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1479 MESSIANISME, LE TEMPS DE L’EXIL : LE LIVRE DES CONSOLATIONS 1480

Tout d’abord il faut fixer notre attention sur celles qui sont encore des oracles exiliens.

1. Les chapitres lx-lxii ressemblent beaucoup, pour le contenu et le style, aux chapitres xl-lv et appartiennent, en raison surtout de la vibrante attente du salut qui s’y exprime, à la même situation. L’auteur s’y adresse aux exilés pour leur annoncer la délivrance et le retour, en des termes qui rappellent absolument xl, 3 sq. ; xlv, 13 ; xlviii, 20, etc. Plusieurs critiques les attribuent au même auteur, et le P. Condamin les a même réunis avec les chapitres livlv comme ayant primitivement formé un seul grand poème.

Ces trois chapitres contiennent le tableau le plus brillant et le plus célèbre de la gloire finale de Jérusalem et du bonheur de ses habitants. Quand l’heure du salut arrivera, Sion sera illuminée par l’apparition de Jahvé. Elle resplendira alors d’une façon si merveilleuse que, tout autour, la terre semblera plongée dans les ténèbres, et qu’attirés par sa clarté les peuples, rois en tête, afllueront vers elle, tandis que les Israélites dispersés reviendront, lx, 1-4. En même temps les richesses des pays et des mers seront transportées à Jérusalem : les Arabes inonderont la ville de leurs chameaux et de leurs troupeaux, et les vaisseaux venant de Tharsis s’approcheront de la côte palestinienne comme les pigeons de leur colombier, lx, 5-9 ; lxi, 6. Les étrangers rebâtiront les murs de la ville dont les portes resteront continuellement ouvertes, pour que les trésors du monde y puissent être apportés sans interruption, lx, 10-11 (le ꝟ. 12 est une glose). Les étrangers cultiveront aussi les vignes et les champs des Israélites et paîtront leurs troupeaux, lxi, 5. Tandis qu’eux, les Israélites, occuperont parmi les païens le rang qu’ont eu autrefois les prêtres chez eux, lxi, 5-6, les rois eux-mêmes les serviront, lx, 10. Sion « boira le lait des peuples et sucera le sein des royaumes » (dans le texte se lit « rois » ), lx, 16.

Dans la ville ainsi reconstituée, la paix, la justice et le bonheur régneront à jamais, lx, 17-18. Ses habitants seront tous saints et se multiplieront à tel point que le petit deviendra un grand peuple, lx, 21-22. Jérusalem deviendra la gloire de tout l’univers, lx, 15 ; lxii, 7. Jahvé l’aimera comme un jeune homme aime sa fiancée, lxii, 5. Elle n’aura plus besoin ni du soleil ni de la lune : Jahvé sera sa lumière éternelle, lx, 1920. Les jours de deuil auront pris fin, lx, 20, et les Israélites posséderont le pays pour toujours, lx, 21.

2. Le psaume formé par lxiii, 7-lxiv, 11, exprime d’une manière touchante l’espérance messianique. Dans le passé les Israélites ont reçu beaucoup de bienfaits de Jahvé, bien qu’ils en fussent indignes, lxiv, 5-6, et qu’ils l’eussent irrité et affligé tant de fois, lxiii, 10, à tel point qu’ils se trouvent maintenant dans le malheur et que Jérusalem et le temple sont détruits, lxiii, 10 ; lxiv, 9-10. Ces versets montrent que la situation à laquelle ils se réfèrent est tout à fait celle de l’exil (Feldmann, Budde), et non celle du temps postexilien (Sellin, Cheyne, Duhm). Mais Jahvé dans sa bonté ne les abandonnera pas non plus maintenant, LXIV, 7, 11. Dans cette conviction ils lui adressent des appels pressants, le priant de se tourner de nouveau vers eux, de déchirer les cicux et de descendre sur la terre pour y faire des merveilles inattendues, pour les sauver de leurs ennemis et faire trembler les peuples devant eux, lxiii, 17, 19 ; lxiv, 1-2.

3. Le chapitre lxv pourrait être la réponse à la prière précédente. Il semble, en effet, refléter la même situation. D’après 9, 11, 18, les Israélites ne paraissent pas être revenus en Palestine, et Jérusalem ainsi que le temple ne semblent pas encore reconstruits (Budde, Feldmann) ; d’autre part tout indice manque pour dire, comme Duhm et ses partisans l’ont |

prétendu, que les accusations des versets 1-15 visent les Samaritains du temps d’Esdras et de Néhémie. Jahvé y dit à son peuple qu’il n’est pas responsable de sa misère actuelle. Continuellement il a étendu ses mains vers lui pour le recevoir. Mais ce peuple l’a sans cesse irrité, surtout par son idolâtrie et continue partiellement encore en exil à pratiquer ce culte infâme, 11-12. C’est pourquoi il fera venir sur eux le glaive auquel tous les coupables succomberont, 12. Par contre, les vrais serviteurs de Jahvé seront sauvés, 8, et formeront une race nouvelle qui héritera des montagnes de la Terre sainte, 9. Là ils jouiront d’un bonheur unique. Jahvé créera pour eux un ciel nouveau et une terre nouvelle, 17, et fera de Jérusalem une ville d’allégresse et d’Israël un peuple de joie pour toujours, 16. Le bruit des sanglots et des cris ne sera plus jamais entendu.

4. Is., lvii, 14-21, semble être une invitation au retour adressée, après le premier rapatriement, à ceux qui sont encore à Babylone. L’exhortation, xl, 1, de frayer un chemin y est répétée. Dieu, après avoir été irrité un moment contre son peuple, le guérira et le consolera. Il donnera la paix à ceux qui sont loin comme à ceux qui sont près, promesse qui ne s’explique jamais mieux, que si on pense à ceux qui sont déjà arrivés à Jérusalem et à ceux qui séjournent encore sur les fleuves de Babylone. (La réprimande, lvi, 9-lvii,

13, qui précède cet oracle est peut-être préexilienne.)

5. Is., lviii. — Au peuple qui après le retour attend pour bientôt la réalisation parfaite du salut et qui croit la mériter par des pratiques extérieures, surtout par le jeûne, Dieu fait savoir que seule l’observation des lois morales l’en rendra digne. Cette vraie sainteté fera poindre la lumière de son bonheur comme l’aurore, 8-10. Israël deviendra semblable à un jardin bien arrosé ; il rebâtira ce qui est tombé en ruines, 12, et jouira de nouveau de l’héritage de son père Jacob,

14. (Les expressions employées pour exprimer le bonheur attendu sont générales ; mais elles font pourtant penser davantage à l’époque qui suivit le retour qu’à celle qui le précède, étant donné surtout que celui-ci n’est nulle part en perspective.)

6. Is. lix, 15 b -21, et lxiii, 1-6. — (Tout moyen fait défaut pour fixer la date de ces deux morceaux. Si le premier formait la suite de ce qui précède, il appartiendrait au temps de Malachie ; car dans lix, 1-15°, comme dans les discours de ce prophète, l’impiété et l’immoralité sont présentées comme un obstacle au salut d’Israël ; mais au lieu de lire dans la suite, lix, 15 b sq., la menace que Jahvé viendra punir son peuple, nous apprenons que le Très-Haut assouvit sa colère contre les païens. Ainsi lix, -15 a et lix, 15-21, ne forment donc pas une unité, comme Duhm et Feldmann le prétendent. Nous les séparons avec Cheyne et Budde. Le second oracle, lxiii, 1-6, est tout à fait parallèle à lix, 15 b -21, et Budde y voit avec quelque raison la suite de ce premier oracle. Nous aussi, nous les réunissons pour les placer à la fin du premier groupe des oracles du « Trito-Isaïe ».) Le contenu en est très dramatique. D’abord nous voyons Jahvé revêtir son armure comme un guerrier — la justice est sa cuirasse, le casque du salut est sur sa tète, la vengeance lui sert de cotte de maille — puis descendre sur la terre pour attaquer ses ennemis et remplir d’épouvante les peuples de l’Orient aussi bien que ceux de l’Occident. Ensuite nous le voyons revenir d’un terrible carnage qu’il a fait au milieu des païens. Il les a piétines dans sa fureur comme un homme qui au pressoir foule les raisins, de sorte que son vêtement est tout rouge de sang. I.e but de ce jugement des nations est le salut d’Israël ; Jahvé viendra finalement à Sion en Sauveur pour renouveler son alliance, lix, 20-21.