de son pontificat. Ibid., p. 197, trad., p. 383. Mais ces infractions aux règles ordinaires sont justifiées par les difficultés qui se présentent si l’on n’agit pas d’autorité. Timothée voulait nommer Iso' bar Nûn au siège très important de Nisibe : pour obtenir l’agrément du calife, il s’est servi de son intermédiaire habituel Gabriel Boktiso', mais celui-ci en a parlé devant témoins. Et voici que les habitants de Nisibe ont promis de l’argent à un des familiers du souverain, s’il fait avorter le projet du catholicos ; ils menacent de se faire jacobites, si celui-ci s’obstine à maintenir son choix. Epistulæ, p. 133 sq., trad., p. 89 sq. Une autre nomination, qui fut une source de nombreux déplaisirs pour le catholicos, montre la difficulté de la situation. Il s’agissait du siège de Sarbaziyah, en Gédrosie, dans une région où les prélats élaient distants de Séleucie et de longtemps peu disposés à l’obéissance. Timothée avait consacré le nouveau métropolite dans le plus grand secret, - seul à seul ; il lui avait imposé de parlir de suite et de ne rien dire à personne de son élévation, jusqu'à son arrivée dans son nouveau diocèse. Il fallait agir ainsi, confie le catholicos à son ami Serge, à cause de la cruauté des habitants du Fars. Mais voici que le vaniteux élu a fait connaître sa nouvelle dignité, avant même d’avoir quitté la capitale. Bien plus, il a voulu s’assurer des moyens d’existence, a quêté un peu partout avant départir, puis s’est arrêté dans le même but à Bassorah et Huballat. Après quoi, il trouva que l'épiscopat était lourd et voulut réintégrer son monastère ; il fallut que Timothée le frappât d’interdit s’il quittait le diocèse dont il lui avait confié la charge. Epistulæ, p. 107-109, trad., p. 70 sq. Il est souvent question des nominations d'évêques, surtout dans les lettres à Serge : on voit que Timothée les considérait comme la première fonction du catholicos.

Timothée eut pour successeur cet Iso' bar Nûn, qu’il avait voulu placer sur le siège de Nisibe, et qui, on ne sait pourquoi, avait écrit des libelles, tandis qu’il vivait dans son monastère, pour dénigrer le catholicos. A peine consacré, il raya le nom de Timothée des dyptiques, mais fut obligé de le rétablir devant la protestation universelle. Comment pourrait-il maltraiter celui qui lui avait personnellement donné le diaconat, et de qui tous ses électeurs avaient reçu les saints ordres, sans que cela rejaillît sur luimême ? Mari, p. 75 sq., trad., p. 67.

Les deux catholicos suivants furent encore élus sans trop de troubles, choisis, semble-t-il. plus par l’influence des membres de la famille Boktiso', médecins du souverain, que par l’unanimité des suffrages. A partir d’Abraham de Marga (837), on peut dire que, pendant deux siècles, il n’y eut pas une élection qui ne fut sujette à compétitions et à marchandages. Il arriva même que, faute de pouvoir se mettre d’accord, on recourut au tirage au sort. Mari, p. 113,

DICT. DE THÉOL. CATH.

trad., p. 100. Ce sont les chrétiens influents à la cour, médecins ou scribes, qui commandent ; les métropolites et les éêques n’ont qu’une ressource, si le choix se fait contre leur volonté, c’est de s’enfuir ou de se cacher pour que le quantum ne soit pas atteint. Ce n’est d’ailleurs qu’une manœuvre d’obstruction, laquelle ne peut être définitive ; comme on ne peut procéder à la consécration sans un firman, le dernier mot appartient toujours à ceux qui ont l’oreille du souverain.

Le catholicos est d’ailleurs devenu un fonctionnaire, du fait que son autorité sur les chrétiens est reconnue par le gouvernement. Il ne s’agit pas d’une simple autorité religieuse s'étendant seulement aux nestoriens, le catholicos a barre aussi sur les melkiles et les jacobites dans leurs différends avec des nestoriens, au moins depuis le règne d’al-Mutawakkil. Mari, p. 165, trad., p. 110. On trouve dans ce chroniqueur, p. 133-137 et 147-150, trad., p. 116 et 126 sq. les édits rendus en faveur d’Abdiso' II (1065) et Makkikâ I" (1092), et M. A. Mingana a publié avec traduction anglaise celui d’Abdiso III (1138), A charter of protection granled to the nestorian Church in A. D. 1138, by Muktafi II, caliph of Baghdad, dans Bulletin of the John Rylands librarꝟ. 1926, t. x, p. 126-133.

Voici en quels termes l’autorité y est conférée au catholicos : « La charte du suprême imamat de l’Islam (puissent ses ordres être toujours couronnés de succès) t’est conférée afin que tu sois le catholicos des chrétiens nestoriens qui habitent la « Cité de la Paix » (Bagdad) et toutes les contrées de l’Islam ; tu es qualifié pour agir comme leur chef et aussi comme le chef des Grecs, jacobites ou melkites, représentés ici ou non, qui pourraient s’opposer à eux en une contrée quelconque. Tu es le seul de tes coreligionnaires qui soit autorisé à porter les insignes connus du catholicosat dans vos églises et vos lieux de réunion… Si quelqu’un… entre en litige avec toi ou te résiste, se révolte contre tes ordres, refuse d’accepter tes décisions ou trouble la paix, il sera poursuivi et puni pour sa conduite jusqu'à ce qu’il se resaisisse et renonce à son obstination, afin que les aulres soient détournés d’une semblable conduite, et que les dispositions de vos canons soient préservées dans leur intégrité. » Le calife promet ensuite la protection des chréliens, personnes et biens, moyennant le paiement d’une juste capitation et demande les prières du catholicos, et l’obéissance de tous. Comme on le voit, la situation n’est pas très différente de ce qu’elle était sous les Sassanides, avec les persécutions générales en moins.

Dans ces conditions, il était naturel que le catholicos habitât au siège du gouvernement. Déjà Timothée I er avait abandonné Séleucie pour Bagdad. Lorsque les califes auront construit leur ville royale de Samarra, les catholicos les y suivront. Théodose en est chassé par al-Mutawakkil, et les églises de Samarra furent détruites lorsque ce prince, circon venu par les partisans d’Ibrahim ibn Nûh, se brouilla avec Boktiso', qui avait été le grand électeur de Théodose. Mais c’est un orage passager : quelques mois plus tard, ayant été bien reçu par le métropolite nestorien de Damas, le calife songe à déposer Théodose pour nommer catholicos à sa place le métropolite Serge. Son entourage lui fait comprendre que les catholicos ne sont pas des fonctionnaires ad nutum ; Théodose mort, Serge lui succède et rentre à Samarra. Les catholicos ne vont plus à leur ancien titre de Séleucie-Ctésiphon (pour les Arabes alMadâ'in), qu’au jour de leur consécration. Ils n’y séjournent guère et rentrent à Bagdad, en faisant une courte halte au monastère de Deir Qoni, près du tombeau de l’apôtre Mari.

XL — 7