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MURATORI


cices causa par la suite une assez vive alerte ; Délia carilà crisliana in quarito cssa è amore del prossimo, in-4°, Modène, 1723 ; plusieurs éditions à Venise ; traduction française, Paris, 1745, très caractéristique des idées de l’auteur sur la « bienfaisance ».

2. A la théologie dogmatique se rattache d’abord la publication de deux ouvrages relatifs aux questions de la grâce, l’un de Celso Cerri, abbé des chanoines réguliers du Sauveur, qui voulait garder l’incognito, l’autre du sorbonniste François Diroys († 1690) ; Muratori les fit paraître sous ce titre : Elucidalio augwlinianæ de divina gratia doetrinæ, Cologne, 1705, avec des Proie gomena in elucidalionem Lescii Crondermi (=^ Cerri) de divina gratia ; il s’y montre augustinien, mais hostile au jansénisme. — Le De paradit o regnique cœleslis gloria non exspeclata corporum resurreetione, in-4°, Vérone, 1738, est, comme le soustitre l’indique, une réfutation du livre posthume de Thomas Burnet (1635-1715) intitulé De statu morluorum et resurgentium, publié en 1722. Esprit très libéré des attaches confessionnelles, Burnet avait fait la critique des doctrines théologiques courantes sur les fins dernières, en leur opposant l’incertitude des anciens Pères sur beaucoup de points qui nous paraissent fixés, et l’imprécision de l’enseignement de l’Église orthodoxe. Muratori s’efforce de lui répondre en discutant les objections scripturaires, patristiques, historiques alléguées par l’Anglais, peut-être, avec une légère tendance à ramener les opinions aberrantes des Pères aux alignements de la théologie moderne. Il ajoute en appendice le traité de saint Cyprien De mortalilate.

De même inspiration, bien qu’il ait été l’objet d’invraisemblables querelles, est le traité De ingeniorum moderatione in religionis negotio, paru d’abord sous le pseudonyme très transparent (et déjà employé pour des œuvres littéraires) de Lamindus Prilanius, in-4°, Paris, 1714 ; Cologne, 1715 ; in-8°, Francfort, 1716 ; nombreuses éditions subséquentes (nous avons utilisé celle de Venise, 1741). Cet ouvrage que l’on pourrait appeler le « manuel de la critique théologique », comme l’indique d’ailleurs son sous-titre : ubi quæ jura, quæ frena julura sint homini christiano in inquirenda et tradenda verifale ostenditur, mériterait plus qu’une simple mention. Rédigé pour répondre au théologien réformé Jean Le Clerc, plus ou moins touché d’arminianisme et même de socinianisme, il a le mérite d’élever et d’élargir le débat. C’est en définitive une réplique de la Défense de la Tradition et des saints Pères, dirigée par Bossuet contre Richard Simon, mais avec cette différence que les attaques de l’oratorien français étaient moins dangereuses que celles du calviniste, et que surtout le défenseur de la tradition catholique connaissait d’une autre manière que l’évêque de Meaux les pièces du procès.

En 1703, Le Clerc avait fait paraître avec l’indication d’Anvers (en réalité à Amsterdam) un Appendix augmtiniana, compleclens S. Prosperi de ingralis carmen, rum Joannis Phereponi (c’était lui-même) et aliorum notis, disserlationibus, censuris et animadversionibus, in omnia S. Augustini opéra. Saint Augustin y était fort malmené ; ses doctrines sur la prédestination, la grâce, son enseignement sur le mensonge, etc., impitoyablement critiqués. Toutes ces questions augustiniennes sont traitées abondamment par Muratori dans le 1. III ; mais les deux premiers livres débordent de beaucoup ce point de vue polémique. C’est l’exposé des devoirs et des droits du catholique (ou même simplement du croyant) devant les problèmes que ne cessent de poser les découvertes historiques et philologiques. Sans doute, dit l’auteur, il faut rejeter le libre examen tel que l’entendent les protestants ; le croyant n’a pas le droit de

mettre en doute les bases mêmes de sa foi, mais dans l’étude des arguments qui sont apportés pour la démonstration des vérités chrétiennes, il a le droit de se montrer exigeant et de ne les accepter qu’à bon escient. Les jugements officiels de l’Église eux-mêmes, quand ils ne regardent que la discipline, n’enchaînent pas sa liberté : tout ce qui s’enseigne couramment dans les écoles, tout ce qu’on lit dans les livres liturgiques, en matière d’histoire, de traditions, de vies de saints, peut et doit être critiqué, c’est-à-dire examiné avec justice et impartialité. Pour ce qui est des questions d’ordre strictement scientifique, le théologien n’y touchera qu’avec une extrême réserve, évitant de lier avec la foi des questions (Muratori songe au système de Copernic et à l’affaire Galilée) qui en sont indépendantes. Quis non videat periculosissimum esse atque a religionis Ecclesissque institulione alienum esse velle id (la stabilité de la terre) nunc pertinere ad fidem, quod cras perlinere non possit ? Fides atque slabilitas credendarum in Ecclesia Christi absit ut ab humanis experimentis pejideat, t. I, c. xxii, p. 107. Et des théories philosophiques elles-mêmes, il ne faut pas s’empresser de déclarer qu’elles ont avec la foi une connexion nécessaire. Est-on bien sûr que les théories de Descartes sur la nature des corps sont contraires aux dogmes de la foi ? L’Église a-t-elle jamais canonisé la doctrine aristotélicienne ? — Le premier devoir du théologien est donc de circonscire très exactement le champ des vérités révélées et des enseignements dogmatiques. Et la théologie scolastique, la spéculation dialectique ne saurait suffire à cette tâche : l’érudition y est indispensable : Dogmalica heic opus est imprimis, et non mediocri controuersiarum quas cum hæreticis habemus peritia ; ita enim sinceris hominibus melius innotescil qui sint fines tum verse doetrinæ, lum disciplinée melioris. A cela contribuera la connaissance des conciles, des décrétales, de la patristique ; et donc les érudits ont droit de se faire entendre en un certain nombre de questions théologiques.

A coup sûr, bien des idées exprimées ici par Muratori ne sont pas nouvelles ; mais l’accumulation de ces vues intéressantes, de ces remarques parfois si fines, de ces très légitimes revendications fait de cet ouvrage un livre extrêmement remarquable, et auquel il semble difficile de rien comparer à l’époque. Il a d’ailleurs, sur le moment, excité quelques colères. Incapables de rien découvrir dans l’argumentation générale qui pût justifier la critique, les adversaire se sont rabattus sur un obiter dictum, autour duquel ils ont mené grand bruit. Leurs attaques amenèrent Muratori à préciser encore et à accentuer sa position.

A deux reprises le De ingeniorum moderatione avait touché, tout à fait en passant, à la doctrine de l’immaculée conception de Marie. Au t. II, c. xvii, il demandait : l’Église pourrait-elle proclamer cette doctrine comme un dogme ? et, très correctement, il répondait : Taie jus ipsi esse absque hœsitatione alJirmandum est, si aut per légitimant urgumenlationem ta Virginis pricrogativae divinis Scripturis, aut ex probalissima et conslanti et antiqua Traditione Patrum comprobari potest ; mais il rejetait d’avance toute l’argumentation que l’on pourrait tirer des révélations privées, des apocryphes ou même de la simple considération de convenance, ex congruitale. Un peu plus loin, au t. II, c. vi, au milieu de divers conseils de prudence donnés aux théologiens et aux i censeurs ecclésiastiques « en particulier, il avait un mol assez dur sur la pratique de dévotion qui commençait pour lors à se répandre en Italie et que l’on dénommait le vœu sanguinaire. An laudandum votiim sanguiiiis profundendi pro tuenda immaculata cvnceptione Virginis ? Non répondait-il, car cette doctrine n’est encore (faute d’une définition de l’Église) qu’une opinion humaine, et on n’a pas le