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NESTORIENNE (L'ÉGLISE) SOUS LES ARABES

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monastère dans la montagne d’Alkoche et Bar 'Edta, avec traduction anglaise, The historiés 0/ Rabban Hormizd the Persian and Rabban Bar-' Idta, dans Luzac’s Semitic text and translation séries, Londres, 1902, t. ix-xi ; cf. A. Baumstark, Die Biographie des Rabban Bar-'Itta, eine Quellenschrift zur altérai nestorianischen Kirchengeschiehle, dans Rômische Quartalschrift, 1901, t. xv, p. 115-123 ; I. Guidi, Gli statuti délia Scuola di Nisibi, dans Giornale délia Socielà asiatica italiana, 1892, t. iv, p. 165-195 ; sur les messaliens, cf. M. Kmosko, Res Messalianorum apud neslorianos geslæ, dans l’introduction à l'édition du Liber graduum, Patrologia syriaca, part. I, t. iii, p. cxxx-cxxxv. Sur le monachisme et l'école de Nisibe, Labourt, Le christianisme…, p. 28-31, 288-301, 302-324.


IV. L'Église nestorienne sous la domination arabe. —

Lorsque les Villes Royales tombèrent, dans l'été de 637, aux mains des musulmans, les chrétiens de Perse avaient déjà pu faire connaissance avec ces vainqueurs, qui occupaient Hirâ depuis 633. Les sujets des Lehmides, chrétiens ou païens, étaient de race et de langue arabe : lorsqu’ils furent attaqués par les troupes de al-Mutannâ ibn Harîta, dont une partie seulement était islamisée, ils ne pouvaient s’imaginer que l’incursion dont ils étaient les témoins était le prélude d’un bouleversement radical de la situation religieuse en Orient. Dans l’intention des assaillants, pense le duc de Sermoneta, Annali dell' Islam, t. Il b, p. 915, il s’agissait seulement d’une razzia. Hirâ, s'étant rendue, fut soumise à un tribut global sans capitation.

Pour les chrétiens de Mésopotamie, toujours exposés à l’arbitraire des fonctionnaires mazdéens et soumis à une exigeante fiscalité, ces conquérants de la principauté voisine faisaient figure de libérateurs. Les Sassanides avaient redouté que les chrétiens de leur empire fussent les comparses et les espions des Byzantins ; voici qu’ils allaient se faire, tacitement peut-être, mais spontanément, les auxiliaires des Arabes. La Chronique de Séert raconte que le catholicos, dès l’année 632, avait envoyé au Prophète, pour obtenir sa bienveillance envers les chrétiens, une ambassade dirigée par Gabriel, évêque de May San ; elle ajoute que Yazdegerd s’en étant irrité, le catholicos expliqua son attitude : il sut ménager habilement les affaires de sa « nation » pendant le changement des empires. P. O., t. xiii, p. 618-620 [298-300].

A Hirâ cependant, les chrétiens ne furent l’objet d’aucun traitement de faveur : la Chronique de. Séert se plaint de ce que les Arabes, avant de partir à la conquête de l’empire perse, logèrent dans les églises et les couvents, en les profanant horriblement. Ibid. p. 527 [307]. Nous ne saurions dire s’il en fut ain ; i, pendant l’invasion des territoires soumis aux Sassanides : c’est une tactique assez naturelle aux conquérants, lorsqu’ils s’emparent d’une contrée divisée par des différences ethniques ou religieuses, de s’appuyer sur un parti pour réduire l’autre plus facilement. Le divide et impera fut appliqué par les Arabes, et ils tentèrent constamment, au cours de leurs premières conquêtes en pays païens, d’attirer à eux les « tenants du livre », chrétiens et Juifs. Ils se trouvaient d’ailleurs en Mésopotamie dans des conditions particulièrement favorables : les chrétiens étaient en majorité araméens, donc sémites comme eux, tandis que les mazdéens étaient plutôt des iraniens, différents par la langue et tous les caractères ethniques. Pendant plusieurs années, les Arabes ne dépassèrent pas les limites de la contrée où dominait l'élément araméen ; ils s’y arrêtèrent volontiers avant de monter à l’assaut du plateau persan. Annali dell' Islam, t. Il b, p. 912 ; t. iii, 1910, p. 715, 767 sq. : t. v, 1912, p. 4-6.

Omar ne désirait pas développer les conquêtes des fidèles du Prophète en dehors de l’Arabie : à ses yeux la religion de Mahomet n'était pas destinée à devenir

celle du monde entier, il suffisait qu’elle fut celle des Arabes. Encore n’avait-il pas imposé aux chrétiens de Nedjràn de se convertir, il s'était contenté de les transférer en 'Iraq, leur donnant une lettre de garantie, et leur faisant attribuer des territoires en compensation de ceux qu’ils avaient abandonnés. Annali…. t. iv, 1911, p. 358 sq. Lorsque les musulmans combattaient contre les troupes régulières des Sassanides, en 636-638, certains éléments des tribus chrétiennes nomades guerroyèrent à leur côté et eurent leur part du butin. Cette collaboration ne pouvait manquer d’inlluer sur leur attitude vis-à-vis de l’Islam. La création d’un centre militaire à Koufa, l’arrivée parmi eux des premiers groupes d'émigrants, durent accélérer la compénétration et l’assimilation. Les populations chrétiennes, sédentaires et nomades, qui étaient assez nombreuses sur la rive dioite, alors bien cultivée, de l’Euphrate, semblent avoir été absorbées en quelques dizaines d’années, si l’on excepte les habitants de Hirâ et du faubourg que les Nedjiânites y occupaient. Seuls quelques couvents subsistèrent un peu plus longtemps, derniers vestiges du christianisme en cette région. Annali…, t. iii, p. 758.

Mais le mouvement déclenché en Arabie par la prédication de Mahomet n'était pas de ceux que les hommes gouvernent à leur gré. Les populations qui se bousculaient, étroitement cantonnées dans la partie fertile de l’Arabie Heureuse, et celles que leur faiblesse avaient réduites jusque-là aux maigres pâturages du Xedjd, en voyant s’ouvrir devant elles des territoires nouveaux, avaient commencé de s'ébranler avec leurs troupeaux. Reprenant la vieille route des migrations, suivie déjà par les contribules d’Abraham, elles se portèrent en foule vers l’Euphrate, non plus pour une razzia, mais avec le dessein de s’installer définitivement. Cette deuxième phase de l’invasion eut lieu sous Othmân : les éléments qui arrivèrent alors en Mésopotamie étaient plus turbulents que les premiers, le nombre excessif des émigrés créa des difficultés économiques, il y eut des désillusions, du mécontentement et par conséquent des abus. Annali…, t. vii, 1914, p. 26-28. Iso’yahb II, qui faisait une visite des diocèses pour y affermir l’autorité des évêques, fut accusé de faire une collecte. Les autorités le sommèrent de livrer l’argent qu’il avait recueilli, et sur son refus on l’incarcéra. Barhébneus, Chronicon ecclesiasticum, t. iii, col. 131. A Nisibe, lorsque le métropolite Cyriaque mourut, l'émir de la ville fit enlever tous les objets de valeur qui se trouvaient dans la cellule du prélat et dans le trésor de l'église, Chrcnicon anonymum, dans Corpus scriplorum christianorum orientalium, Scriptores syri, ser. III, t. iv, p. 31. trad., p. 26, trad. Nôldeke, p. 34. Toutefois, les faits de ce genre sont des exceptions : les non-musulmans constituaient la matière imposable, les bonnes administrations ne tuent pas la poule aux œufs d’or. Aussi se gardait-on bien de provoquer des conversions intempestives : pourvu que chacun payât l’impôt, on le laissait libre de pratiquer sa religion. Annali…, t. vii, p. 248.

Mais cette liberté religieuse, que l’on constate de toute évidence dans les premiers temps de l’Islam, fut-elle garantie par quelque acte officiel de la nouvelle autorité? Les annalistes chrétiens l’ont prétendu : la Clironique de Séert contient une longue charte accordée par Mahomet lui-même aux chrétiens de Nedjrân et aux autres chrétiens de toute secte. Pour mieux authentiquer son texte, le chroniqueur a soin d’en retracer l’origine : « Cette copie a été faite sur un registre qui fut retrouvé en 265 (878-879 de notre ère) à Rirmantha chez Habib le moine. Selon le témoignage de celui-ci, la copie venait de la bibliothèque de philosophie, dont il avait été le conservateur avant