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messianisme, l’époque des rois : david


et Causse, p. 161, préfèrent expliquer cette promesse d’un règne mondial adressée à un roi le jour de son intronisation de la façon suivante : L’auteur aurait voulu exprimer l’espérance qu’en lui se réaliserait l’antique prophétie messianique d’un prince israélite devant gouverner tous les peuples. Mais cette interprétation est une pure hypothèse. Un seul prince historique a reçu des épithètes messianiques, savoir Zorobabel, qu’Aggée et Zacharie ont salué comme le Messie, et le fait s’explique par les promesses extraordinaires que les prophéties de la seconde partie d’Isaïe contenaient pour les exilés rentrant dans leur patrie. En dehors de ce cas, bien que les prophètes aient souvent présenté l’ère messianique comme très proche, aucun d’eux n’a eu l’idée qu’un roi contemporain serait le Messie. Pour cette raison il est invraisemblable au plus haut degré qu’un poète ait eu l’audace de glorifier le roi régnant comme le Sauveur par excellence. L’hypothèse qu’il s’agit d’un roi historique exclut celle d’une apothéose messianique.

Longtemps avant cette théorie moderne qui entreprend de réunir l’explication historique et messianique, on a fait la même tentative au moyen de l’interprétation typique. Saint Thomas, de Muis, Jansénius de Gand, dom Calmet, Bossuet ont pensé que quelques parties du psaume se rapportaient à David et quelques autres au Messie. David l’aurait composé lors de la conspiration des peuples voisins, et il aurait chanté outre ses propres combats ceux du Messie dont il était le type. Le P. Lagrange, Notes sur le messianisme dans les Psaumes, Revue biblique, 1905, p. 41, dit très justement de cette conception : « Situation intermédiaire ingénieuse, mais difficile à soutenir et qui suppose chez l’auteur un invraisemblable état d’esprit. »

Il ne reste donc que l’interprétation uniquement messianique, donnée par la plupart des exégètes catholiques et aussi par Bæthgen, Stærk, Kautzsch : le psalmiste se transporte en esprit à l’époque où le roi Messie — le terme masiah est ici pour la première fois appliqué à ce prince idéal — aura déjà établi son gouvernement. Les peuples osent malgré cela se soulever encore contre lui et contre Jahvé dont il est le représentant. Le Messie leur affirme qu’il est le chef suprême du monde, et qu’il aie droit et le pouvoir de rétablir l’ordre avec une rigueur extrême et une puissance irrésistible.

Avec raison le P. Lagrange, p. 43, a nommé ce psaume le psaume messianique par excellence. Mais ce caractère messianique porterait « à l’attribuer à une époque assez basse, en tout cas après le soulèvement des Machabées ». En quoi il suit l’exemple de bien des critiques, surtout de Duhm, qui, pour n’avoir pas admis de psaumes préexiliens, ont cru devoir supposer que les psaumes qui s’adressent à des rois avaient été composés en l’honneur des princes asmonéens. A l’exception de Bæthgen et de Bertholet, les commentateurs récents, notamment Kittel, Sellin, Gunkel, Causse, Kônig, se sont opposés avec énergie à cette conception et réclament pour tout le groupe des psaumes royaux une origine préexilienne.

Sellin n’a pas hésité à revendiquer, Heilandserwartung, 1909, p. 15, moins catégoriquement, Einleitung, 1925, p. 131, notre psaume pour le temps royal le plus reculé ; il l’a fait en raison de l’esprit qui l’anime et qui est le même que celui de la prophétie de Balaam. Comme le roi qui est décrit dans l’oracle du voyant païen, le Messie en effet a encore un caractère quelque peu despotique : les peuples païens sont présentés comme quantité négligeable ; il peut les briser comme une simple poterie. Quelle différence entre ce portrait du Messie et celui qui est donné par les prophètes, notamment par Isaïe, et d’après lequel le Messie est un prince de paix qui établit un règne de bonheur dans tout l’univers et même parmi les animaux. N’est-il pas plus logique de conclure pour le psaume n à une date de beaucoup antérieure à Isaïe, que de le placer avec Kittel, Die Psalmen übersetzt und erklärt, 1922, p. 9, un ou deux siècles après ce grand prophète ?

Il y a encore une seconde différence assez considérable entre les idées sur le Messie qui se rencontrent dans le psaume n d’une part et chez les prophètes de l’autre. D’après ces derniers, le Sauveur une fois apparu et établi dans son pouvoir ne trouve plus de résistance, tandis que, d’après notre psaume, un soulèvement général a lieu encore après son intronisation.

De toutes ces différences il suit que le psaume ii ne doit pas être tenu seulement pour préexilien, mais pour antérieur à l’époque prophétique. Dès lors, quoi de plus naturel que de l’attribuer non pas à un poète inconnu, mais à David lui-même ? Il n’est pas juste de dire avec Sellin, Einleitung, p. 132, que les psaumes qui s’adressent à un roi ne peuvent pas provenir de David. Si dans l’oracle de Jacob, qui date d’après Sellin du temps de ce roi, on voit apparaître la figure du Messie, pourquoi n’aurait-elle pas pu être saisie et glorifiée par le pieux et poétique David ? Il n’y a, en effet, aucun argument sérieux qu’on puisse alléguer contre l’origine davidique du psaume messianique par excellence.

C’est donc à David qu’on peut faire remonter la première description un peu détaillée du Messie et de son règne. Pour lui le Messie est surtout un prince fort et redoutable à ses ennemis.

La même conception se rencontre dans le psaume cix (Vulg.). Comme dans le ps. ii, il s’agit d’un roi. Jahvé l’invite à s’asseoir à sa droite, c’est-à-dire à prendre part à son gouvernement dans le but de soumettre les ennemis. Conformément à cette invitation, le roi étend son sceptre de Sion.lieu de sa résidence, et domine au milieu de ses adversaires. Au jour du combat il est entouré des héros de son peuple, écrase les princes et fait un grand carnage parmi les nations. Par tous ces traits le portrait du roi correspond tout à fait à celui qui se trouve dans le psaume précédent.

D’après le ps. cix, cependant, le roi n’est pas seulement un chef politique et guerrier, mais aussi un prêtre. De même que Jahvé l’a intronisé comme potentat par un oracle solennel, ainsi il l’a créé prêtre par un serment : « Tu es prêtre pour toujours à la manière de Melchisédec. » Il réunit donc comme Melchisédec les deux dignités, royale et sacerdotale.

A plus d’un point de vue le psaume est mystérieux et énigmatique, surtout parce que plusieurs versets en sont très mal conservés, notamment la seconde partie du ?. 3, qui se lit dans la Vulgate : In splendoribus sanctorum ex utero ante luciferum genui te ; en hébreu : « Sur les montagnes saintes (ou en pompes sacrées) du sein de l’aurore [sort] pour toi la rosée de ta jeunesse. » Si on compare les différents mss. hébreux et les anciennes versions, on constate pour ce passage plus d’une douzaine de leçons différentes et, si on compte les conjectures par lesquelles les exégètes modernes ont essayé d’en reconstituer la leçon la plus probable, on en trouve quelques douzaines. Mieux vaut donc faire abstraction de ce verset, bien qu’il soit assez sûr que la fin genui te est exacte et qu’elle représente l’écho de ps. ii, 7 : ego hodie genui te.

Dans la détermination du roi en question, les quatre opinions qui ont été émises au sujet du psaume précédent se rencontrent encore pour celui-ci, et sont représentées par les mêmes auteurs. Zenner cependant est moins radical et admet ici l’explication typique.

Les mêmes raisons qui excluent l’application du