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MORALITE DE LACTE HUMAIN

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blasphemamur, et sicut aiunt quidam nos dicere) laciamus ma la, ut veniant bona ; quorum damnât io justa est, Rom., iii, 8, avec saint Augustin : Interest quidem plurimum qua causa, quo fine, qua intentione quid fiai ; scd ea quæ constat esse peccata, nullo bonæ causæ obtentu, nullo quasi bono fine, nulla velut bona intentione facienda sunt, Contr. mend., vii, 18, P. L., t. xl, col. 528, et avec saint Thomas : Mullum malum bona intentione factum excusatur. Opusc, ni, c. VI. Quelques anciens cependant ont pensé que le mensonge officieux pouvait être licite en cas de nécessité. Cassien, Coll., xvii, 17-19, P. L., t. xlix, col. 1062-1070. (’/était d’ailleurs la seule application qu’ils donnaient de ce principe, et encore le faisaient-ils pour expliquer certains cas difficiles de l’Ancien Testament dont ils n’avaient pas la véritable solution. Sur le reproche fait aux jésuites d’avoir appliqué ce principe, cf. P. Bernard, La fin justifie les moyens, dans les Éludes, 5 août 1904, p. 357-365, et G. Goyau, dans le Diction, apolog., t. ii, col. 9-17. Cette accusation a été utilisée par les protestants. Or il est curieux de voir le plus récent apologiste de Luther le montrer comme un homme « professant que la fin justifie les moyens, dans certains cas privilégiés ». L. Febvre, Un destin, Martin Luther. Éditions Rieder, Paris, 1928, p. 281.

3, > Intention requise pour la moralité d’un acte qui est bon de sa nature. — Pour qu’un tel acte soit moralement bon, il faut 1. que nous nous proposions une lin moralement bonne, au moins implicitement, et non pas simplement utile ou agréable ; 2. que nous agissions implicitement pour Dieu.

1. L’utilité et le plaisir ne sont pas en eux-mêmes des fins suffisantes pour que l’acte soit moralement bon. Accomplir un acte à cause de son utilité, c’est considérer cette utilité ou bien comme une fin à laquelle la volonté s’arrête et dans laquelle elle se c /triplait, ou tin comme un moyen à l’aide duquel on pourra poursuivre un autre but. Dans le premier cas, par exemple, chanter pour gagner de l’argent, on fait du gain le mobile unique de l’acte. Mais vouloir le gain pour lui-même n’est pas conforme à la droite raison qui le considère comme un instrument à l’aide duquel on pourra atteindre une autre fin : il y a désordre à s’arrêter à mi-chemin, à transformer en fin ultime ce qui ne peut être qu’une fin intermédiaire, l’acte ne peut être bon. Dans le second cas l’ordre de la raison est respecté. La volonté ne s’arrête pas de façon définitive à l’objet considéré comme utile, elle le recherche en vue d’un autre but, et c’est ce dernier qui donnera à l’acte sa moralité. Il en est de même du plaisir ; il doit être regardé ainsi que l’utile comme une lin intermédiaire et ne saurait constituer la fin exclusive et ultime de nos actes. Il a été attaché par le Créateur à certains de nos actes, p. ex., à ceux de boire, de manger, d’engendrer, etc., dans le but de pourvoir plus efficacement à la conservation de l’individu et à la propagition de l’espèce. Dans l’ordre divin, le plaisir n’est donc qu’un moyen destiné à faciliter l’obtention de buts plus élevés. Le rechercher pour lui-même, sans aucune relation avec la fin pour laquelle il a été créé, c’est aller contre l’ordre établi par Dieu. Delectatio est propter operationcm, et none converso. S. Thomas, (’.ont. Cent., III, 26. Innocent XI a condamné le 2 mars 1679, les deux propositions suivantes : Licet comedere et biberc usque ad satietatem absque necessitate ob solam voluptatem, modo non obsil valetudini, quia licite potest appetitus naturalis suis actions frai. — Opiu conjugii ob solam voluptatem exercitum omni penitus culpa caret et dc/ectu veniali. Denz.-Ban., n. 1 158-1159.

Est-ce à dire que, pour qu’un tel acte soit moralement bon, il faille toujours se proposer explicitement une fin conforme à la raison, celle que l’on désigne

sous le nom de bonum honestum, par opposition au bonum utile et au bonum delectabile ? Il est évident qu’il n’en est pas ainsi. Combien peu de nos actes, en effet, auraient leur bonté morale si nous devions toujours rechercher explicitement ce bonum honestum, si, avant de manger ou de boire, nous devions diriger notre intention vers la conservation ou l’amélioration de notre santé. Il suffit que cette intention ne soit pas exclue, et que la façon dont nous accomplissons ces actes soit un indice que nous agissons conformément à la raison. C’est ainsi que la modération peut généralement s’interpréter comme une preuve que l’on ne recherche pas seulement le plaisir, mais sa fin même. On peut donc rechercher le plaisir, à condition de le faire modérément, raisonnablement, et de ne pas exclure la fin même pour laquelle il a été attaché à certains actes. C’est la doctrine commune, ainsi exprimée par saint Alphonse : Quamvis aliquis accedens ad mensam non cogitet de conservatione vitse, sed solum de cibi delectatione, non propterea peccat, quia lalem dclectationem, saltem virtualiter vult propter conservationem vitse ; sicque non inordinale illam appétit. Theol. mor., t. V, Tr. prseamb., n. 44. Cependant dans ce texte de saint Alphonse, implicite sera iiplus exact que virtualiter. Virtualiter se rapporte en effet à une intention formulée explicitement et qui n’a pas été rétractée, tandis qu’implicite désigne une intention contenue dans une autre ou dans la façon d’agir, ici, dans la modération qui rend notre acte parfaitement raisonnable.

2. L’homme doit diriger ses actes vers Dieu, sa fin dernière. Est-il donc nécessaire que dans chacune de ses actions, il se propose d’agir explicitement pour Dieu, seule intention qui puisse rendre bonne la velouté ? Baïus, les jansénistes et certains docteurs de Louvain l’ont pensé : puisque la nature humaine est profondément corrompue par le péché originel, tout ce que l’homme fait conformément à cette nature v ciée est nécessairement péché, et ne peuvent être bonnes que les actions faites explicitement pour Dieu, accomplies sous l’influence de la charité. La conséquence était que toutes les actions des infidèles et des impies, n’étant pas informées par la charité, étaient des péchés. Saint Pie V a rejeté cette conclusion et, avec elle, la théorie d’où elle découle, en condamnant cette proposition de Baïus : Omnia opéra infidelium sunt peccata et philosophorum virtutes sunt vitia. Denz.-Ban., n. 1025.

Cette doctrine était trop sévère, imposant un joug insupportable. Celle de saint Alphonse, exigeant que nous rapportions virtuellement tous nos actes à Dieu, pèche également par exagération : Homo tenetur omnes actus suos ad Dciim referre, quando agit cum deliberatione et propter aliquem finem. Inquit enim Apostolus (I Cor., x, 31) : Sive manducalis, sive bibitis, sive atiud quid facitis, omnia in gloriam Dei facile. Si ergo ad Dcum refert saltem per intentionem virtualem, actus erit bonus ; si non refert, eril malus : nnlliis igitur indifférais. .. Ilinc pro praxi colligimus : oportet sapius in die saltem mane, generalitcr offerre Dco omnes actus suos ut sic adimpleatur preeceptum Apostoli, saltem intentione virtuali omnia fariendi in gloriam Dei. Theol. mor., t. V, n. 44. A moins que l’on ne donne au terme virtualiter une signification différente de celle qu’il comporte généralement, ce que ne laisse pas supposer le contexte, la conséquence de la doctrine liguorienne semble bien devoir être la même que celle de la théorie janséniste, exigeant une relation actuelle : les actions des païens, des Impies, qui n’ont jamais songé à rapporter leurs actions à Dieu, ne seraient jamais moralement bonnes, mais toujours des péchés, par défaut d’intention virtuelle.

Aussi les moralistes n’ont ils pas suivi saint Al-