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    1. MYSTIQUE##


MYSTIQUE, DESCRIPTION, S 1 * THERÈSI

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du mal, et, par où le démon voulait vous perdre, vous gagnerez. » P. 293.

12. Vision intellectuelle ou connaissance infuse de vérités. — « Lorsqu’il plaît au Seigneur, il arrive que l’âme, étant en oraison et entièrement à elle, entre soudain dans une suspension des puissances, durant laquelle Dieu lui découvre de grands secrets, qu’elle croit voir en Dieu même. » VIe D., c. x, p. 300. Sainte Thérèse déclare avoir connu de cette manière « comment toutes choses se voient en Dieu, et comment il les renferme toutes en lui-même », ibid., et aussi comment « lui seul est la Vérité qui ne peut mentir ». P. 302. « A mon sens, le démon et l’imagination trouvent ici peu d’entrée et l’àme reste remplie de consolation. » P. 303.

13. Le martyre d’amour. — « Cette purification doit introduire l’àme dans la septième Demeure, comme la purification du purgatoire introduit dans le ciel. » VIe D., c. xi, p. 308. « Tandis que l’âme se consume ainsi au-dedans d’elle-même (par le désir d’être réunie à Dieu), voici qu’à l’occasion d’une pensée rapide qui lui traverse l’esprit, d’une parole qu’elle entend et qui lui rappelle que la mort tarde encore à venir, elle reçoit par ailleurs — d’où ? comment ? elle l’ignore — un coup terrible, ou, si l’on veut, elle se sent comme transpercée par une flèche de feu… En un instant, ses puissances se trouvent si étroitement liées, qu’elles sont incapables de tout, sauf de ce qui peut accroître leur martyre… L’entendement conserve toute sa vivacité pour comprendre avec combien de raison l’âme s’alHige d’être séparée de Dieu ; et le Seigneur y ajoute encore, par une connaissance de lui-même très pénétrante, qui porte la douleur de l’âme à une intensité telle, qu’on en vient à jeter de grands cris. » P. 305-306. « Quelque bref que soit ce martyre (il dure peu : trois ou quatre heures tout au plus, ce me semble, p. 309), il laisse le corps comme disloqué : le pouls est aussi faible que si on allait rendre l’âme… La chaleur naturelle fait défaut, et l’âme s’embrase de telle sorte, qu’un peu plus elle verrait ses désirs accomplis. » P. 306-307. " Une fois cette personne ne l’endura qu’un quart d’heure seulement, et elle en demeura brisée. Il est vrai que cette peine fondit sur elle avec tant de violence qu’elle en perdit entièrement le sentiment. » P. 309. « Rien ne peut la délivrer du martyre qu’elle endure, jusqu’à ce que le Seigneur lui-même y mette un terme. D’ordinaire, il le fait au moyen d’une grande extase ou de quelque vision, par laquelle le vrai Consolateur console et fortifie l’âme, afin qu’elle se résigne à vivre aussi longtemps qu’il le voudra. » P. 310. Ce martyre « laisse dans l’âme des effets admirables. » Ibid.

14. Vision de la Trinité. — « Une fois qu’elle est introduite dans cette ( septième) Demeure, les trois Personnes de la très sainte Trinité, dans une vision intellectuelle, se découvrent à elle par une certaine représentation de la vérité et au milieu d’un embrasement qui, semblable à une nuée resplendissante, vient droit à son esprit. Les trois divines Personnes se montrent distinctes, et, par une notion admirable qui lui est communiquée, l’âme connaît d’une certitude absolue que toutes trois ne sont qu’une même substance. .. Alors les Personnes divines se communiquent toutes trois à l’àme, elles lui pailenl. » VII" D., ci, p. 317-.il H. Sainte Thérèse a beau affirmer « que ce n’est pas ici une vision imaginaire », nous ne l’en croyons p.is ; ce qui pourtant n’est pas « imaginaire », c’est la « notion » qui lui fait connaître l’unité de substance des trois Personnes. Mais ce qui fait l’originalité de cette vision, ce n’est pas tant la vue du mystère, la vue des trois Personnes, que la perception de leur présence permanente dans l’âme aimante : « elle voit Clairement… qu’elles résident dans son intérieur. C’est

dans lu partie la plus intime d’elle-même qu’elle sent cette divine compagnie, et comme dans un abîme très profond, qu’elle ne saurait définir, faute de science. » P. 318.

Ce sentiment de présence est à rapprocher de celui que nous avons rencontré au chapitre vin des Sixièmes Demeures (v. supra, n. 10) et que sainte Thérèse qualifiait aussi de vision intellectuelle. Il lui ressemble pour la continuité ; sainte Thérèse espère même qu’il ne lui sera jamais enlevé : « elle a une grande confiance que Dieu, lui ayant accordé une telle grâce, ne permettra pas qu’elle la perde. » P. 319. Ce sentiment n’a pas cependant toujours la même intensité, « mais, si le degré de clarté n’est pas le même, l’àme, cependant, chaque fois qu’elle est attentive, se trouve en cette divine compagnie. » Ibid. — - Quand on en est là, peut-on se croire assurée de son salut, peut-on se croire « confirmée en grâce » et incapable de retomber dans le péché ? Sainte Thérèse ne le pense pas ; voir c. ii, p. 322, 328 : c. iv, p. 342.

15. Le mariage spirituel. — « La première fois que cette grâce est accordée, Notre-Seigneur, dans une vision imaginaire, veut bien se montrer à elle en sa très sainte Humanité… Il lui dit qu’il était temps qu’elle fît de ses intérêts à lui ses intérêts propres, et qu il prendrait soin de ce.qui la concernait… » VII » D., en, p. 322. Cf. Relation XXV, p. 536 : Notre-Seigneur lui denne sa main droite ; et, Relation XXVIII, p. 538, Notre-Seigneur lui met au doigt un bel anneau.

Alors « le Seigneur apparaît dans le centre de l’âme sans vision imaginaire, mais par une vision intellectuelle, plus délicate encore que celles d^nt j’ai parlé… Ce que Dieu communique alors à l’âme, en un moment, est un si grand secret, une faveur si sublime, et inonde l’àme de si excessives délices, que je ne sais à quoi les comparer. Je dirai seulement qu’en cet instant le Seigneur daigne lui manifester la béatitude du ciel, par un mode dont la sublimité dépasse celle de toutes les visions et de tous les goûts spirituels. Tout ce qu’on en peut dire, c’est que l’âme, ou plutôt l’esprit de l’âme, devient, selon qu’on peut en juger, une même chose avec Dieu. » P. 324. « Cette vérité est rendue plus claire, avec le temps, par les effets ; car on reconnaît d’une manière évidente, par certaines aspirations secrèt°s, que c’est Dieu qui donne vie à notre âme. » P. 325. « L’âme perçoit les divines opérations dont je parle. Une eau ne peut jaillir à flots sans avoir sa source quelque part : ainsi l’âme comprend clairement qu’il y a en elle quelqu’un qui lance les flèches qui la transpercent, et qui donne vie à sa nouvelle vie ; qu’il y a un soleil d’où procède cette brillante lumière qui, de son intérieur, va illuminer ses puissances. » P. 326. Ce texte, dont on peut rapprocher celui de la Vie, c. xxvii, p. 283 : « aux effets que Dieu produit dans l’âme, on comprend qu’il est là », peut être invoqué par ceux qui ne voient dans le « sentiment de présence » qu’une inférence, par laquelle des effets ressentis on remonte à une cause capable de les expliquer ; cf. Expfrience religieuse, t. v, col. 1812-1813. La sainte décrit, au c. ni, la « nouvelle vie », que mène désormais l’âme favorisée du « mariage spirituel » ; cf. Delacroix, op. cit., p. 67-72 ; Etchegoyen, L’Amour divin, V° partie, La synthèse de l’Amour divin dans les états d’oraison, particulièrement Conclusion : la critique de la synthèse de l’Amour divin, p. 350 sq.

L’importance de sainte Thérèse pour la solution du problème de la mystique est. mise en lumière par le P. de Guibcrt, Revue d’ascétique et de mystique, avril 1921, p. 185 : « Il faut, en effet, si l’on veut comprendre les discussions actuelles, en revenir à elle, et ce n’est point par hasard que ces discussions ont commencé, dans leur forme présente, précisément à