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1453 MESSIANISME, LES PROP HÈTES PRÉEXILIENS : BARUCH 1454

parfaite encore qu’auparavant. Il décrivit l’ère messianique dans un magnifique poème, xxx-xxxi qui, au point de vue esthétique aussi bien que théologique, forme le point culminant de toutes ses prophéties.

(Les opinions sur l’origine de ces deux chapitres sont peut-être plus partagées que pour n’importe quel autre texte de Jérémie. Rares sont ceux qui les rejettent en entier, Stade, Smend, Nath. Schmidt, ou qui n’en retiennent que des tronçons, surtout xxxi, 2-6, 15-20, comme Giesebrecht, Duhm, un moment Cornill. La plupart des exégètes en regardent la majeure partie comme authentique, Graf, Rothstein, Peake, Baudissin, Sellin, Gautier, Driver, Volz, Condamin, et ne tiennent — et ceci avec raison — pour secondaires que xxx, 10-11 = xlvi, 27-28 ; xxx, 23-24 = xxiii, 19-20 ; xxxi, 35-37. Beaucoup parmi eux, auxquels Cornill s’est associé après coup, défendent expressément le passage le plus.important, xxxi, 31-34, contre Duhm. - — Quelques-uns distinguent deux périodes de composition : une partie du poème aurait été écrite avant l’année 586, une autre après cette date. Mais l’homogénéité du texte, si bien relevée par Condamin, p. 235 sq., et avant lui déjà par Eichhorn, Peake, Cornill, après lui par Volz, ainsi que les allusions précises au temps qui suivra la catastrophe rendent bien plus probable l’opinion que les deux chapitres en entier furent seulement composés après 586.)

Le temps viendra où Jahvé rétablira Israël et Juda et les reconduira dans le pays qu’il avait donné à leurs pères, xxx, 3. Cette restauration sera précédée d’une grande angoisse, xxx, 5 sq., que le prophète suppose sans doute causée par un bouleversement politique des peuples, parmi lesquels les Israélites seront dispersés. Ils seront alors définitivement délivrés de leurs ennemis et serviront dorénavant Jahvé leur Dieu, et leur roi David que Jahvé leur donnera, xxx, 9. Jérémie donne ici au nouveau roi le nom de David tout court, pour relever qu’il sera aussi digne que le premier, qu’il sera le Messie.

Le prophète s’adressse ensuite, xxx, 12 sq., d’une façon spéciale à Juda et surtout à Sion pour leur promettre le rétablissement : la ville sera reconstruite et le palais royal rebâti, xxx, 18 ; on y entendra des cris d’allégresse du peuple qui se multipliera, xxx, 19. De la même manière il apostrophe, xxxi, 1 sq., Éphraïm et les autres tribus du Nord. Jahvé les aime d’un amour éternel et les rassemblera des extrémités de la terre. Elles rebâtiront Samarie et iront remercier Jahvé à Sion de tout le bonheur qu’il leur accordera, xxxi, 5 sq. Que Rachel cesse donc de pleurer ses enfants perdus, xxxi, 15 sq.

En ce temps, quand Juda et Israël seront ramenés dans leur pays, Jahvé conclura avec eux une nouvelle alliance, xxxi, 31, qui consistera principalement en ce que la loi divine ne sera plus seulement écrite extérieurement sur des tables de pierre, mais dans les cœurs, xxxi, 33, c’est-à-dire que la volonté de Dieu lés dominera complètement ; elle fera partie de leur nature et ne sera plus une force étrangère à laquelle ils puissent résister. Par suite de cette influence que la loi divine exercera sur les cœurs, tous, du plus petit au plus grand, auront une parfaite connaissance de Dieu, xxxi, 34.

Ce nouvel état de choses durera sans fin ; aussi longtemps que le soleil éclairera le jour et que la lune et les étoiles éclaireront la nuit, Israël sera le peuple élu qui jouira sans interruption de ces faveurs divines, xxxi, 35-37. Sans doute, il y aura encore dans son sein des transgresseurs de la Loi ; mais ils seront punis individuellement. Jamais le peuple comme tel ne sera plus rejeté et puni, comme c’est à présent le cas, xxxi, 29-30.

Le grand texte des chapitres xxx-xxxi est pour ainsi dire récapitulé dans un tout petit, iii, 14-17, qui ajoute en outre à ce tableau du temps messianique deux traits extrêmement importants. Le culte de Jahvé sera tellement intérieur qu’on se passera même de l’arche d’alliance, ce signe visible de la présence de Jahvé, iii, 16. Ensuite, à la fin des temps, non seulement les Israélites, mais aussi les païens « ne suivront plus les mauvais penchants de leur cœur », au contraire ils viendront adorer Jahvé à Jérusalem, m, 17. Ainsi les autres nations auront part au salut d’Israël.

Il y a encore deux endroits où Jérémie exprime les mêmes idées universalistes. Le premier estxii, 1417 ; Jahvé y annonce « aux mauvais voisins » d’Israël, donc aux peuples des alentours, qu’ils seront châtiés par la déportation, mais -que plus tard ils seront ramenés dans leurs pays. Si alors ils se convertissent et acceptent la foi d’Israël, ils lui seront incorporés. Dans le cas opposé ils seraient exterminés. Cette promesse, bien qu’elle fasse suite à un texte qui date du temps de Joïakim, doit néanmoins se rattacher chronologiquement aux chapitres xxx-xxxi ; car il n’est guère concevable que le prophète, à une époque où il n’avait que des menaces pour son peuple, ait ouvert une perspective si consolante aux ennemis d’Israël (Rothstein, Volz). Il en faut dire autant de la magnifique prière, xvi, 19 : « Jahvé, ma force, mon rempart et mon refuge au jour de la détresse, vers toi viendront les nations des confins de la terre et elles diront : Nos pères n’ont eu que le mensonge en héritage, des vanités qui ne profitent pas. »

On le voit, Jérémie ne s’attend pas pour le temps messianique à un grand changement extérieur en Israël, au point de vue soit politique soit matériel. Il n’y a chez lui aucune allusion à une position prédominante du peuple dans le monde ou à une transformation miraculeuse de la nature en sa faveur, bien qu’il prévoie lui aussi une manifestation éclatante de Jahvé. Ce qu’il relève c’est la transformation des âmes et leur union intime avec Dieu. A la conception hautement spiritualiste que Jérémie professe sur l’ère messianique correspond l’universalisme le plus large.

Pour la bibliographie, voir t. vii, article Jérémie ; Podfchard, Le livre Jérémie : structure et formation dans Revue biblique, 1928, p. 181 sq.

IX. barvch.

Le livre de Baruch, qui remonte en grande partie au disciple et secrétaire fidèle de Jérémie, mais qui a été élargi plus tard, renferme nécessairement de belles prophéties messianiques, conformément à son but qui est de consoler les exilés. En effet après avoir exprimé déjà dans la grande prière de pénitence, i, 15-m, 8, l’espoir que les souffrances de l’exil changeront l’esprit des Israélites et qu’alors Dieu aura pitié d’eux pour les reconduire dans leur pays et conclure avec eux une alliance éternelle, ii, 30-55, l’auteur trouve dans la seconde partie des paroles admirables pour décrire la beauté et le bonheur dont Jérusalem jouira lors de la restauration : « Jérusalem, regarde vers l’Orient et vois la joie qui te viendra de Dieu. Voici tes fils viennent… tous ensemble de l’Orient jusqu’à l’Occident, par la parole de Dieu (LXX), se réjouissant de la majesté de Dieu », iv, 36-37. « Dieu les ramène, portés avec honneur comme les fils d’un royaume. Car Dieu a décidé d’abaisser toute montagne élevée et les collines éternelles, et de combler les vallées jusqu’au niveau de la terre, afin qu’Israël marche rapidement dans la gloire de Dieu. Les forêts et tous les arbres parfumés ombrageront Israël sur l’ordre de Dieu. Car Dieu ramènera Israël avec joie à la lumière de sa majesté, avec sa miséricorde et sa justice », v, 6-9.