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    1. MORALE##


MORALE, REPONSE A DIVERSES OBJECTIONS

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la meilleure sauvegarde contre toutes les menaces des faux systèmes que l’on veut appliquer au gouvernement des sociétés actuelles.

Quant aux travaux déjà accomplis pendant cette période on trouvera des indications aux articles spéciaux, ainsi qu’aux articles mentionnant les publications catholiques des divers pays de l’Europe ou des divers ordres religieux.

V. RÉPONSE A QUELQUES OBJECTIONS Le COIlCept

de la théologie morale, tel qu’il ressort tant de l’exposé théorique que de l’esquisse historique qui précèdent, se précisera encore par la réponse à quelques objections qui sont couramment faites. Elles sont tirées des abus contre lesquels la théologie morale ne s’est pas suffisamment défendue ; dirigées contre le caractère de science théologique qui lui est attribué, et contre le rôle qui lui est assigné de diriger les consciences au point de vue doctrinal, soit dans le domaine des questions sociales, soit quand il s’agit de tendre à la perfection chrétienne.

objection.

On reproche à la théologie morale

plusieurs abus contre lesquels elle ne s’est pas suffisamment défendue au cours de son histoire : des con troverses trop nombreuses et conduites d’une manière excessive, sans grande utilité pour la science théologique, particulièrement dans la question du probabilisme ; l’abus de la casuistique souvent traitée d’une manière peu scientifique et presque exclusive ; bien souvent aussi l’omission presque complète de plusieurs questions qui sont cependant de son ressort, notamment des questions appartenant à la morale sociale, ou des questions concernant la perfection chrétienne.

Réponse. — 1. Des abus même réels et dûment constatés, mais provenant de fautes individuelles, ne peuvent, par eux-mêmes, comme on l’a souvent fait observer, constituer une preuve valable. Autrement l’on devrait condamner les institutions les plus dignes de respect, même la sainte Église d’où les fautes des hommes ne sont point absentes, même les sacrements qui ne sont point à l’abri des profanations humaines.

2. En fait, quelle part de vérité y a-t-il dans les reproches indiqués ? En ce qui concerne la controverse sur le probabilisme, voir cet article, voir aussi les remarques déjà faites au sujet des abus reprochés à la casuistique, t. ii, col. 1864 sq., particulièrement pour le reproche de négligence fréquente et presque complète des questions de morale sociale.

Quant au reproche de négligence des questions doctrinales concernant la perfection chrétienne, le fait n’est guère discutable chez la plupart des théologiens casuistiques. Mais cela provient, le plus souvent, de leur but très spécial, qui est uniquement de déterminer l’existence ou l’inexistence d’une stricte obligation de conscience en face des divers préceptes qui s’imposent à la conscience humaine, en laissant à d’autres théologiens le soin d’indiquer et de recommander ce qui est souhaitable au point de vue de la perfection chrétienne. L’excellence ou la très grande utilité de cet enseignement doctrinal qui doit diriger l’ascétique ou la mystique, n’est aucunement niée ; mais cela ne rentre point dans le cadre très spécial que l’on s’est tracé. Toutefois il est bien certain que, si la plupart des théologiens, comme cela est arrivé en très grande partie depuis la seconde moitié du xviie siècle jusqu’à la fin du xixe, s’en tiennent presque rigidement à ce cadre spécial, il doit en résulter un très grand affaiblissement doctrinal relativement aux matières ascético-mystiques auxquelles, de fait, la direction doctrinale nécessaire n’est plus donnée que par quelques spécialistes de théologie mystique, qui se laissent eux-mêmes facilement absorber par les détails pratiques.

3. Après avoir constaté, par un sérieux examen des

faits, la part plus ou moins grande de vérité dans les reproches adressés, sur ces divers points, à un certain nombre de théologiens surtout casuistes, la seule conclusion vraiment pratique que l’on en doive tirer, c’est que chacun doit s’appliquer à réparer, aussi parfaitement que possible, les fautes commises, afin que la théologie morale reprenne sa pleine vitalité scientifique et rende ainsi tous les services que l’on est en droit d’en attendre.

2e objection. — La théologie morale peut difficilement être considérée comme une science. En dehors des vérités de foi ou d’enseignement catholique, elle ne contient guère que des opinions discutées entre théologiens, ou des applications pratiques qui ne peuvent, par elles-mêmes, constituer une science.

Réponse. — 1. Il n’est point exact de dire qu’il n’y a, en théologie morale, d’autre enseignement certain que celui de la révélation chrétienne, ou celui qui est positivement affirmé par l’Église. On peut facilement constater que, dans chaque traité de la théologie morale, il y a au moins plusieurs déductions théologiques qui, bien qu’elles ne soient l’objet d’aucun enseignement de l’Église, ont cependant une certitude morale suffisante, comme le montre pratiquement l’adhésion constante et commune des théologiens. ;

2. Quant à la multiplicité des opinions en théologie morale, est-elle en réalité plus grande que dans les autres sciences théologiques ? Il serait peut-être assez difficile de le démontrer effectivement, du moins pour ce qui concerne ce que l’on peut appeler la partie doctrinale spéculative.

Quant à l’application immédiatement pratique, on peut se rappeler la remarque de saint Thomas concernant les sciences qu’il appelle opératives, auxquelles la morale, quant à sa partie immédiatement pratique, doit être assimilée : Tanto aliqua scientia est eerlior quanto ad sui subjecti considerationem pauciora actu consideranda requiruntur ; unde scienliæ operativie sunt incertissimæ quia oportet quod considèrent mullas singularium operabilium circumstantios. In XII libros Metaphi/sicorum, t. I, lect. n. On sait d’ailleurs qu’en théologie morale, il y a, selon une pratique qui, depuis plusieurs siècles, peut être jugée commune, une raison toute spéciale d’exposer les opinions qui, après examen sérieux et avec le suffrage de théologiens autorisés dans l’Église, sont considérées comme possédant une solide probabilité comparative.

Nous n’avons point à examiner ici si en fait on n’a pas parfois excédé dans la reconnaissance et dans l’appréciation de ces opinions. Quand même il y aurait eu, sous ce rapport, quelque excès chez un certain nombre d’auteurs, ce que l’on examinera à l’art. Probabilisme, il reste toujours vrai qu’en morale ii y a, en principe, une raison spéciale de s’occuper des opinions qui peuvent être prudemment considérées comme ayant l’approbation de théologiens suffisamment autorisés dans l’Église.

3. Il n’y a aucune opposition ou incompatibilité entre la science théologique et les nombreuses applications pratiques qui se rencontrent en théologie morale. Comme on l’a indiqué à l’art. Casuistique, t. n. col. 1861 sq., ces applications doivent normalement être appuyées sur les piincipes théologiques, de manière à mériter, pour un cas concret, le nom de déductions scientifiques.

En fait ont-elles toujours été ainsi appuyées ? nous n’avons pas à l’examiner ici. Voir Casuistique, t. ii, col. 1865. Mais, dans la mesure où le fait serait rigoureusement prouvé, on n’en pourrait rien conclure contre le bon usage normal de la théologie morale, duquel seul nous prenons ici la défense

3e objection. — La théologie morale, considérée comme science snrnaturelle, ne peut relativement aux