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MYSTIQUE, DESCRIPTION, S. FRANÇOIS DE SALES


par l’amour, qui sentant la présence du bien-aiiné par les attraits qu’il respand au milieu du cœur, ramasse et rapporte toute l’ame vers iceluy… par un délicieux reply de toutes les facultez du costé du bienaimé, qui les attire à soy par la force de sa suavité » Pour comprendre bon nombre de phénomènes mystiques, il n’est que d’étudier la psychologie de l’amour. « Otez l’amour, dira Bossuet, il n’y a plus de passions ; et posez l’amour, vous les faites naître toutes. » De la connaissance de Dieu et de soi-même, c. i. On en pourrait dire autant, selon saint François de Sales, des rapports entre l’amour et les phénomènes mystiques. Cf. II. Tessier, Le sentiment de l’amour d’après saint François de Sales, particulièrement, 1. III. c. îv : Les effets de l’Amour.

2. La quiétude, t. VI, c. vin-xi. — « C’est cet aimable repos de l’ame que la bienheureuse vierge Thérèse de Jésus appelle oraison de quiétude ; non gueres différente de ce qu’elle-mesme nomme sommeil des puissances, si toutefois je l’entends bien. » C. vin. « Toute l’aine et toutes les puissances d’icelle demeurent comme endormies, sans faire aucun mouvement ny action quelconque, sinon la seule volonté, laquelle mesme ne fait aucune autre chose, sinon recevoir l’aise et la satisfaction que la présence du bien-aimé luy donne. Et ce qui est encore plus admirable, c’est que la volonté n’apperçoit point cet aise et contentement qu’elle reçoit, jouyssant insensiblement d’iceluy. » Ibid. Analogue profane : « les amans humains se contentent par fois d’estre auprès ou à la veuë de la personne qu’ils aiment, sans parler à elle, et sans discourir à part eux, ny d’elle, ny de ses perfections ; rassasiez, ce semble, et satisfaicts de savourer cette bien-aimée présence, non par aucune considération qu’ils fassent sur icelle, mais par un certain accoisement et repos que leur esprit prend en elle. » Ibid.

Saint François de Sales explique naturellement ce repos des puissances : « elle (l’ame) n’a plus besoin de s’amuser à discourir par l’entendement ; car elle voit d’une si douce veuë son espoux présent que les discours luy seroient inutiles et superflus. Que si mesme elle ne le voit pas par l’entendement, elle ne s’en soucie point, se contentant de le sentir près d’elle par l’aise et satisfaction que la volonté en reçoit… L’ame non plus n’a aucun besoin, en ce repos, de la mémoire ; car elle a présent son bien aimé. Elle n’a pas aussi besoin de Y imagination : car qu’est-il besoin de se représenter en image… celuy de la présence duquel on jouyt ? » C. ix. « O Dieu éternel ! quand par vostre douce présence vous jettez les odorans parfums dedans nos cœurs, … alors toutes les puissances de nos aines entrent en un agréable repos, avec un accoisement si parfaict qu’il n’y a plus aucun sentiment que celuy de la volonté, laquelle, comme l’odorat spirituel, demeure doucement engagée à sentir, sans s’en appercevoir, le bien incomparable d’avoir son Dieu présent. » Ibid. « Petit à petit toutes les facultez sont attirées par le plaisir que la volonté reçoit, et duquel elle leur donne certains ressentimens. comme des parfums qui les excitent à venir auprès d’elle pour participer au bien dont elle jouyt. » C. x. Cependant ce repos des puissances comporte divers degrés, c. xi

3. « De t’escoulement ou liquéfaction de l’ame en Dieu », t. VI, c. xii. - « L’escoulement d’une ame en son Dieu n’est autre chose qu’une véritable extase, par laquelle l’ame est toute hors des bornes de sou maintien naturel, toute meslée, absorbée et engloutie

on Dieu. « I, ’amour profane connaît aussi pareille e : « Une extresme complaisance de l’amant en la chose aimée produit une certaine Impuissance spirituelle qui fait que l’ame ne se seul plus aucun pouvoir’le demeurer en soy-mesme. (l’est pourquoy, … elle iller ei escouler en ce qu’elle aim<

4. De la blessure d’amour, c. xm-xiv. — - On ne résume pas les fines analyses psychologiques où saint François de Sales « explique » comment « le sainct amour blesse les cœurs ». L’amour profane lui fournit encore un terme de comparaison : « on a veu tel jeune homme… », c. xiii.

5. « De la langueur amoureuse du cœur blessé de d lection », c. xv. — « C’est chose assez cogneue que l’amour humain a la force non-seulement de blesser le cœur, mais de rendre malade le corps jusqu’à la mort, d’autant que comme la passion et tempérament du corps a beaucoup de pouvoir d’incliner l’ame et la tirer après soy, aussi les affections de l’ame ont une grande force pour remuer les humeurs et changer les qualitez du corps. Mais outre cela, l’amour, quand il est véhément, porte si impétueusement l’ame en la chose aimée, et l’occupe si fortement, qu’elle manque à toutes ses autres opérations, tant sensitives qu’intellectuelles. »

Et saint François de Sales cite un texte de Platon à l’appui de ces ravages de l’amour « véhément » dans l’âme et jusque dans le corps, a Certes, je sçay bien, Theotime, que Platon parlait ainsi de l’amour abject, vil et chetif des mondains ; mais neantmoins ces proprielez ne laissent pas de se trouver en l’amour céleste et divin. » <i Certes, Theotime, quand les blessures et playes de l’amour sont fréquentes et fortes, elles nous mettent en langueur et nous donnent la bien aimable maladie d’amour. Qui pourroit jamais descrire les langueurs amoureuses de sainte Catherine de Sienne ou de Gennes, ou de sainte Angèle de Foligny, ou de sainte Christine, ou de la bienheureuse mère Thérèse, ou de saint Bernard, ou de saint François ! » — Et voilà qu’à propos de ce dernier, notre psychologue s’essaye à montrer jusqu’à quel point les stigmates mêmes pourraient s’expliquer naturellement par l’influence de l’imagination, o L’amour est admirable pour aiguiser l’imagination, afin qu’elle pénètre jusqu’à l’extérieur. L’amour fit donc passer les tourments intérieurs de ce grand amant saint François jusqu’à l’extérieur, et blessa le corps du mesme dard de douleur duquel il avait blessé le cœur. » Cf. Tessier, op. cit., p. 215-219. L’amour « véhément » explique aussi la rupture des quatrième et cinquième côtes du « bienheureux Philippe Nerius », et les défaillances et pâmoisons du « bienheureux Stanislaùs Kosca ».

6. « Du souverain degré d’union par la suspension et ravissement. » L. VII, c. in-vm. — « La bienheureuse mère Thérèse dit excellemment que l’union estant parvenue jusqu’à cette perfection que de nous tenir pris et attachez avec Nostre-Seigneur, elle n’est point différente du ravissement, suspension ou pendement d’esprit ; mais qu’on l’appelle seulement union, ou suspension, ou pendement, quand elle est courte ; et quand elle est longue, on l’appelle extase ou ravissement, d’autant qu’en etïect l’ame attachée à son Dieu si fermement, et si serrée qu’elle n’en puisse pas aise ment estre desprise, elle n’est plus en soy-mesme, mais en Dieu. » C. m.

Saint François de Sales conçoit donc l’extase ou ravissement comme un phénomène psychologique, sans mentionner ses effets physiologiques. Il signale cependant, mais à propos d’une fausse extase, celle d’ « un certain prestre du temps de sainct Augustin », « que son extase passait si avant, qu’il ne sentoit mesme pas quand on luy appliquoit le feu, sinon après qu’il est oit revenu à soy : et neantmoins, si quelqu’un parloit un peu fort et à voix claire, il I entendoit comme de loin, et n’avolt aucune respirai ion. » (, ;. i.

Diverses « extases naturelles « l’aident à concevoir la ravissement produit par le « sainct amour » : » voyez, je vous prie, cet homme pris et serré par