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    1. MESSIANISME##


MESSIANISME, LE TEMPS DE L’EXIL : EZECHIEL

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Parce qu’Israël continuait, même après la première déportation, à être « une maison de révolte » — c’est chez Ézéchiel la désignation continuelle du peuple élu — qui ne voulait pas écouter son Dieu, ii, 5 ; ni, 7, etc., les accusations et les menaces formèrent en eflet longtemps presque l’unique contenu de ses discours. Dans les paraboles des c. xvi (Heinisch, Der Prophet Ezéchiel, 1923, p. 48, et Hermann, Ezéchiel, 192-1, p. 102, regardent les ꝟ. 44-63 comme ajoutés après 586 ; mais il vaut mieux avec Rothstein, dans Kautzsch, t. ii, 1922, p. 909, prendre pour tardifs seulement 42 b, 53 b, 55 b, 60-63, versets qui contiennent des promesses de salut) et xxiii, il incrimine Israël et Jérusalem en termes qui choquent autant par leur dureté que par leur crudité. A maintes reprises, v, 1-2, 12-17 ; vi, 11-14 ; vii, 14-16 ; xv ; xxi, 8-9 ; xxiv, 1-14 ; xxxin, 27-29, il annonce une ruine définitive de la ville sainte et de la Judée, ainsi qu’une extermination totale de leurs habitants. Ce n’est que par un jugement radical que la colère de Dieu sera assouvie, v, 13 ; vi, 12, et qu’on reconnaîtra que Jahvé est le vrai Dieu, vii, 7 ; xxxiii, 29. Quelques exégètes, par exemple Heinisch et Hermann, estiment qu'Ézéchiel aurait en outre prédit une catastrophe mondiale que Jahvé déchaînerait pour faire disparaître Israël. Cependant la fin de vii, 2, ne doit pas se traduire, comme ils l’ont fait, par : « La fin vient pour les quatre coins du monde », mais seulement par « la fin vient pour les quatre coins du pays ». On ne doit même pas prendre à la lettre les menaces qui présentent cette fin comme absolue. Cela résulte déjà des phrases par exemple, v, 3-4 ; vi, 8-10, que le prophète lui-même y ajouta plus tard pour les adoucir. Leur caractère hyperbolique ressort ensuite du fait que, déjà durant les premières années de son ministère, Ézéchiel a promis par deux fois le salut au moins à un petit reste de la population qui séjournait encore en Palestine. Dans la vision relative à l’affreuse idolâtrie pratiquée dans le temple par les anciens et au départ de Jahvé de la ville, il aperçoit un ange qui marque d’un signe avant le jugement « ceux qui gémissent et se lamentent à cause de tous les crimes qui se font en elle », pour qu’ils ne soient pas tués avec les autres, ix, 4. Il compare, xxii, 17-22, ces quelques justes à un peu d’argent qui au creuset sera dégagé des scories.

Comme Jérémie, Ézéchiel comptait donc pour l’avenir beaucoup plus sur les Juifs qui se trouvaient déjà en Babylonie que sur ceux qui restaient encore en Judée. C’est de ceux-là qu’il s’occupait de toutes ses forces, pour préparer le nouveau peuple, agréable à Dieu. Ce sont eux qu’il invite à la conversion, en les assurant que Jahvé ne veut pas la mort du pécheur mais, au contraire, sa conversion et sa vie, xviii, 23, 32, ce qui signifie que Dieu ne veut pas les enlever par une mort prématurée, mais les garder pour qu’ils voient le bonheur messianique. Pour cette raison il leur ouvre dès le commencement, au moins par quelques prophéties, la perspective de l'ère messianique. Ainsi il prédit que l’exil ne durera pas toujours, mais qu’il prendra fin après quarante ans, iv, 6. Lorsque le roi Sédécias se fut laissé entraîner à secouer le joug babylonien et à rendre ainsi inévitable la chute de Jérusalem, le prophète dans le magnifique oracle du c. xvii annonce que, si la branche de la famille davidique représentée par ce roi doit être rejetée, une jeune tige de la branche de Jéchonias sera plantée sur la montagne d’Israël pour devenir un cèdre majestueux ; à l’ombre de ses rameaux les oiseaux de tout genre viendront habiter. C’est la prédiction du royaume du Messie, issu delà racine de David, xvii, 22-24.

Une autre allusion au Messie se trouve, xxi, 32,

où il est dit que le pays avec tout ce qu’il contient sera transformé en ruines, jusqu’au moment où apparaîtra celui à qui appartient le jugement, passage où Ézéchiel reprend la promesse de Jacob, Gen., xlix,

10. Cf. col. 1416.

Parce que, après la déportation de 597, ceux qui restaient en Palestine convoitaient les biens des exilés — ils croyaient que ceux-ci ne reviendraient plus — Ézéchiel publia que Dieu ramènerait les déportés et leur donnerait de nouveau le pays. Ils reviendront transformés, avec un coeur nouveau, et marcheront dorénavant selon les lois du Très-Haut, xi, 14-21.

Cette prophétie reçut un complément significatif par celle qui termine le discours que le prophète adressa, en 591, à des anciens qui le consultaient, xx. L’objet de leur demande n’est pas expressément indiqué, mais il résulte de l’ensemble de la réponse et surtout du ꝟ. 32 qu’il s’agissait de la tentative de pratiquer le culte de Jahvé sous des formes analogues à celles des rites païens, et peut-être même de la construction d’un temple en terre étrangère. Ézéchiel répond d’abord par un aperçu de l’histoire -des aberrations d’Israël toujours porté à l’idolâtrie et des miséricordes de Jahvé constamment prêt à lui pardonner, xxi, 1-32. Aujourd’hui même Jahvé n’est pas au bout de ses soins pour son peuple. Il veut maintenir et exercer ses prérogatives royales sur les Israélites. Aussi les ramènera-t-il de l’exil dans la patrie. Mais, de même que, lors de la sortie d’Egypte, il les a conduits à travers un désert et lésa soumis à un jugement à cause de leur révolte, ainsi cette fois encore les fera-t-il passer par un désert, et avant leur nouvelle entrée en Canaan il séparera les justes des injustes. La partie saine du peuple rentrera et servira fidèlement son Dieu qui, en récompense, la comblera de ses faveurs, xx, 33-44. (Il n’y a, nous semble-t-il, aucune nécessité de séparer cette promesse de l’exhortation qui précède ; car rien n’indique qu’il faille supposer avec Rothstein, p. 920, et Heinisch, p. 104, que tout le peuple se trouve déjà en exil, ou avec Hermann, p. 127, que la catastrophe de 586 a déjà eu lieu.)

2° Prophéties d'Êzéchiel après 586. — Ces quelques prédictions sporadiques de l’avenir glorieux, qui datent toutes du temps qui préc da la débâcle, ont été ensuite élargies et enrichies par des exposés qui sont les plus systématiques de toute la littérature des prophètes. Jérusalem une fois détruite, les accusations et les menaces cessent complètement et font place aux plus magnifiques promesses. Ézéchiel rassure immédiatement les exilés, accablés par la’triste nouvelle de la chute de Jérusalem, en leur répétant que Dieu ne veut pas la mort, mais la conversion, xxxiii,

11, et qu’ils verront le salut s’ils font sincèrement pénitence et persévèrent dans l’obéissance envers Jahvé, xxxiii, 10-20. Ce salut, Ézéchiel le décrit dans la suite d’une façon plus détaillée que tous les autres voyants.

D’une part il le fait d’une manière négative. Dans ce sens il annonce d’abord en six oracles, xxv-xxxiii, xxxv, l’extermination de tous les voisins d’Israël : Ammonites, Moabites, Édomites, Philistins, habitants de Tyr et de Sidon. Ensuite, dans une autre série, xxix-xxxii, prononcée en partie dès avant 586, il prédit la ruine de l’Egypte. D’un ton solennel il lui fait savoir que le jour de Jahvé viendra aussi sur elle, xxx, 2-3. Sa destruction cependant ne sera pas définitive comme celle des nations voisines. Les Égyptiens, après avoir été dispersés pendant quarante ans, reviendront dans leur pays et formeront un petit peuple. Les épreuves les auront amenés à reconnaître que Jahvé est le seul vrai Dieu, xxix, 12-16.

D’autre part, il présente le bonheur à venir d’une façon positive. Il le résume en trois tableaux. Une