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MONOTHELISME, EVOLUTION HISTORIQUE


qucr que, pendant la période de transition dont nous parlons, la question du monothélisme proprement dit ne se pose pas encore. Sans doute, dans sa lettre à Honorius, Scruius parle incidemment des volontés, 0sXr)u.aTa, mais c’est pour dire que de l’expression deux activités ou énergies, des esprits malintentionnés pourraient conclure qu’il y avait eu en Jésus-Christ deux 9éXi)quxTa contraires. Dans sa réponse, Honorius prend la peine de réfuter — et trop longuement — cette assertion, qu’il y aurait eu en Jésus-Christ deux volontés contraires, et il déclare qu’en l’humanité de Jésus la concupiscence charnelle, la loi des membres, la volonté peccamineuse opposée à la volonté. de Dieu, ont été absentes : il n’y a eu en elle qu’une volonté jamais opposée à la volonté divine. Mais ce développement même est une incidente dans la lettre du pape, dont le but est d’approuver la solution préconisée par Sergius à propos de la formule une ou deux énergies. Ce but apparaît encore plus clairement dans la seconde lettre d’Honorius où il n’est aucunement question de volonté, et par laquelle il approuve de nouveau la décision pratique du synode de Constantinople : « Qu’on s’abstienne de formules nouvelles capables de soulever des discussions oiseuses : qu’on ne dise ni une ni deux énergies, mais qu’on confesse en l’unique Jésus-Christ les deux natures véritable- ? ment unies, opérantes et agissantes, chacune avec la participation de l’autre, la nature divine opérant les actions divines, la nature humaine les actions de la chair, et cela sans séparation ni confusion. » Mansi, /&(<L, col. 580 D. Cette solution, le pape, convaincu par les raisons que Sergius avait fait valoir, l’a recommandée tant à Sophrone de Jérusalem qu’à Cyrus d’Alexandrie. Ibid., col. 381. C’est une solution pratique, qui regarde uniquement la terminologie théologique et ne touche en rien le fond de la doctrine. On a pu, quelque cinquante ans après, juger très sévèrement cette décision, à cause des événements qui ont suivi. Mais on est porté à être plus indulgent, quand on la replace dans son cadre historique. Honorius a ignoré les vingt ans de monénergisme qu’on a imposés plus ou moins ouvertement à l’Église byzantine. Quand on a jugé opportun de l’avertir et de le consulter, on lui a exposé le situation sous un jour tout favorable à la solution adoptée à Constantinople. On ne savait que trop en Occident combien les Byzantins étaient portés à soulever des questions subtiles et oiseuses, à se disputer pour des mots et des formules. Quoi d’étonnant qu’Honorius ait approuvé une suggestion de nature à empêcher de nouvelles logomachies ? De là son mot d’ordre donné aux prélats orientaux à propos de l’unique énergie. On peut dire que sa consigne a été observée même par saint Sophrone. On a beau parcourir la longue Synodique de ce dernier. Non seulement il n’y est question ni de monothélisme ni de dyothélisme — on ne discutait pas encore sur les volontés — mais on n’y trouve pas en termes exprès : deux activités ou énergies, Suo èvspyEiai.. Sophrone dit sans doute : sxaTÉpa ï) èvÉoyeia. Mais Sergius disait lui aussi : Tiàrr/ Osia te xal àvOptoTÛVY) èvépYeia. So-phrone dit : Deux formes agissant en commun : 8ûo ràç xoivûç èvspY r J’! >axç [zopçàç 80Y[A3crtÇo ; jieV| Mansi, lor. cit., col. 181 A..Mais c’est la formule même de saint Léon, répétée tant par Sergius que par Honorius. Celui-ci a même écrit dans sa seconde lettre à Sergius : èxotTépaç Tàç çûasiç èv tw èvl Xpiarto Tfl èvéxYjTt /jV(i> ; xî'>7. ; (AEià tîjç Ôafépou xoivMvîaç ivepyoûaaç v.iX repaxTixàç ôiioXoyeïv ôçetXofiev. Ibid., col. 580D. Sophrone parle encore plusieurs fois des activités, des énergies, des opérations, au pluriel ; cela, nu ne le lui avait pas expressément défendu. Mais il ne dit nulle pari positivement : deux énergies. Il a élé fidèle à la consigne ad litteram, La question de

terminologie mise à part, la période de transition dont nous parlons (634-638) a donc été une période d’orthodoxie sous le patronage du pape.

Le monothélisme proprement dit.

Avec la

promulgation de l’Ecthèse (638), commence la phase monothélite proprement dite, qui dure jusqu’au Type de Constant II (648). L’Ecthèse maintient la solution adoptée pendant la période de transition à propos des deux énergies. Mais elle impose une formule nouvelle : une seule volonté dans le Christ, ëv 0éX7ju, x. Rien de plus illogique, au peint de vue doctrinal, que ce décret, puisque le vouloir, la volonté, l’activité volontaire est une espèce d’énergie. Il contredit formellement la solution pratique précédemment adoptée et recommandée par le pape, de ne pas innover en matière de terminologie pour ne pas soulever de nouvelles controverses. Si Honorius a eu connaissance de l’Ecthèse, il a dû la repousser : et c’est bien ce qu’insinue le passage d’une lettre de saint Maxime que nous avons signalé plus haut, col. 2308.

C’est pendant cette période qu’entre en lice le théologien des deux volontés et des deux activités naturelles de l’Homme-Dieu, saint Maxime de Chrysopolis Se fondant sur la philosophie du sens commun autant que sur les textes des Pères et des conciles, Maxime établit avec une clarté qui ne laisse rien à désirer, que l’énergie, l’activité comme telle est avant tout chose physique, naturelle, découlant de la nature et non de la personne. Et il en appelle au mystère de la Trinité, où nous voyons trois personnes distinctes entre elles n’ayant qu’une seule activité. Il fait un raisonnement semblable pour la volonté, l’énergie appétitive, volitive. Mais, comme il n’ignore pas le point de vue de ses adversaires monothélites, qui parlent d’énergie, de vouloir hypostatique, lui, sans nier le rôle de l’unique opérant qu’est en Jésus-Christ la personne du Verbe, ne se contente pas d’affirmer : deux activités, deux volontés. Pour bien marquer le point de vue auquel il se place, il ajoute toujours aux mots btipysica, 0sXr)|i.aTx, I’épithète : physique, naturels : 8ûo Èvsp-YS’. ou cpoaixod, Sùo 6sXr)[i.aTa. Il rejette la formule monénergiste et monothélite, parce qu’elle est de nature à amener à la négation de cette activité physique qui est nécessairement l’apanage de toute nature. Toute nature est principe d’opération, et non seulement principe d’opération à l’état statique, in statu primo, mais principe d’opération passant effectivement à l’acte, produisant son opération normale. Voilà ce qu’il veut alfirmer en Jésus-Christ. Sous l’impulsion et le contrôle du sujet unique, qui est la personne divine, chacune des deux natures produit son opération physique, chacune des deux volontés physiques entre en exercice et produit son acte normal. La formule monothélite peut sans doute être expliquée dans un sens orthodoxe. Mais elle pèche par un double endroit : 1. Elle change la signification naturelle et communément reçue des mots èvép-YEia, OsX-rçfxa ; 2. Elle fait le silence sur les activités physiques et les volontés physiques des deux natures. I>n silence à la négation le passade est vile franchi, el l’Église, qui juge de la foi des individus par les formules dont ils se servent pour l’exprimer, ne pouvait que condamner VEcthèse, malgré toutes les explications dont on entourait la formule Sv OsXy)u.x. 1° /, c retour an statu quo. - Après les condamnations répétées dont le décret d’1 léraclius fut l’objet, tant de la part des papes que des théologiens et des conciles locaux, [’empereur Constant II la relira (648) et la remplaça par son Type. Le Type inaugure la quatrième phase de la controverse. C’est, peut-on dire, une nouvelle période de transition, analogue à

celle de 634-638. On veut Imposer le silence non seule-