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MONOTHÉLISME, DÉFINITION


    1. MONOTHÉLISME##


MONOTHÉLISME. —I. Définition du monothélismc. Ses différentes espèces. II. Les étapes historiques de l’hérésie monothélite (col. 2316). III. Le monothélisine condamné par l’Église (col. 2321).

I. DÉFINITION DU MONOTHÉLISME. SES DIFFÉRENTES

espèces. — D’après l’étymologie du mot, le monothélisme est l’hérésie de ceux qui professent l’existence d’une seule volonté, d’un seul vouloir, p.ia 6é).7 ; aiç, sv QéXr t y.%, en Jésus-Christ, Dieu fait homme. Historiquement parlant, le monothélisine est quelque chose de moins simple, de plus compliqué que ne le suppose cette définition étymologique. Inventée par des politiques qui, tout en voulant se maintenir dans l’orthodoxie, cherchaient des formules conciliatrices pour rallier les monophysites de l’empire byzantin à la définition du concile de Chalcédoine, cette hérésie a pris diverses formes durant les soixante ans de son existence (619-679). C’est l’hérésie caméléon par excellence. Au fur et à mesure qu’elle a été démasquée et qu’elle a rencontré de la résistance, elle a reculé et fait des concessions, si bien que son point d’arrivée est la contradiction parfaite de son point de départ.

1° Formules diverses du monothélisms au vue siècle.

— On a commencé par affirmer dans le Christ, après l’union des deux natures, une seule énergie ou activité, (xîa èvépyeix. C’est le monénergisme proprement dit, qui contient implicitement le monothélisme comme le tout contient la partie, et dont nous trouvons la formule dans le septième anathématisme du décret d’union présenté par le patriarche Cyrus aux monophysites d’Alexandrie (3 juin 633) : L’unique et même Christ et Fils opère les actions divines et les actions humaines par une seule énergie théandrique : tôv aÙTÔv ëva XpioTÔv xai Yiôv èvepyoôvTa Ta 6£07rp£7rrj xai àv0pcÛ7nva quà GsavSpixfl èvepyeîa. Mansi, Concil., t. xi, col. 565 D.

Dénoncé par le moine Sophrone, qui devient bientôt patriarche de Jérusalem (634), le monénergisme comme tel est abandonné par son véritable auteur ou patron, le patriarche Sergius de Constantinople, et se mue dans l’ombre en monothélisme entre les années 634638. Il est décidé — et l’on manœuvre habilement pour faire recommander la solution par le pape Honorius en deux lettres successives (634) — que l’on n’emploiera pas la formule : une seule activité ; mais il est convenu aussi qu’on ne dira pas : deux activités. On proscrira l’une et l’autre expression. On se contentera d’affirmer que Jésus-Christ Homme-Dieu agissait par sa divinité et par son humanité ; toute activité divine et humaine sortait d’une manière indivisible de l’unique et même Dieu le Verbe : ëva xai tôv aÙTÔv EvEpysIv xai ôjvoXoysïv Ta te Geïa xal àvOpcÔTtiva xai Ttàaav 0£O7rpe7rrj xai àvGpcûTroxrpe^î) Èvépy£t.av è% Évôç xai toû aÛToû ©eo’j Aôyou àSiaipeToç TtpoïÉvai. Lettre de Sergius à Honorius, Mansi, ibid., col. 533 D.

Cependant Honorius, dans sa Réponse à Sergius, avait laissé échapper une formule malheureuse, que Sergius, dans sa lettre au pape, avait habilement provoquée. Répondant à sa suggestion, le pape s’était laissé aller ù un long développement pour établir, qu’en Jésus-Christ homme, il n’y avait point eu la concupiscence mauvaise, la volonté peccamineusc du vieil homme opposée à la volonté de Dieu, mais une. seule volonté : unde et unam voluntatem (atemur Domini nostri Jesu Christi. Mansi, ibid., col. 539 C. Il voulait parler d’une seule volonté humaine du Christ, toujours soumise à la volonté divine comme cela ressort sullisamment du contexte. Mais il oubliait de parler de la volonté divine. Détachée du contexte, la formule employée pouvait être prise dans un sens monothélite. Sergius s’en aperçut bien vite. Lui qui ne voulait pas qil’on parlai de deux volontés du Verbe incarné, s’empara de la phrase du pape et s’en servit pour

rédiger VEcthèse, qu’il fit promulguer par Héraclius en 638. L’Ecthèse, c’est la charte du monothélisme proprement dit. Elle interdit les expressions : une activité ou deux activités, mais elle professe « une seule volonté (sv 0ÉXï ; (i.a), un seul vouloir de Xotre-Seigneur Jésus-Christ, vrai Dieu », et cela « parce qu’à aucun moment sa chair animée d’une âme raisonnable n’a produit son physique mouvement (sa propre opération) d’une manière séparée et de sa propre initiative contrairement à l’assentiment de Dieu le Verbe, auquel elle était unie hypostatiquement : wç èv jiyjSevI xa-.pw tyjç voEpcôç Ësb’jxwfiivyjç aÙToG axpxôç XE/copiau-évcoç xai ÈÇ oix.EÎaç ôpjjûjç ÈvavTÎcoç Toi VEÛuaTi T)vo>[i.évoo aÙTïj xaO’ÛTtôaTacnv 0eoù Aoyoo tîjv (poaixrjv aÙTTjç 7 : 017]aaaOat. xîvtjoiv » Mansi, op. cit., t. x, col. 996 C.

Quand VEcthèse parut, le pape Honorius était mort ou allait mourir (12 octobre 638). D’après un passage d’une lettre de saint Maxime, auquel on n’a prêté que peu d’attention, P. G., t. xci, col. 143 R, il se serait employé, dans ses derniers jours, à défendre l’orthodoxie, qu’il avait compromise par ses lettres imprudentes. Ses sucesseurs : Séverin (638-640), Jean IV (640-642), Théodore I" (642-649) condamnèrent tous le symbole monothélite, si bien que l’empereur Constant II, inspiré par Paul, patriarche de Constantinople, crut que le bon moyen d’apaiser les controverses et de ramener la paix religieuse, était de retirer VEcthèse et de faire pour la formule monothélite ce qu’on avait fait pour la formule monénergiste : l’interdire, mais en même temps proscrire l’expression deux volontés. Le décret impérial, déterminant la nouvelle orthodoxie impériale et l’imposant à tous les sujets de l’empire, fut promulgué en 648, et porte le nom de Type, tottoç Tiepl tûcttecoç, Mansi, ibid., col. 1029-1032. Il repousse à la fois la formule monénergiste et monothélite, et la formule dyénergiste et dyothélite. défend d’employer l’une et l’autre pour éviter les querelles et les disputes, et recommande de s’en tenir au langage communément reçu avant la controverse sur l’unique énergie et l’unique vouloir. C’était une nouvelle capitulation de l’hérésie. Ce n’était plus le monothélisme, mais ce n’était pas non plus le dyothélisme : solution bâtarde dont l’Église ne pouvait se contenter ; car du moment que la question des activités et des volontés de l’Homme-Dieu avait été posée avec si grand fracas, il fallait la résoudre. Il fallait opter entre la formule monénergiste et monothélite, et la formule dyénergiste et dyothéliste, et choisir celle qui était la plus apte à exprimer la vérité dogmatique, la plus claire, la plus conforme à la tradition patristique et ù la philosophie du sens commun, la moins susceptible d’être tournée dans un sens hérétique.

Signification des formules monothélites.


Nous parlons de formules, et c’est bien de cela qu’il s’agit avant tout dans la querelle monothélite. Les partisans du monénergisme et du monothélisme veulent rester orthodoxes. Ils acceptent la définition du concile de Chalcédoine et le tome de saint Léon à Flavien. On a beau lire et étudier attentivement ce qui nous est parvenu de leurs écrits, ainsi que VEcthèse et le Type, on est en peine d’y découvrir une pensée véritablement hérétique. Ce qui est hérétique, ce sont les formules qu’ils emploient prises en elles-inèmes : e’esl le silence sur les activités physiques et les volontés physiques des deux natures.

1. Les formules monénergistes, — Le monothélite ne nie pas l’existence en. Jésus-Christ d’une activité d’opérations vraiment humaines, activité, opérations réellement distinctes de l’activité et des opérations de la divinité ; mais cette activité humaine, il ne veut pas l’appeler du nom d’Èvépyeta : surtout il ne veut pas la compter en l’additionnant avec l’svspyeia divine,