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MORALE, MÉTHODE SCOLASTIQUE


cette méthode est utile pour perfectionner la connaissance des vérités surnaturelles ; en montrant aussi son utilité pour répondre aux objections des adversaires contre les vérités morales révélées, et pour prouver les vérités morales d’évidence rationnelle.

1° Deux exemples particuliers de la grande utilité de la méthode scolastique pour perfectionner, en théologie morale, la connaissance des vérités révélées. — 1. Connaissance plus parfaite des vertus surnaturelles ainsi obtenue. — a) En comparant entre elles les vertus surnaturelles, telles qu’elles nous sont manifestées par la révélation et par l’enseignement théologique, et en les comparant avec les vertus naturelles, on a mis en lumière leur caractère commun qui est d’être produites en nous par l’action divine, tandis que les vertus naturelles sont produites par la répétition des mêmes actes accomplis avec les conditions requises. S. Thomas, Sum. theol., P-II 38, q. lxiii, a. 2 sq. D’où cette conséquence que les vertus infuses, du moins dès leur possession initiale, ne supposent point nécessairement écartée toute inclination opposée, tandis que les vertus naturelles, consistant dans une inclination acquise et fortifiée par des actes répétés, supposent toujours l’élimination de toute inclination opposée. S. Thomas, Ia-IIæ, q. lxv, a. 3, ad 2um ; De virtutibus in communi, a. 10, adl4um, 15um ; De virtutibus cardinalibus, a. 2, ad 2um.

b) A l’aide d’analogies fournies par la raison et appuyées par la dogmatique, la nature intime des vertus surnaturelles a été plus complètement expliquée.

En comparant l’ordre surnaturel, où la grâce sanctifiante est le véritable principe de vie, avec l’ordre naturel où l’homme possède, outre son principe de vie, des facultés ou puissances qui sont ses principes immédiats d’opération, et en s’appuyant sur ce principe de saint Thomas, quia non est conveniens quodDeus minus providcat his quos diligil ad supernaturc le bonum habendum quam creaturis quas diligil ad bonum natura le liabendum, Sum. theol., Ia-IIæ, q. ex, a. 2, on a pu conclure que Dieu, dans sa sagesse, a également donné à l’homme, dans l’ordre surnaturel, des facultés ou puissances. Ces puissances, nécessairement distinctes de nos facultés dans l’ordre naturel à cause de la transcendance de l’ordre surnaturel, ne peuvent être que les vertus infuses, qui rendent l’homme capable d’agir dans l’ordre surnaturel, en même temps qu’elles lui donnent une inclination au moins initiale, à agir ainsi. Ia-IIæ, q. ex, a. 3 sq.

c) Par la comparaison de chacune de ces vertus avec la fin dernière surnaturelle, le rôle particulier de chacune d’elles, après la réception de la grâce sanctifiante, a été mieux précisé.

Par la foi surnaturelle l’homme est rendu capable d’adhérer à l’enseignement divin qui lui fait connaître le bonheur surnaturel auquel Dieu le destine, et ce qu’il doit faire pour y parvenir. S.Thomas, Sum. theol., II^II 32, q. ii, a. 3. Par l’espérance surnaturelle, la volonté de l’âme régénérée est rendue capable de s’appuyer constamment sur la toute-puissance divine pour obtenir, avec le secours de la grâce divine, le bonheur surnaturel et ce qui doit y conduire. S. Thomas, Sum. theol., U â -ll^, q. xvii, a. 1, 2, 5 ; QQ. disp., de spe, a. 1, 4. De même, la charité surnaturelle, dans l’âme sanctifiée, rend la volonté capable de s’unir, d’un amour d’amitié constante, avec Dieu connu par la foi comme le bien infini. S. Thomas, Sum. theol., ll a -ll æ, q. xxiii, a. 1, 3, 6 ; QQ. disp., de caritate, a. 1, 2, 5.

Par les vertus morales surnaturelles de prudence, de justice, de force et de tempérance, l’âme régénérée a la faculté d’accomplir, selon les lumières surnaturelles toutes les actions commandées ou conseillées

par ces vertus. Donc actions véritablement surnaturelles intrinsèquement ou quoad subslantiam, parce que leur objet formel et leur motif formel sont eux-mêmes essentiellement surnaturels et inaccessibles à la raison et à la foi naturelle. S. Thomas, Sum. theol., I a -Il æ, q. lxiii, a. 3 sq. ; QQ. disp. de virtutibus in communi, a. 10, ad 7-9um.

d) Enfin les notions ainsi obtenues ont été complétées par une étude synthétique de tout ce qui concerne ces vertus considérées d’une manière générale : objet et motif, sujet, genèse, augmentation, cessation ou perte, préceptes et devoirs pratiques, que l’on étudie non seulement à la lumière des enseignements positifs fournis par l’Écriture sainte et la tradition, mais encore avec l’aide des déductions théologiques formées selon les procédés indiqués.

C’est ainsi que s’est constitué le traité théologique des vertus en général ; et en appliquant à chaque vertu en particulier les mêmes procédés, on a constitué également les traités particuliers concernant chacune d’elles.

2. Connaissance plus parfaite des préceptes surnaturels ainsi obtenue. — a) En comparant entre eux et avec la fin dernière surnaturelle, les divers préceptes établis par Dieu pour diriger l’homme vers la fin surnaturelle, on en a tout d’abord déduit leur double caractère commun. Ce sont des lois positives dépendant de la libre volonté de Dieu, du moins dans leur principe qui est l’appel gratuit à la fin dernière surnaturelle ; et ces lois exigent des actes en eux-mêmes surnaturels, ou l’emploi de moyens positifs institués par Dieu en vue de la fin surnaturelle. Ces préceptes se distinguent donc des préceptes naturels, fondés sur les relations de nécessaire dépendance entre l’homme et son Créateur, et pouvant toujours être accomplis moyennant un acte en lui-même naturel.

D’ailleurs, comme nous l’avons déjà observé, puisque la grâce ne détruit point la nature, mais la suppose et la perfectionne, les préceptes surnaturels, loin de détruire les préceptes naturels, les supposent et s’ajoutent à eux. S. Thomas, Sum. theol., . Ia-IIæ, q. xcix, a. 2, ad lum.

b) De cette même comparaison des préceptes surnaturels avec la fin surnaturelle, on a encore déduit la distinction communément admise entre ce qui est établi par Dieu comme nécessaire pour le salut, soit quasi ex natura rei, soit ex mera institutione Dei positiva, et ce qui est seulement commandé par Dieu pour le bien spirituel des fidèles.

a. En regard de la fin surnaturelle, telle qu’elle doit être atteinte par l’homme dans l’ordre providentiel actuel, les actes surnaturels de foi, d’espérance et de charité doivent être dits, pour les adultes, nécessaires pour le salut quasi ex natura rei. Car, étant admis que l’homme doit tendre à sa fin d’une manière conforme à sa nature, c’est-à-dire avec intelligence et liberté, S. Thomas, Sum. theol., I a -Il æ, q. i, a. 2, il est manifeste que, pour se diriger vers cette fin surnaturelle, il doit la connaître. Ce qu’il ne peut faire que par la révélation divine à laquelle il adhère par la foi surnaturelle. II a -Il æ, q. ii, a. 3. Il doit aussi s’unir à cette fin par l’affection de la volonté, ce qu’il ne peut accomplir que par la charité surnaturelle, supposant elle-même l’espérance surnaturelle. I 11 - ! l 40, q. lxii, a. 1, 3 sq. ; II^-Il 33, q. xliv, a. 1 sq.

Les actes surnaturels de foi, d’espérance et de charité sont donc absolument nécessaires aux adultes pour obtenir le salut, dès lors que l’on suppose l’appel de Dieu à la fin surnaturelle et la manière dont il a voulu réaliser cet appel dans l’ordçp providentiel actuel, par la libre volonté de l’homme aidée de sa grâce.

Une telle nécessité appelée, pour cette raison, quasi ex natura rei, ne peut jamais être suppléée par un sim-