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MONOTHÉLISME, CONDAMNATION


ment sur les énergies, mais aussi sur les volontés. On voudrait revenir au statu quo pur et simple d’avant 615. La politique théologique d’Héraclius n’a plus de raison d’être. Après les Perses, les Arabes sont venus, qui ont enlevé à l’empire les monophysites de Syrie, de Palestine et d’Egypte. On a vu ceux-ci accueillir les infidèles presque avec enthousiasme. Aussi Constant 1 1 voudrait pouvoir éteindre par un simple décret tout ce bruit théologique et ces logomachies. Mais il est trop tard. La situation n’est pas la même qu’en 634. On a trop discuté sur les énergies et les volontés pour que n’intervienne pas une solution claire et définitive donnée par le magistère de l’Église. Cette solution ne peut être que dans le sens de la définition du concile de Chalcédoine. S’il y a deux natures en Jésus-Christ, il y a sûrement aussi deux forces agissantes, deux activités, deux volontés, deux vouloirs. La période de transition inaugurée par le Type ne peut que se terminer par la définition du dyénergisme et du dyothélisme. C’est en vain que l’aventurier Philippique essaiera, en 711, de ressusciter l’hérésie et de l’imposer de nouveau à l’empire byzantin. Il ne durera pas assez pour réussir et sera précipité du trône, le 3 juin 713. Pour trouver des monothélites authentiques, c’est-à-dire des dyophysites enseignant en Jésus-Christ une seule volonté, il faudra désormais aller dans les montagnes du Liban, où l’hérésie se maintiendra pendant plusieurs siècles avec un effectif variable, qu’il est difficile de déterminer. Cf. Maronite (Église), t. x, col. 8 sq., et Pargoire, L’Église byzantine de 527 à 847, Paris, 1905, p. 167-170.

III. Le MONOTHÉLISME CONDAMNÉ PAR L’ÉGLISE.

Deux grands conciles, le concile romain du Latran tenu en 649 par le pape saint Martin I er, et le troisième concile de Constantinople, sixième œcuménique (680-681) ont condamné le monénergisme et le monothélisme avec une précision d’expression qui ne laisse rien à désirer. Nous n’avons pas à faire ici l’exégèse détaillée des définitions de ces conciles. Voir les articles : Constantinople (Troisième concile de) et Martin I er. Il nous suffira d’ajouter quelques remarques capables d’éclairer la portée des mots employés dans ces définitions et leur relation avec la doctrine des hérétiques.

Les deux conciles définissent les mêmes vérités, mais les expressions du sixième concile sont plus précises et plus claires que celles du concile du Latran. On condamne d’abord l’unité de propriété ou monoïdiotisme des monophysites. Le concile du Latran (canon 9) affirme la conservation, sans altération aucune, des propriétés, [Swt^tocç, de la divinité et de l’humanité. Le sixième concile parle de la singularité propre, 18 : ôrt]ç, de chaque nature, c<pÇo[iiv7)ç TÎjç ISiÔTYjToç éxarépaç ç’jæcoç. Les monothélites n’avaient pas nié les propriétés ou l’ISiézr^ de chaque nature. Ils n’avaient pas accepté sur ce point la terminologie des monophysites sévériens. Mais les conciles ont été bien inspirés de commencer par affirmer cette différence des propriétés, cette ISiÔTrjç de chaque nature, car le terme propriété est un terme plus général, plus compréhensif que celui d’èvépy£ !.a, activité ou opération. La propriété contient l’èvépysia, comme celle-ci, à son tour, contient le vouloir ou volonté, 0ÉXY](jLa.

Le concile romain confesse d’une manière générale la dualité des activités ou opérations et des vouloirs ou volontés unies harmonieusement entre elles, crupt.cpuwç vjvwjxévaç, dans l’unité du sujet, le Christ, auteur de notre salut, qui est dit èvepy/jTixoç et 0sXt)tix6ç par ses deux natures. Les Pères de 680-681 sont plus précis. Ils enseignent l’existence en Jésus-Christ de deux activités ou opérations naturelles, de deux vouloirs ou volontés naturelles, en mettant l’accent sur

l’épithète naturelle, cpoaixâç. Nous avons là un écho de la théologie de saint Maxime, et de ses controverses avec les monothélites. Sur l’èvépyeta et le 0sX7)|i.a hypostatiques dont parlaient les hérétiques, le concile se tait, mais il insiste sur la dualité des activités et des vouloirs naturels, c’est-à-dire découlant des natures, et il réfute la raison mise en avant par les monothélites pour faire le silence sur les deux’volontés naturelles, 1. en affirmant énergiquement, par l’emploi des quatre adverbes : àSiaipéxcoç, àTps7rra>ç, àueptaxwç, àauy^ÔTcoç, l’unité du sujet, du principium quod ; 2. en déclarant que le vouloir de l’humanité ne s’est jamais opposé au vouloir divin, mais l’a toujours suivi, lui a toujours été soumis, àXX’éTtôjjievov xô àvGpa>7uvov ocÙtoù 0éX7)|i.a xal ; j.r) àv-nTÛTiTOv Y) àvTtTraXxïov fi.âXXov pièv ouv xal Û7TOTacra6(i.Evov tcô dzioi aÙToù xal TravaŒvsî 0eX^(x, aTt.

En s’obstinant à ne pas vouloir parler de la volonté ou vouloir naturel de l’humanité, les monothélites étaient justement soupçonnés de nier, sinon l’existence de la faculté naturelle de volonté humaine, du moins son activité de fait, l’existence d’actes de volonté véritablement humains. Cet exercice de fait de la volonté humaine, le concile l’affirme clairement : « Il fallait, dit-il, que la volonté de la chair fût mue (= entra en exercice), mais qu’elle fût soumise au vouloir divin, suivant le très sage Athanase : s’Sei yàp tô aapxôç ÔéX^ua xiv/jOîjvai, Û7tOTay9)vai. Se tco 0eX7)|i.aTi tû 0eïxô). » « Ce vouloir naturel de la chair (= de l’humanité), ajoute le concile, est dit et est véritablement le propre vouloir de Dieu le Verbe, tout comme la chair du même est dite et est la chair de Dieu le Verbe, outco xal tô tpoaixôv -rrjç aapxôç aÙToù GéXrjpia ÏSiov toû ©îovj jVôyou XéycTai xal ecttiv. » On sent chez les Pères la préoccupation d’insister sur l’unité du sujet afin d’écarter tout soupçon de nestorianisme, les monothélites étant devenus sur ce point, par le fait de la position qu’ils avaient prise, aussi susceptibles que les monophysites les plus tatillons.

Disons enfin que les deux conciles ont condamné, par leur enseignement et les formules qu’ils ont employées, tout monothélisme et monénergisme quel qu’il soit, depuis le monothélisme apollinariste et eutychien jusqu’au monothélisme nestorien. Pour couper court aux subtilités des hérétiques, l’Église a adopté et canonisé une manière de parler des activités opérations et volontés de l’Homme-Dieu. Ces activités, ces volontés sont doubles et doivent se prendre et se compter par rapport aux deux natures, non par rapport à l’unique sujet ou personne. En agissant ainsi, l’Église a conformé son langage à la fois aux sources de la Révélation et à. la philosophie commune. Si l’on veut parler d’unité morale d’activité et de volonté en Jésus-Christ, il faut ajouter l’épithète morale devant le substantif. Affirmer simplement : une activité, une volonté ne peut être toléré. L’histoire de la controverse monothélite montre une fois de plus l’importance des formules dogmatiques dans l’expression de la vérité révélée. Si l’Église n’était pas intervenue par son magistère officiel pour déterminer le sens de certains termes, et imposer silence aux logomachies, la théologie serait devenue une vraie tour de Babel.

Il est fort dilTïcile de donner une bibliographie sur le monothélisme, tellement la matière est abondante. Pour se faire une idée du monothélisme comme doctrine, pas de meilleur moyen que la lecture directe des sources, qu’on trouvera réunies presque en entier dans les collections conciliaires contenant les actes des conciles antimonothélites, par exemple, dans la collection de Mansi, t. x et XI. Il faut y ajouter les œuvres polémiques de saint Maxime. Une comparaison avec le monénergisme et le monothélisme des monophysites sévériens est d’une grande utilité pour saisir la vraie pensée des coryphées du monothélisme. Sur ce