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MORALITE DE L’ACTE HUMAIN

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    1. MORALITÉ DE L’ACTE HUMAIN##


MORALITÉ DE L’ACTE HUMAIN.—

Tout acte humain est un acte moral. Jist (ictus aliquis moralis per hoc quod est a ratione et voluntate ordinatus et imperaius. S. Thomas. De malo, q. vu. a. 6. La raison est donc pour l’homme la règle de la moralité, la raison non pas considérée indépendamment de Dieu, mais en tant qu’elle est une participation de la loi éternelle. Se prononçant sur la conformité ou la nonconformité de l’acte avec cette loi éternelle, définie ar saint Thomas ratio divinse sapientise secundum quod estdirectiva omnium actuum et motionum, I^-I I æ, q. xem, a. 1, et par saint Augustin, ratio divina vcl voluntas Dei ordinem naturalem conservari jubens, perlurbari vêtons, Contra Faustum, t. XXII, c. xxvii, P. L., t.xlii, col. 418, la raison humaine constitue ainsi la règle prochaine de la moralité.

On peut donc définir la moralité : la relation de l’acte humain avec la loi éternelle manifestée par la raison. C’est dans ce sens que saint Thomas donne la raison comme règle de la moralité : Bonum in quantum est secundrm rationem, malum, in quantum est præter rationem, diversificare speciem moris. I- 1 1 33, q. xviii, a. 5, ad lum. Toute autre définition, plaçant la règle de la moralité dans le plaisir ou le bonheur, dans la raison seule, ou encore dans la volonté libre de Dieu, est fausse ou incomplète, s’appuyant sur une conception inexacte du fondement de la moralité. Voir d’autres définitions dans Ballerini-Palmieri, Opus theologicum morale, Prato, 1889, t. i, De actibus humanis, § 50, n.l36sq.

Ainsi seront bons ou mauvais les actes qui seront en relation de conformité ou de non-conformité avec la loi éternelle manifestée par la raison. On comprend facilement l’existence de ces deux espèces de moralité, bonne ou mauvaise, d’actes nécessairement bons, comme aimer Dieu, ou d’actes nécessairement mauvais, comme blasphémer. Y a-t-il une troisième espèce de moralité, comprenant des actes indifférents, n’ayant aucun caractère de bonté ou de malice morale ? Certains auteurs affirment qu’il n’y a pas dans cette indifférence morale une troisième espèce de moralité, mais une négation de la moralité. Cf. Tanquerey, Theol. mor. fund :, 7e édit., Tournai, 1922, De act. hum., n. 137 ; Bouquillon, Theol. mor. fund., 3° éd., Bruges, 1903, De act. in finem, n. 348. Mais la plupart des moralistes voient dans ces actes indifférents une véritable espèce, quoique incomplète, de moralité. Il existe en effet de ces actes qui, si l’on considère leur objet en lui-même, ne sont ni bons, ni mauvais, comme se promener, lire, écrire, etc. ; mais, considérés in individuo, ces mêmes actes ne sont plus indifférents, ils reçoivent, soit des circonstances, soit de la fin, une moralité spéciale, bonne ou mauvaise. On peut donc dire qu’ils constituent une espèce incomplète de moralité. Cf. Prûmmer, Manuale theol. mor., 5e éd., Fribourg, 192.H. n. 109.

Pour qu’un acte humain soit moralement bon, il faut que tous les éléments qui le constituent conviennent à la nature raisonnable ; pour qu’il soit mauvais, il suffit que l’un d’entre eux lui soit contraire. Il importe donc d’étudier chacun de ces éléments qui concourent à la production de l’acte moral. Ces élé.nents qu’on appelle encore principes ou sources de la moralité, sont l’objet, les circonstances et, parmi ces dernières, la fin qui, a cause de son importance particulière, mérite une étude spéciale. Après avoir examiné chacun de ces éléments, nous traiterons de la moralité particulière de l’acte externe et des actes indifférents in individuo. Pour les autres questions qui pourraient se rapporter de plus ou moins près à la moralité, connue le volontaire indirect, voir les articles spéciaux. - - I. Moralité dérivée de l’objet. II. Moralité dérivée des circonstances (col 2461). III. Moralité

dérivée de la fin (col. 2163). IV. Moralité particulière de l’acte externe (col. 2469). V. Des actes indifférents (col. 2470).

I. Moralité dérivée du l’ob.iet. - - Tout acte humain tend de lui-même et par sa nature à un but déterminé : c’est l’objet, appelé encore finis operis ou finis intrinsecus. Cet objet est atteint par la volonté avant les circonstances et avant la finis operantis, fin subjective.

Au point de vue mcral, ce qui constitue l’objet de l’acte humain, c’est cette fin de l’œuvre, mise en relation avec la règle de la moralité et dépouillée de toutes les circonstances qui pourraient en modifier le caractère moral. Ainsi, dans le vol d’une somme d’argent, l’objet sera non la somme considérée en elle-même, mais l’appropriation de l’argent contre la volonté du possesseur. La quantité, le but poursuivi par le voleur, sont des circonstances. Ainsi considéré en lui-même, l’objet moral sera bon, s’il est conforme à la raison, à la loi éternelle, comme aimer Dieu ; il sera mauvais, s’il est contraire à ces règles, comme voler ; il sera indifférent, s’il n’est ni approuvé ni rejeté par elles, abstraction faite de toute circonstance qui pourrait donner à cet acte une moralité spéciale, comme se promener à la ville ou à la campagne.

Il faut remarquer cependant que cet objet moral peut être considéré à un double point de vue, matériel et formel, suivant la connaissance que l’agent n’a pas ou a de la relation de son acte avec les règles morales. Ainsi l’acte sera matériellement bon ou mauvais, si l’on ne considère que sa relation avec la règle éloignée de la moralité, avec la loi éternelle ou avec les autres lois justes qui en découlent ; il sera formellement bon ou mauvais lorsque ce rapport sera perçu par la raison : celui qui commet un acte de fornication dont il connaît la malice accomplit un acte matériellement et formellement mauvais ; si, au contraire, il ignore invinciblement cette malice, son acte n’est que matériellement mauvais, non formellement. D’où la distinction que font les théologiens entre péchés matériels et péchés formels, les premiers opposés à la règle éloignée de la moralité, ignorée de celui qui agit, les seconds opposés à la règle prochaine. Cf. Ami du clergé, t. xxi, 1899, p. 1105-1109.

L’objet moral donne à l’acte humain sa moralité I remière et essentielle. — Que l’acte humain reçoive de l’objet une certaine moralité, c’est évident. Il est en effet des actions qui, par elles-mêmes, de leur nature et par leurs propriétés essentielles, conviennent ou ne conviennent pas à l’ordre établi par Dieu et à la lin dernière de l’homme, ou sont sans relation avec cet ordre et avec cette fin. Il y aura donc, si l’on considère exclusivement l’objet de l’acte humain, trois catégories d’actes : bons, mauvais et indifférents. Parmi les actes bons ou mauvais, les uns sont tels de leur nature : par eux-mêmes, ils sont en relation de conformité ou de non conformité avec la raison (moralité intrinsèque) ; d’autres sont tels en vertu d’une loi positive (moralité extrinsèque). Les premiers sont im posés ou interdits, parce qu’ils sont bons ou mauvais ; les seconds sont bons ou mauvais, parce que prescrits ou défendus. Enfin parmi les actes mauvais, les uns le sont absolument : ils sont tellement opposés à l’ordre divin que Dieu même ne peut les permettre, tels la haine de Dieu et le parjure ; les autres le sont conditionnellement, en vertu d’une condition qui demeure soumise au souverain domaine que Dieu exerce sur les créatures et qu’il peut toujours faire disparaître, au moins momentanément, en sorte que, si la condition est enlevée, l’acte devient licite, p. ex., prendre le bien d’au t ru i. mettre un homme à mort. Cf. Ballerini-Palmieri, op. cit.. De act. hum., § 53.

Cette moralité dérivée de l’objet est dire première,