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1441 MESSIANISME, LES PROPHÈTES PRÉEXILIENS : ISAIE 1442

Duhm défend les f 27-33, passage contre lequel on n’a pas encore, d’après lui, apporté de preuve sérieuse. On peut en dire autant des versets, xxx, 18-26.)

5. Un peu plus tard, une troisième fois, Isaïe blâme, xxxi ; xxxii, 1-8, les princes à cause de leur pacte avec l’Egypte. Il leur annonce que Jahvé se lèvera « contre la maison des méchants » ; mais une fois de plus il ajoute aussi que Dieu protégera la ville et renversera Assour devant elle. Après la catastrophe de l’ennemi, le roi et le peuple seront transformés ; le bonheur régnera à Jérusalem grâce au juste gouvernement du roi et des princes. L’aveuglement aura cessé pour faire place à une grande sagesse.

(Ces deux groupes de versets n’ont pas non plus trouvé grâce devant les critiques modernes. Duhm est encore une fois tout à fait isolé en maintenant les plus importants. Du premier morceau, c. xxxi, il attribuée Isaïe surtout le ꝟ. 5, malgré le contraste qui existe entre ce verset et ce qui précède. Avec raison il émet l’idée que, dans le c. xxxi, deux poésies différentes, mais isaïennes, sont réunies ; précisément le contraste qui s’y rencontre rend cette conception très probable, non seulement pour ce chapitre, mais aussi pour les précédents, où la transition de la menace à la promesse est si brusque. Toutes deux, menace et promesse, appartiendraient à la même époque, mais n’auraient pas été prononcées simultanément. Le second morceau, xxxii, 1-8, est pour les cinq premiers versets — les trois suivants ne sont que des sentences générales — mis par Duhm sur le même pied que ii, 2-4, et xi, 1-8 : « aussi bien que ii, 2-4, et xi, 1-8, sont authentiques, xxxii, 1-5, peuvent l’être et appartenir à l’âge avancé d’Isaïe », p. 234.)

6. Immédiatement avant le siège, donc à peu près un an après les discours des chapitres xxix-xxxi (voir Driver et Condamin), Isaïe crie malheur au dévastateur assyrien qui ruine tout sans pitié. Mais il a confiance en Jahvé, qui se lèvera contre lui, sauvera la ville et brûlera les ennemis comme des épines. A Sion les pécheurs en trembleront et se convertiront. Après la disparition des Assyriens, on sera de nouveau heureux et tranquille à Jérusalem, à tel point qu’il n’y aura plus, comme Moïse l’avait déjà prédit, Ex., xxiii, 25, d’infirmes ni de malades, xxxiii, 1-24

(Assez unanimement les critiques, y compris Duhm, attribuent ce discours au temps post-exilien. Quelques-uns cependant, Baudissin, Cheyne, Orelli, Kittel, supposent au moins un fond isaïen, ou bien reconnaissent qu’il y a une telle parenté entre ce discours et les oracles reconnus comme authentiques qu’il s’agirait d’une imitation d’Isaïe. Avec raison Condamin, p. 210, en conclut que le parti le plus raisonnable est de laisser ce chapitre à Isaïe.)

7. Lors de l’invasion de Sennachérib, Isaïe annonce donc à maintes reprises le salut, et le présente comme messianique. Comme au moment de la guerre syroéphraïmite, il prédit en outre le Messie lui-même ; car le troisième, x-xi, des célèbres textes qui sont réunis dans le livre d’Emmanuel, c. vii-xii, appartient non pas, comme on l’a supposé souvent et récemment encore Feldmann, à la même époque que les deux autres vii-ix, mais à la dernière de l’activité du prophète.

(Dans le groupe de textes, x, 5-xii, 6, il faut tout d’abord revendiquer le c. x pour la période du siège de Jérusalem sous Sennachérib ; car la note historique de x, 9, ne s’explique qu’après 717 et la remarque de x, 25, que l’ennemi assyrien sera bientôt abattu, rapproche ce texte des chapitres xxix-xxxiii où nous venons de la lire. Et comme le contraste entre le premier verset du chapitre xi et le dernier du chapitre x est visiblement voulu pour rehausser l’impression du chapitre xi, il forme un lien très ferme entre les deux,

de sorte que l’un et l’autre datent de la dernière époque du ministère d’Isaïe.)

(A lire les critiques, avant de chercher à quelle date de la vie d’Isaïe ces textes doivent être attribués, il faudrait se demander s’ils sont authentiques ou non. La plupart d’entre eux enlèvent à Isaïe tout au moins les passages messianiques, savoir x, 20-27 ; xi, 1-9, 10-16, et le chapitre suivant xii. Quant au morceau le plus important, xi, 1-9 : Et egredietur virga de radiée Jesse, etc., Guthe (1922) ne rejette pas entièrement la possibilité d’une origine isaïenne, et Duhm (1923) estime plus probable l’opinion qu’Isaïe en est l’auteur. Tous sans exception regardent la suite de xi, 1-9 : xi, 10-16 et xii comme des textes très, tardifs. Condamin hésite, avec Driver et Skinner, entre le maintien de xi, 10-16, et son attribution à l’époque postexilienne et donne le c. xh pour une addition postérieure à Isaïe. Feldmann tient les arguments en faveur de xi, 10-16, pour plus forts que les autres.)

Dans les chapitres x et xi, Isaïe parle deux fois du danger et du salut. Une première fois, x, 5-27, il annonce à Assour qu’il sera humilié à cause de son orgueil exorbitant, qui le pousse à dépasser les ordres, de Jahvé et à s’emparer de toutes les nations. L’entreprise contre Jérusalem sera la cause de sa chute. Semblable à un feu, Jahvé et son peuple séviront au milieu de l’armée assyrienne comme dans une magnifique forêt, dont quelques arbres seulement subsisteront. Ceci arrivera bientôt, x, 25. En ce jour ceux des Israélites qui survivront au danger — ils ne formeront qu’un petit reste — seront pour toujours fidèlement attachés à leur Dieu, x, 20.

Une seconde fois, x, 28-xi, 16, Isaïe décrit d’abord d’une façon très vivante l’approche des Assyriens. Au moment où ils seront en face de la ville sainte et voudront étendre leurs mains contre elle, ils seront terrassés par Jahvé. De nouveau le prophète les compare à une forêt dont les arbres les plus majestueux tombent sous la hache, x, 28-34. Tandis qu’ainsi la forêt d’Assour sera abattue,

Un rameau sortira de la tige de Jessé,

Un rejeton poussera de ses racines.

Sur lui reposera l’Esprit de Jahvé,

Esprit de sagesse et d’intelligence,

Esprit de conseil et de force,

Esprit de connaissance et de crainte de Jahvé, xi, 1-2.

Du tronc d’Isaï, c’est-à-dire de la famille de David, qui est tellement affaiblie et humiliée qu’elle ressemble à un arbre dont il ne reste plus que le tronc et la racine, sortira un surgeon d’une vigueur exceptionnelle : un roi paraîtra sur lequel l’Esprit de Jahvé reposera avec la plénitude de tous les dons nécessaires pour un gouvernement sage, juste et fort. II s’occupera particulièrement des pauvres et des faibles ; il tuera par contre les tyrans et les méchants par le simple souffle de ses lèvres, xi, 3-5. La suite en sera une paix paradisiaque qui régnera dans tout le pays, parce qu’il sera rempli de la connaissance et de la crainte de Dieu, comme la mer est remplie par les eaux, xi, 9, et à laquelle participer » même le règne animal : les animaux les plus sauvages habiteront ensemble avec les plus paisibles et deviendront les compagnons des enfants dans leurs jeux, xi, 6-9.

Ce roi ne sera pas seulement la gloire et le bonheur des Israélites, mais aussi des païens qui se dirigeront vers lui comme vers un étendard. En même temps les Israélites dispersés reviendront. Il n’y aura plus de discorde entre Juda et Éphraïm ; les douze tribus se jetteront d’un commun accord sur tous les voisins des alentours pour les subjuguer, pendant que Jahvé dévastera et desséchera les pays de leurs ennemis