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    1. MORALE##


MORALE, HISTOIRE SOMMAIRE, Ile PÉRIODE

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Cependant malgré sa très grande supériorité sur celle de Pierre Lombard et d’Alexandre de Halès, ce fut seulement à partir du xvi° siècle, après l’exemple donné par l’ordre de saint Dominique depuis la fin du xve siècle, voir Frères prêcheurs, t. vi, col. 906 sa., que la synthèse de saint Thomas fut généralement admise dans l’enseignement théologique.

Jusqu’à ces deux époques, on suivait habituellement, dans l’exposé des questions morales, sauf dans quelques ouvrages spéciaux, le cadre de Pierre Lombard ; le plus souvent d’une manière un peu lointaine, et en insistant beaucoup plus sur la spéculation dogmatique que sur les questions morales. En frit, on ne maintenait guère que le titre des distinctions du Maître, dans lesquelles on introduisait les questions surtout spéculatives qui paraissaient plus utiles. Ainsi l’on s’acheminait vers la rupture de ce qui n’était plus guère qu’un cadre factice.

Quant aux noms des principaux auteurs commentant la morale en même temps que la dogmatique, voir Frères prêcheurs, t. vi, col. 902 sq. ; Frères mineurs, col. 829 sq. ; et Dogmatique, t. iv, col. 1561 sq. Une mention très spéciale est due à la Somme théologique de saint Antonin de Florence, consacrée presque entièrement à la théologie morale, avec un plan différent de celui de saint Thomas et qui a déjà été analysé, voir t. i, col. 1451 sq.

2° Méthode, particulièrement chez saint Thomas et les théologiens de cette époque.

1. Chez saint Thomas, comme on l’a déjà noté, même dans les questions morales et en dehors de celles qui sont immédiatement pratiques, c’est la méthode scolastique qui domine, cependant avec quelque emploi de la méthode positive et de la méthode casuistique.

L’emploi de la méthode positive, c’est-à-dire des preuves positives empruntées à l’Écriture ou à l’autorité de l’Église ou à celle des Pères, bien que très restreint, se rencontre à peu près dans chaque article de la I M -Il ie ou de la II^-II 88, et, d’une manière plus étendue, dans plusieurs opuscules dont l’enseignement relève principalement de la théologie morale, comme ceux qui traitent de la défense des ordres religieux contre les attaques dont ils étaient alors l’objet.

La méthode casuistique indiquée par saint Thomas comme nécessaire dans les questions morales, d’après le prologue de la question vi de la Ia-IIæ, et celui de la II a -II as, est largement prédominante dans beaucoup de questions pratiques de la IIa-IIæ et de la IIP’pour les divers sacrements, aussi dans plusieurs questions des Quodlibcla. On y trouve habituellement toutes les qualités qui conviennent à la casuistique : distinctions nettement posées, principes toujours rappelés, et conclusions formulées dans la juste mesure autorisée par les distinctions posées et les principes rappelés.

2. Après suint Thomis, c’est encore la méthode scolastique qui domine, accompagnée cependant de positive et de casuistique, chez l ? plupart dos commentateurs des Sentences, dans la part généralement assez brève assignée par eux aux questions de théologie morale qu’avait traitées Pierre Lombaid, ou qu’ils introduisent eux-mêmes. Cependant quelques commentateurs comme Richard de Middletown († 1307) et Pierre de la Palu (+ 1342) ont un grand nombre de questions pratiques.

Kn dehors de ces ouvrages, la méthode positive a une place considérable dans les ouvrages de polémique dogmatique et morale, écrits contre les hérétiques qui attaquaient alors la doctrine de l’Église, comme les cathares, les vaudois, les albigeois, les wiclefites.

Parmi ces ouvrages, le principal est celui de Thomas Netter (| 1430), Doctrinale anliquitatum ftdei catholicæ, où se trouvent plusieurs questions de morale, notamment sur les sacrements.

Quant à la méthode pratique ou casuistique, elle domine dans les ouvrages de casuistique déjà mentionnés pour cette époque, voir t. ii, col. 1871 sq., ou dans les nombreux ouvrages traitant particulièrement des vertus, des préceptes du Décalogue ou des sacrements. Voir Bouquillon, Theologia moralis fundamenlalis, p. 101 sq. Les trois méthodes sont réunies dans la Summa Iheologica de saint Antonin, le seul ouvrage de cette époque qui traite à part, et dan-toute son étendue, la théologie morale. Voir t. î, col. 1451 sq.

3° Controverses sur plusieurs questions de théologie morale spéculative. — A cette époque, les controverses philosophico-dogmatiques absorbent à peu près toute l’attention. Bien rares et en même temps peu mportantes sont celles qui ont pour objet quelques questions de morale.

Le plus souvent ce sont des explications divergentes plutôt que des opinions réellement opposées. Nous en citerons quelques-unes.

1. Duns Scot affirme incidemment que le bien est le bien parce que Dieu le veut, In IIIum Sent., dist. XIX, q. unica, 7, Opéra omnia, Lyon, 1639, t. vii, p. 417 ; affirmation d’ordinaire reproduite, incidemment aussi, par ses commentateurs, p. 419 ; tandis que, selon la doctrine de saint Thomas communément suivie par les théologiens, la moralité provient premièrement et essentiellement de l’objet. Sum. Iheol., Ia-IIæ, q. xviii, a. 2, 8 ; q. xix, a. 4 sq.

2. Selon Duns Scot, les préceptes de la seconde table ne sont pas immuables ; et ils ne sont pas, comme ceux de la première table, incapables de recevoir une dispense de la part de Dieu. In IIIum Sent.. dist. XXVII, § Ad quæstionem, t. vii, p. 898 sq. ; voir Landry, Duns Scot, Paris, 1922, p. 255, 264 sq., 266 sq.

D’après saint Thomas, suivi par presque tous les théologiens, tous les préceptes de la loi naturelle sont immuables et ne peuvent être l’objet d’aucune dispense proprement dite. Il peut seulement y avoir dispense improprement dite ou changement extrinsèque par le fait que dans un cas particulier, la matière cesse d’être celle qui est l’objet de la défense divine, Ia-IIæ, q. xciv, a. 5.

3. D’après Duns Scot, la distinction entre le péché mortel et le péché véniel consiste en ce que la transgression, que l’on appelle mortelle, est opposée à une règle sans l’accomplissement de laquelle le salut ne peut être obtenu ; tandis que la transgression vénielle est opposée seulement à une direction, plutôt de conseil, dont l’accomplissement n’est point nécessaire mais seulement utile au salut. In 1 1 Ium Sent., dist. XXI, q. i, t. vi, p. 832.

Selon suint Thomas, habituellement suivi par les théologiens, le péché mortel consiste dans l’exclusion de la tin dernière obligatoire, lot dans le péché véniel. il y a seulement inordinatio circa ea qux sunt ad finem, conservato ordine ad ultimum finem, la volonté continuant à adhérer à la fin dernière. Sum. theol.. I*-II", q. i.xxxvii, a. 1.

4. Deux autres divergences plus marquées ont déjà été signalées : a) l’inexistence de vertus morales infuses, en dehors des vertus théologales, voir Duns Scot, t. iv, col. 1905, tandis que l’existence des vertus morales Infuses est admise par saint Thomas et la plupart des théologiens, 1°-II :, q. Lxiii, 3. b) Les actes du pénitent sont la matière prochaine du sacrement de pénitence, matériel proxima circa quant, mais sans appartenir à l’essence physique du sacrement.