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MYSTÈRE, INTELLIGENCE


naturelle ; plus difficilement aussi l’efficacité de certains sacrements, comme le baptême, parce que très lointaine est l’analogie entre les effets physiques produits par l’eau qui lave et ce sacrement qui purifie l’âme ; plus difficilement encore l’incarnation du Verbe, parce qu’il y a plus de différences que de ressemblances entre ce mystère et les points de comparaison fournis par Pi idre naturel ; on notera cependant sur ce sujet la comparaison de l’union de l’âme et du corps, formulée dans le symbole de saint Athanase, "voir Hypostatk.u i (Union), t. vii, col. 539, mais qui, au moment de luîtes monopbysites, s’est révélée déficiente et dangereuse ; plus difficilement enfin le mystère de la Trinité, car très faibles et très obscures sont les ressemblances entre les personnes finies, qui toutes existent en soi et séparément des autres personnes, et les peronnes divines qui n’ont qu’une seule substance et une seule subsistence commune.

Plus les théologiens fouilleront ces analogies, plus même ils découvriront d’analogies nouvelles, et plus la notion des mystères deviendra accessible à la raison. Mais à ce travail, le concile du Vatican fixe une règle : on doit rechercher les analogies naturelles des mystères surnaturels, sedulo, pie et sobrie. Cette règle nous invite à ne chercher les analogies qu’avec précaution, nous référant surtout aux analogies fournies par la révélation et la tradition ; à ne voir que ce que comportent réellement ces analogies, sans rien exagérer, et à n’en point tirer des conclusions fausses relativement à la nature du mystère, qui, même éclairé par ces analogies, demeure mystère. « Les analogies tirées des créatures ne sauraient servira l’intelligence des mystères qu’autant qu’elles nous ont été indiquées au moins équivalemment par la révélation. La révélation est ici le seul guide qu’il soit permis de suivre sans témérité. Les analogies qu’elle indique ne sauraient même être développées que dans les limites tracées par elle. Ces limites pourront ordinairement se déterminer en comparant entre elles les diverses analogies révélées. C’est ainsi que les images où l’Église est comparée à un filet renfermant des poissons bons ou mauvais, celles où elle est appelée l’épouse sans tache achetée par le sang du Sauveur, et celles où elle est présentée comme l’édifice indestructible bâti sur les apôtres et sur saint Pierre, devront être rapprochées les unes des autres, pour éviter l’erreur qui n’admet que des justes dans son sein, ou celle qui laisse son organisation au libre choix des fidèles. C’est ainsi encore que la comparaison des textes qui présentent la seconde personne de la Trinité comme le Fils du Père, son Verbe, celui qui procède de lui, celui qui n’est qu’une chose avec lui, aidera à bien saisir en quoi consiste sa génération éternelle. Comme la tradition de l’Église garde fidèlement les vérités révélées, on devra aussi tenir compte des analogies proposées par les Pères, les conciles et les papes. Il faudra surtout éviter de développer aucune analogie dans un sens contraire à l’enseignement commun. Mais, lorsqu’on suit fidèlement cet enseignement, on peut chercher dans la nature de nouvelles analogies qui présentent d’une façon plus heureuse certains aspects des mystères sur lesquels l’attention est appelée par les attaques des hérésies ou le développement du dogme. C’est ainsi que le concile de Nicée a nommé le Verbe « lumière de lumière », pour exprimer qu’il possède toute la substance du Père. C’est ainsi qu’on a appliqué au souverain pontife, vicaire visible de Jésus-Christ, le titre de « tête » ou « chef » de l’Église, donné par saint Paul au Sauveur lui-même. » Vacant, op. cit., n. 771. C’est en procédant de la sorte que saint Augustin et saint Thomas, pour ne nommer qu’eux, ont éclairé le dogme et mieux approfondi les mystères en leur appliquant, d’une manière analogique, ce que

les philosophies rationnelles enseignent dans l’ordre naturel.

2. Des analogies qui résultent des connexions que les mystères ont entre eux et avec la fin dernière de l’homme.

— L’enchaînement des mystères existe dans la science infinie de Dieu où tout se coordonne dans une merveilleuse unité. Il est donc nécessaire que cet enchaînement se manifeste dans la révélation même que Dieu a faite des mystères et des autres dogmes révélés. Bien plus, l’enchaînement que ne manifeste pas, ou que ne manifeste pas suffisamment, la révélation pourra être mis en lumière par le travail de la théologie, qui fera ainsi pénétrer plus avant l’esprit humain dans l’intelligence des vérités révélées ou des vérités qui leur sont connexes. Enfin, dans le but de rendre l’enchaînement des mystères plus accessible à l’esprit humain, en général peu disposé pour les spéculations arides, Dieu, dans la révélation, a revêtu les mystères d’une forme plus concrète, les mêlant à des récits historiques et à des enseignements moraux qui accentuent encore l’analogie de leur enchaînement réciproque avec celui des lois de l’ordre naturel. Ainsi se présentent, reliés les uns aux autres : « la mort et l’enfer, comme la suite du péché ; la rédemption par Jésus-Christ, comme sa réparation ; le pardon de Dieu, la vie surnaturelle de la grâce, la résurrection de la chair et la vie éternelle, comme les effets de la rédemption ; le baptême, la foi, la charité, comme les moyens d’arriver à la vie et au salut : le Sauveur, comme le Verbe éternel qui s’est fait chair, comme le fils du Père qui est une même chose avec lui, qui, en raison de sa dignité infinie, a été exaucé dans sa prière pour nous, et a réparé le péché en subissant à notre place la mort à laquelle nous étions condamnés. » Vacant, op. cit., n. 773.

C’est la théologie, avons-nous dit, qui, parla recherche de leur ordre et de leur enchaînement, conduit l’esprit humain à une plus parfaite intelligence des mystères. Cette œuvre importante « est accomplie progressivement par trois facteurs, qui marchent de pair et se soutiennent constamment : le premier est une classification des données surnaturelles en familles, en genres et en espèces ; le second est la détermination des principes surnaturels qui s’appliquent à chaque espèce ; le troisième est la déduction des conséquences qui découlent de ces principes ». Vacant, op. cit., n. 776. En d’autres termes, la théologie distingue entre eux et classe les mystères ; elle en établit avec précision les caractères surnaturels ; elle en déduit avec certitude d’autres vérités inaccessibles à la raison, jusques et y compris les conclusions théologiques.

Sans doute, dans la science divine, l’enchaînement des mystères a pour point de départ le mystère des mystères, la Trinité divine ; et, dans la vision intuitive, tous les mystères nous apparaîtront comme essentiellement dépendants de ce mystère suprême. Tout, en elïet, procède de Dieu pour retourner à Dieu. Le Père se manifeste d’abord dans la création et dans l’élévation- à l’ordre surnaturel qui fait de nous ses enfants adoptifs ; ensuite le Fils se manifeste dans l’incarnation, la rédemption, l’Église, les sacrements et surtout l’eucharistie ; enfin se manifeste l’Esprit-Saint dans la sanctification progressive des âmes, se poursuivant jusqu’à la vie d’union à Dieu dans la ïsi<m bienheureuse. Cf. Garrigou-Lagrange, De revelatioiw, Paris, 1918, t. i, p. 183.

Mais, en considérant les choses par rapport à nous, les mystères nous apparaissent surtout en connexion avec notre fin dernière, et ce point de vue fournit les analogies les plus nombreuses, les plus frappantes et les plus justes avec l’ordre naturel, pour expliquer le sens des mystères. « Toute la révélation a pour but de nous faire atteindre la fin surnaturelle à laquelle Dieu a bien voulu nous appeler… Dieu… a révélé