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MONOTHÉLISME, ÉVOLUTION HISTORIQUE


contenu digne de Sa Sérénité conduite par Dieu. » Il ressort de là que la sentence synodale, qu’on peut convenablement dater de la fin de 633 ou du début de 634, a été suivie d’un décret impérial d’ordre doctrinal, la promulguant et la sanctionnant de son autorité. Ce décret impérial, antérieur de quatre ans à VEcthèse, a clos la première période de l’hérésie, période qu’on doit nommer non du monothélisme mais du monénergisme, erreur plus compréhensive que le simple monothélisme, qui s’y trouve contenu implicitement. De ce décret impérial d’Héraclius, aussi important que VEcthèse, on n’a guère parlé jusqu’ici. Il est ignoré même des savants éditeurs du Corpus der griechischen Urkunden der Milielalters und der neueren Zeit qui, par contre, en ont inventé un autre d’inexistant. Le P. V. Grumel vient récemment de le tirer de l’oubli et aussi de mettre en lumière là sentence de la aûvoSoç évSr, (i.oÙGa qui l’a précédé. Cf. V. Grumel, Recherches sur l’histoire du monothélisme, dans les Échos d’Orient, 1928, t. xxvii, p. 10-15 ; 1929, t. xxvrn, p. 19-24.

Ainsi, avant même que le pape Honorius eût été mêlé à l’affaire, il y avait une vingtaine d’années qu’on agitait en Orient le problème, non du monothélisme proprement dit, mais du monénergisme. Cela se traitait par correspondance entre Sergius et certains prélats de l’empire, catholiques ou monophysites. On recherchait des textes des Pères favorables à l’unique èvipyzioc, et quand on n’en trouvait pas, on en fabriquait : tel le fameux recueil adressé par le patriarche Menas au pape Vigile et la réponse de celui-ci. On est en pleine guerre contre les Perses, et déjà les Arabes de Mahomet commencent à s’agiter. On s’est aperçu, lors de l’invasion persane, de la profonde désaffection des monophysites syriens et égyptiens à l’égard de l’empire. Il faut à tout prix les ramener et faire quelques concessions sur la terminologie dyophysite pour essayer de les attirer. Tel est le plan que le patriarche Sergius a soufflé à Héraclius, vaillant soldat qui ne demande pas mieux qu’on l’aide à sauver l’empire sans détriment pour l’orthodoxie. Où trouver le terrain d’entente ? Les monophysites disent : Une nature du Verbe incarné. Depuis les anathématismes du cinquième concile œcuménique, on le dit avec eux en toute sûreté, tout en disant aussi avec le concile de Chalcédoine : une seule hypostase et deux natures. Les monophysites, toujours ennemis du nombre, quand il s’agit du mystère de l’incarnation, unifient également l’activité et le vouloir ou volonté du Verbe incarné. Ils disent : u.îoc ivéçyeicc, ëv 6éÂr[xa ou iia GéX^atç. Pourquoi ne pas les suivre sur ce terrain ? Mais le terme d’èvépyeta est plus vague, moins compromettant, moins capable d’éveiller les soupçons des chalcédoniens intégristes que celui de 6sXv ; LLa. Il est plus compréhensif aussi : il entraîne nécessairement l’autre en bonne logique. Commençons donc par dire avec les sévériens : une seule énergie, et essayons d’expliquer la formule d’une manière orthodoxe. Lequel des deux, de Sergius de Constantinople ou de Théodore de Pharan (un chalcédonien, non un monophysite, comme plusieurs l’ont affirmé : cf. V. Grumel, Les premiers temps du monothélisme dans les Échos d’Orient, 1928, t. xxvii, p. 259-265) a le premier raisonré ainsi ? Il est difficile de le dire. Sergius a eu sans doute l’initiative de la recherche du terrain d’entente. Théodore de Pharan, un théologien subtil, l’a sans doute trouvé. C’est lui, semble-t-il, qui le premier, a fait la trouvaille de l’expression : énergie hypostatique, qui correspond bien, en effet, au concept des sévériens, et a l’avantage de ne pas nier les activités physiques des natures prises comme telles. Sa correspondance avec Sergius doit sans doute se placer tout au début de l’histoire de cette

hérésie politique. C’est l’avis sérieusement motivé du P. Grumel, Échos d’Orient, ibid., p. 271.

Le monénergisme, gros du monothélisme, était né. Il fallait le propager ; il fallait le faire accepter tant des catholiques que des monophysites. Ceux-ci ne pouvaient répugner au monénergisme proprement dit, puisqu’ils l’enseignaient déjà ; mais il fallait leur persuader d’agréer en même temps les deux o’joeiç du concile de Chalcédoine, ou tout au moins de garder sur elles un silence diplomatique. C’était le point délicat de la combinaison. L’empereur Héraclius fut sans retard mis au courant de la solution trouvée par les théologiens, et l’on voit ce guerrier, pendant ses campagnes contre les Perses, s’occuper de controverses théologiques avec les prélats des Églises monophysites, et essayer de les rallier à l’orthodoxie impériale sur la base de la formule monénergiste : conférences avec Paul le Borgne, chef des acéphales de Chypre, en 622, à Théodosiopolis (Arménie) ; en 626, entrevue avec Cyrus, alors évêque de Phasis ; vers 630, tractations avec Athanase Camélarios, patriarche monophysite d’Antioche.

Parmi les prélats catholiques qui avaient été gagnes au monénergisme, se trouvait l’évêque de Phasis, Cyrus. En 630 ou 631, on le fit passerai ! siège d’Alexandrie. Sans retard, il se mit en relations avec le clergé théodosien de la ville et réussit à le gagnera l’union, grâce à la formule de l’unique énergie, employée conjointement avec l’autre formule monophyiste : Mta <pûaiç toû ©EoG Aoyou asaapxcùfjiivT) (3 juin 633). De nombreux fidèles suivirent le clergé. Ce succès fut aussitôt annoncé triomphalement à Sergius par une lettre, qui est le principal document théologique du monénergisme proprement dit. Mansi, t. xi, col 561568. Cette théorie de l’unique énergie, que l’empereur Héraclius avait déjà officiellement sanctionnée par un double décret (décret contre Paul l’Acéphale vers 624-625 ; lettre à Athanase Camélarios, patriarche monophysite d’Antioche, vers 630) arrivait ainsi à son apogée. A partir de ce moment, devant les protestations du moine Sophrone, on allait l’abandonner, au moins en apparence, pour adopter bientôt la formule monothélite, ëv OéXï)u.a.

Période de transition.

Mais avant le décret

impérial qui la promulgua, avant VEcthèse, il y eut une période de transition d’environ quatre ans (634638). Le monénergisme ayant été éventé par saint Sophrone, Sergius crut opportun de reculer. Mais il ne recula qu’à demi. Par sa sentence synodale de 634, comme nous l’avons vii, il proscrivait la formule une seule énergie, mais il rejetait aussi la formule deux énergies, et cela pour éviter les discussions inutiles et dangereuses, pour ne pas entraver par des expressions inopportunes le retour des dissidents. Ne suffisait-il pas d’exposer la doctrine orthodoxe en termes équivalents ? C’est, en effet, ce que fit Sergius par sa décision synodale de 634, dont nous trouvons la substance à la fin de sa lettre au pape Honorius. Il n’y a rien à reprendre au point de vue de l’orthodoxie dans cette profession de foi : « Le Fils unique de Dieu, qui est en vérité Dieu et homme tout ensemble, est le même qui opère les actions divines et humaines ; du seul et même Verbe de Dieu incarné procède inséparablement et indivisiblement toute opération divine et humaine (7rSaav upoïévai « (XEptOTax ; xai àSioapércoç Osîav te xal àv0p « 7ttvv ; v èvépyeiav), car c’est ce que nous enseignait expressément le théophore Léon en disant : Chaque forme opère, avec la participation de l’autre, ce qui lui est propre. » Mansi, t. xi, col. 537 A. Aussi fut-elle acceptée par saint Sophrone, louée par saint Maxime dans une lettre à Pyrrhus, P. G., t. xci, col. 589-597, approuvée par le pape Honorius dans ses deux lettres à Sergius. Il est important de remar-