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    1. MESSIANISME##


MESSIANISME, LES PSAUMES PRÉEXILIENS

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X. psaumes PRÉEXILIENS (à l’exception des ps. il et Cix). — -Après les livres prophétiques, nul autre ne contient autant d’idées messianiques que le psautier. Étant un recueil de chants pieux, de prières et de méditations qui appartiennent aux époques les plus diverses de l’histoire juive, il reflète les principaux sentiments religieux, les pensées et aspirations qui animaient les Israélites. Et parce que l’espérance messianique a été leur préoccupation particulière à travers tous les âges, elle a naturellement trouvé dans les psaumes de multiples expressions.

Aussi, avant d’aborder la littérature prophétique, avons-nous déjà dû ouvrir le psautier, et les psaumes de David nous ont fourni quelques éléments très importants du messianisme. Il faut de nouveau le prendre en mains à la fin de notre étude des prophètes préexiliens, en attendant de le retrouver encore au bout de nos recherches sur l’ensemble des oracles exiliens et postexiliens, pour recueillir les idées messianiques de ceux des psaumes qui nous semblent plus ou moins contemporains des écrits prophétiques. Cette étude successive s’impose déjà, parce qu’elle permet de garder dans une certaine mesure, même pour les psaumes, le cadre chronologique. Elle est en outre exigée par le fait que les formes sous lesquelles l’espérance messianique se rencontre dans le psautier, ne se comprennent parfois qu’à la lumière des oracles parallèles des prophètes.

Les exégètes sont encore moins d’accord pour les conceptions messianiques des psalmistes que pour celles des prophètes. Ceci tient d’abord à la grande différence de leurs opinions sur le messianisme en général, mais aussi au fait que la date de bien des psaumes est difficile à déterminer, et surtout que les psalmistes se contentent parfois de faire une simple allusion aux idées messianiques, au lieu de les exprimer d’une façon précise. Les problèmes qui en résultent sont très compliqués et rendent l’étude du messianisme dans le psautier plus difficile que pour n’importe quel livre prophétique. Nous n’avons discuté ces problèmes à propos des psaumes n et cix que dans la stricte mesure où ceux-ci l’exigeaient. Il faut en donner ici un exposé systématique et l’appliquer aux autres psaumes préexiliens.

Psaumes qui se rapportent au Messie personnel.


En lisant les commentaires modernes du psautier, on fait la singulière constatation qu’il y a une tendance très prononcée à contester le sens messianique d’à peu près tous les psaumes que la tradition nous avait accoutumés à regarder comme les plus certainement messianiques. Ce sont les psaumes qui se rapportent directement à un Messie personnel, savoir, les psaumes ii, xxi, xliv, lxxi, cix. Gunkel, Die Psalmen Hberselzt und erklârt, 1926, p. 9, affirme catégoriquement : « Dans le psautier le Messie n’est pas mentionné du tout. »

Parmi ces cinq psaumes quatre : ii, xliv, lxxi, cix, forment un groupe à part. Les poètes y glorifient dans les termes les plus élogieux la personne d’un roi. Pour ii et cix, nous avons déjà vu qu’il n’y a aucune raison d’abandonner la conception reçue au sujet de leur origine et de leur sens : David y exalte bien le roi messianique.

Le meilleur complément de ces deux psaumes est le psaume lxxi. Tandis que David décrit le Messie surtout comme un roi guerrier qui renverse ses ennemis, l’auteur de ce psaume le présente comme un prince pacifique. Le Messie sera pour ses sujets ce qu’est la pluie et la rosée pour le sol, 6. Son règne sera caractérisé par la justice, la bonté, la paix qui orneront le pays comme la verdure couvre les collines, 1-4, 7, 1214. A ce bonheur spirituel correspondra le plus grand bien-être matériel : il y aura abondance de blé même

sur les montagnes, 16. Comme déjà les psalmistes souhaitent à des rois ordinaires une vie sans fin, ps. xx, 5 ; lx, 7, il n’est pas étonnant que le poète annonce que ce roi messianique vivra aussi longtemps que dureront le soleil et la lune, et que sa gloire durera sans cesse, 17.

Le Messie ne sera pas seulement le chef de la Palestine et des Israélites, mais de toute la terre et de tous les peuples : il dominera de la mer à la mer, 8, « tous les rois se prosterneront devant lui, toutes les nations seront à son service », 11. Les « princes des pays les plus lointains, ceux de Tarsis et de Saba, lui offriront des présents, 10 et « tous ses ennemis lécheront la poussière ». Par lui se réalisera la promesse faite à Abraham ; car « toutes les générations de la terre se béniront en lui », 17.

Plus encore que les ps. n et cix, le ps. lxxi ne peut être que la description du Messie et de son règne. En effet, ici pas plus que là, les expressions ne sont, comme le prétend Gunkel, des hyperboles hardies courantes dans le langage des cours, ou, comme le veut Kittel, des termes eschatologiques appliqués à un roi ordinaire. La souveraineté sur tous les peuples, telle qu’elle est dessinée dans les versets 8-10, exclut un roi historique. Aussi Zenner, tout en niant le sens directement messianique pour les ps. n et cix, l’accepte-t-il pour le ps. lxxi, et Bæthgen, Duhm, Bertholet reconnaissent la portée messianique des t. 8-10 ; ces derniers préfèrent cependant les regarder comme ajoutés après coup. Il est d’autant plus curieux de constater que Stærk et Wutz, qui donnent aux ps. ii et cix une explication messianique, en privent le ps. lxxi.

Les adversaires de l’explication messianique n’allèguent en somme qu’un seul argument positif, qui est bien précaire. Ils disent que le t. 15b « on priera pour lui constamment » exclut le Messie. Comme si même les sujets de ce roi idéal ne pouvaient accompagner son gouvernement de leurs vœux et les exprimer sous forme de prières.

Tandis que Duhm et Bertholet attribuent le psaume au temps des Asmonéens, Bæthgen, Stærk, Kittel, Gunkel, Hoberg, Pérennès, Condamin le placent à l’époque des rois préexiliens. Comme la description du roi et du règne messianique diffère notablement de celle qui est donnée par David et ressemble par contre beaucoup à celle d’Isaïe, le mieux semble être de ranger le psaume après ce prophète.

Le quatrième des psaumes royaux, ps. xliv, est en même temps un épithalame dans lequel le poète s’adresse à tour de rôle à un roi et à sa fiancée. Il commence par célébrer sa beauté ; il vante ensuite sa vaillance guerrière et finalement la justice et la magnificence de son règne. Il l’apostrophe même pour lui adresser cette promesse : « Ton trône, ô Dieu, subsistera toujours », 7 a. Après quoi, le poète parle à la reine qui « se tient à la droite » de son époux, « parée de l’or d’Ophir ». Mais, avant de glorifier sa beauté, ses ornements, sa suite, il lui recommande d’oublier son peuple et la maison de son père — elle vient donc de l’étranger — de s’habituer complètement au milieu nouveau et d’être entièrement soumise au maître qui l’a choisie. Pour terminer, le poète pense aux fruits du mariage, et il souhaite que le roi puisse établir ses fils comme princes dans tout le pays et que son nom soit immortel.

Pris à la lettre, ce psaume a un contenu purement profane. Mais, puis qu’il se trouve dans une collection canonique de chants religieux, le sens littéral n’est pas, bien que de nos jours tous les exégètes protestants l’affirment, l’unique sens qu’il renferme. Comme le Cantique des cantiques, le psaume exigo une interprétation métaphorique : le mariage entre 1-