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    1. MORALE##


MORALE, HISTOIRE SOMMAIRE, I™ PÉRIODE

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IV. Caractéristiques principales de l’enseignement MORAL OU DE LA THÉOLOGIE MOIIALE DEPUIS LES PREMIERS SIÈCLES JUSQU’A L’ÉPOQUE ACTUELLE.

Aux caractéristiques île chaque période nous ajouterons quelques indications sommaires sur l’enseignement social qui s’y rencontre. Ces indications auront un double avantage : elles faciliteront la réponse à quelques objections de la critique contemporaine, et elles montreront que la doctrine sociale, formulée aujourd’hui de manière plus explicite, a un solide fondement dans la doctrine des siècles précédents.

/" PÉRIODE, DEPUIS LES TEMPS APOSTOLIQUES JUSQU’A LA PREMIÈRE MOITIÉ DU XII’SIÈCLE.

Trois caractéristiques principales marquent cette période : 1° La première caractéristique c’est que l’enseignement moral, adressé à tous les fidèles ou à des classes spéciales de fidèles, est principalement instructif ou catéchétique ; mélangé toutefois d’arguments apologétiques ou d’exhortations à la vertu et à la perfection. C’est le caractère prédominant de l’enseignement, dans la prédication aux fidèles, ou dans les ouvrages d’occasion dirigés contre quelque erreur, ou visant quelque besoin spécial de tous les fidèles ou d’une classe particulière de tidèles.

En ce genre, on peut particulièrement citer le Pédagogue et les Stromates de Clément d’Alexandrie, voir t. iii, col. 146 sq. ; plusieurs opuscules de saint Cyprien, col. 2462 sq. ; beaucoup de discours ou homélies des Pères du ive siècle ; plusieurs écrits de saint Ambroise, notamment le De officiis ministrorum, t. i, col. 945 ; plusieurs ouvrages et discours de saint Augustin, t. i, col. 2304 sq. ; les Moralium libri XXXV et les Homélies de saint Grégoire le Grand, t. vi, col. 1778 ; plusieurs homélies et ouvrages exégétiques de saint Bède, t. ii, col. 525.

Toutefois à côté de ces écrits où domine l’instruction adressée aux fidèles, l’on rencontre aussi quelques ouvrages de caractère principalement apologétique, dirigés contre des erreurs attaquant quelques vérités morales. Tels sont particulièrement les opuscules déjà cités de saint Augustin contre les manichéens. Voir t. i, col. 2292 sq.

A cause de ce caractère prédominant d’une sorte de catéchèse morale d’un genre cependant assez élevé, c’est habituellement la méthode positive qui a toutes les préférences, comme on l’a constaté pour la dogmatique de cette période. Voir t. iv, col. 1548 sq.

2° Une deuxième caractéristique, cependant beaucoup moins saillante, est que chez saint Augustin et chez d’autres Pères ou théologiens, l’on rencontre quelques essais de spéculation théologique, utilisés depuis par saint Thomas et par les théologiens qui l’ont suivi.

Pour donner epielciue idée du travail théologique ainsi accompli avant le xie siècle et de l’influence qu’il a eue sur l’enseignement des siècles suivants, nous signalerons particulièrement l’utilisation qui en a été faite par saint Thomas dans sa Somme, théologique, et qui, par saint Thomas, a passé aux générations suivantes.

1. Exemples de spéculation doctrinale dans saint Augustin, d’après les citations de saint Thomas.

a) L’évêque d’Hippone prouve par le raisonnement, contre les philosophes païens, que le souverain bien que nous devons rechercher est Dieu, et Dieu connu par la foi. De civil. Dei, Ul, viii ; XIX.iv.P. L., t.xii, col. 232 sq. ; 627 sq. Les considérations rationnelles indiquées par saint Augustin sont, en grande partie, celles que développera plus tard saint Thomas, Cont. dent., I. 111, c. xxvii sq.

b) Ailleurs Augustin donne de la loi éternelle celle définition devenue classique : J.cx l’ero seterna est ratio divina vel voluntas Det ordinem naturalem conservari jubens, perturbari vclans. Contra Faustum manichiriim,

xxii, 27, 30, 61, 73, t. xlii, col. 418, 420, 438, 446 ; De libero arbitrio, i, 6, t. xxxii. col. 1228 sq. Cette doctrine est plusieurs fois -citée par S. Thomas, Sum. theol., I a -Il æ, q. xci, a. 1 ; q. xciii, a. 1, 2, 3, 6.

c) Le docteur africain donne une explication doctrinale de la cause du péché. Par sa nature même, le péché n’ayant pas de cause efficiente, mais seulement une cause déficiente, ne peut être attribué à Dieu : Hoc scio naturam Dei nunquam, nusquam, nulla ex parte posse deficere et ea posse deficcre quie ex nihilo facta sunt. Decivit. Dei, XII, vii, viii, t. xli, col. 355. Le péché procède de ce que la volonté humaine désire, d’une manière mauvaise et désordonnée, une chose inférieure, col. 354. Voir aussi De libero arbitrio, i, 1 sq., t. xxxii, col. 1221 sq. ; Enchiridion, xxxiii, t. XL, col. 244 ; De natura boni contra manicheeos, xxvin, t. xlii, col. 560 ; De perfect. justifiée hominis, ii, t. xliv, col. 294. Dans ce dernier passage, Augustin se sert de la comparaison de la claudicatio, utilisée par saint Thomas, Sum. theol., Ia-IIæ, q. lxxix, a. 2 ; Cont. Gent., t. III, c. clxii. Toute cette doctrine est plusieurs fois citée par saint Thomas, P-II 86. q. lxxx, a. 2 ; q. lxxix, a. 1, ad lum ; a. 2, ad lum ; q. lxxv, a. 1.

d) Augustin explique la nature des passions humaines. Bonnes et louables, quand elles procèdent d’une volonté bonne, elles sont mauvaises si elles sont ratifiées par une volonté mauvaise : Interest autem qualis sit voluntas hominis ; quia si perversa est, perversos habebit hos motus ; si autem recta est, non solum inculpabiles verum eliam laudabiles erunt. De civilate Dei, XIV, ix ; IX.ivsq. ; XIV, vu sq., t. xii, col. 409, 258 sq., 410 sq. Cette doctrine est utilisée par saint Thomas dans toute la question xxiv de la I a -Il æ.

é) Augustin montre, par le raisonnement théologique, la malice intrinsèque du mensonge, parce que le langage a été institué, non pour que les hommes se trompent mutuellement, mais pour que chacun porte ses pensées à la connaissance d’autrui : Verbis ergo uti ad fallaciam, non ad quod institula sunt, peccatum est. Enchiridion, xxii, t. xl, col. 243 ; Contra mendacium, xv sq., col. 539 sq. L’autorité du saint docteur est citée par saint Thomas, IIa-IIæ, q. ex.

/) Parmi beaucoup d’autres utilisations de textes de saint Augustin pour quelque spéculation doctrinale, nous indiquerons encore les suivantes, en signalant seulement, pour plus de rapidité, le texte du Docteur angélique : la définition de la vertu, Ia-IIæ, q. lv, a. 4 ; la définition du péché, Ia-IIæ, q. lxxi, a. 6 ; la définition de l’acte de foi, II a -Il æ, q. ii, a. 1 ; la nécessité de la foi en Jésus-Christ pour le salut, II a -II ffi, q. ii, a. 7 ; l’efficacité de la prière du pécheur quand elle est convenablement faite, II a -II ffi, q. i.xxxiii, a. 16 ; la légitimité de la guerre moyennant certaines conditions, II 8 - !  ! ®, q. xl, a. 1 ; la malice du suicide, II a -II æ, q. lxiv, a. 5 ; la légitimité de la propriété privée, II"- !  ! 35, q. lxvi, a. 2.

2. Exemples de spéculation doctrinale chez d’autres Pères, d’après les citations de saint Thomas. -- Nous indiquerons particulièrement les suivants, en observant toutefois que plusieurs citations sont des déductions du texte plutôt que des citations verbales. Pour ne pas trop alourdir notre marche, nous citerons seulement le texte du Docteur angélique, où l’on trouvera la référence palristique.

a) Les notions empruntées à saint Ambroise sont principalement les suivantes : la notion de la vertu de justice, IIa-IIæ, q. lviii, a. Il ; les obligations Imposées par la vertu de justice, II rt -ll a q. i.xxvii, a.’J, 3 ; l’excellence relative de la vertu de libéralité, Il a -II ffi, q. r.xvii, 6 ; la notion de la vertu d’honnêteté connue vertu annexe de la tempérance, Il a -II ro. ([. ci. ii, a. 3 ; ce que la vertu demande ou conseille