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MONOPHYSITE (ÉGLISE COPTE), SACREMENTS


vin comme pour la communion des femmes. » Du Bernât, op. et loc. cit., p. 585. Vansleb dit à propos de cet usage : « Ils ne sauraient conserver le Saint-Sacrement, quand même ils le voudraient, car leur corban (= pain d’autel) étant fort épais et pour l’ordinaire très mal cuit, il se moisirait et deviendrait dur comme une pierre, et personne ne voudrait le manger. » Le patriarche Ghristodule, au xie siècle, fit valoir une raison analogue pour interdire aux moines de Saint-Macaire de conserver l’eucharistie. Renaudot, Hist. pat. Alex., p. 429-430. Au siècle suivant, Michel de Damiette, dans son Traité sur les usages particuliers de l’Église copte, justifiait la coutume par des arguments scripturaires et en appelait notamment à Ex., xii, 3-10 ; Num., ix, 12 : Non remanebit quidquam ex eo (= de l’agneau pascal, figure de l’eucharistie) usque mane. Si quid residuum fuerit, igné comburetis. Cf. G. Graf, op. cit., p. 80 sq. Abou’l Barakât, dans la Lampe des ténèbres, c. xxiv, apporte les mêmes textes ; cf. L. Villecourt, Les observances liturgiques de l’Église copte, dans le Muséon, 1924, t. xxxvii. p. 208. Signalons aussi l’usage d’avaler de l’eau après la communion par respect pour le Saint-Sacrement. C’est ce qu’ils appellent « l’eau de la couverture de la communion. » Autrefois, la coutume était aussi de « couvrir la communion » en mangeant des lupins. Graf, op. cit., p. 85.

4. La pénitence.

Les coptes ont le sacrement de pénitence, mais ils en usent fort peu, et cela dure depuis longtemps. Il y eut même chez eux, aux xiie et xiii » siècles, une tentative sérieuse d’abolir la confession sacramentelle, et de la remplacer par la confession à Dieu seul, faite pendant l’encensement de l’église et des fidèles au début de la messe. C’est ce qu’ils appelèrent « la confession sur l’encensoir » ou « sur la fumée de l’encens ». L’abus dut commencer à s’introduire dans le courant du xie siècle, pendant les dures persécutions que les chrétiens eurent à souffrir de la part des infidèles. Devant l’impossibilité ou le danger d’imposer aux pécheurs les prescriptions des canons pénitentiaux — on pouvait craindre que les pécheurs endurcis ne se fissent musulmans ou ne tirassent quelque vengeance des confesseurs consciencieux en les calomniant auprès des infidèles — on prit l’habitude de donner la communion aux fidèles sans exiger de confession secrète préalable, et l’on pensa qu’un aveu général de culpabilité, fait par chaque assistant au moment de l’encensement du début de la messe et suivi d’une formule d’absolution récitée ensuite par le célébrant, suffirait à remplacer le sacrement.

Dans le rite copte, en effet, après que le prêtre a préparé l’autel et fait l’oblation du pain et du viii, il descend de l’autel et récite sur lui-même et sur les assistants une formule d’absolution, analogue à celles de notre Confiteor et appelée Prière de l’absolution adressée au Fils. Si un autre prêtre est présent, c’est lui qui dit la formule sur le célébrant et les fidèles. Le célébrant met ensuite de l’encens dans l’encensoir, récite l’oraison dite de l’encens et encense l’autel, le clergé et le peuple en faisant le tour de l’église et en passant dans les rangs des fidèles. C’est à ce moment que les assistants offrent leurs dons, chantant Kyrie eleison en arabe et en grec, et ajoutant ensuite : Recevez, Seigneur, cet encens qui vous est offert par votre prêtre pour nos péchés. Revenu à l’autel, le célébrant, tourné vers l’Orient, récite cette nouvelle formule d’absolution, que Renaudot déclare n’avoir pas trouvée dans les plus anciens manuscrits du missel copte, mais qui existait déjà au xiie siècle : Dieu, qui avez agréé la glorieuse confession du larron sur la croix, recevez la confession de votre peuple et pardonnez-leur tous leurs péchés à cause de votre saint nom, qui a été invoqué sur eux.

Tel fut le succédané de la confession sacramentelle qui s’introduisit d’abord par la coutume et que plusieurs patriarches du xiie siècle, entre autres Jean V (1146-1167) et Marc III fils de Zour’ah (1167-1189) sanctionnèrent de leur autorité. Sous le patriarcat de ce dernier, un prêtre-moine courageux, appelé Marc, fils d’al-Kanbar, osa s’élever contre l’abus. Il enseigna, par la parole et par la plume, la nécessité de la confession faite à un prêtre pour obtenir la rémission des péchés graves, commis après le baptême et pour recevoir dignement l’eucharistie. La controverse piit de l’ampleur. Beaucoup parmi le clergé et les fidèles approuvèrent Marc, vers lequel bientôt de nombreux pénitents accoururent pour se confesser et recevoir l’absolution. Mais d’autres s’élevèrent violemment contre le novateur, qu’ils accusèrent de renier les coutumes nationales, de favoriser l’hérésie des melkites et de vouloir préparer l’union avec eux. On lui imputa toutes sortes d’erreurs bizarres, que sûrement il n’avait jamais soutenues. On le dénonça enfin au patriarche Marc III, qui d’abord l’envoya au monastère de Saint-Antoine (1174), où il continua, malgré ses promesses, son activité réformatrice, puis, en 1188, au monastère de Al-Kousaïr, où il mourut (1208).

Le principal adversaire du réformateur fut le métropolite de Damiette, Michel, dont nous avons déjà signalé les deux écrits polémiques composés à l’occasion de cette controverse. Dans le Traité des usages de l’Église copte, il défend la thèse suivante : 1° Une confession des péchés secrète, privée, faite à un autre, prêtre ou laïc, n’a jamais existé dans l’Église copte ; 2° Cette sorte de confession n’est pas nécessaire ; elle est même contraire à la volonté de Dieu. Les arguments qu’il fait valoir sont curieux : Ni le Christ, dit-il, ni saint Paul, ni aucun livre du Nouveau Testament, ni aucun écrit apostolique ne prescrivent une telle confession. Par contre, le Christ et les Apôtres défendent de s’asseoir pour juger un homme à cause de ses péchés. L’office de juge ne peut convenir qu’à celui qui est impeccable ; or tous les hommes sont pécheurs. La Bible ne recommande que la confession des péchés faite à Dieu seul, le repentir et le ferme propos de ne plus pécher. Jésus-Christ nous a donné l’exemple de cette confession faite à Dieu, quand il a dit : Confiteor tibi, Pater, Domine cseli etterrse, Matth., xi, 25, et il a défendu de donner à un autre qu’à lui le nom de maître, Matth., xxiii, 10. Quand saint Jacques dit : Confitemini alterutrum peccata vestra, Jac, v, 16, il veut parler de l’obligation de demander pardon au prochain quand on l’a offensé, de réparer le dommage qu’on lui a causé.

Le métropolite de Damiette s’avançait beaucoup, quand il prétendait que l’Église copte avait toujours ignoré la confession sacramentelle. Les témoignages ne manquent pas qui prouvent que cette Église, avant l’introduction de l’abus dont nous avons parlé, était d’accord sur ce point avec les autres Églises. Cet abus même ne fut jamais général, et il finit bientôt par disparaître. Si des théologiens, comme Abou’l Barakât, au début du xive siècle, le couvrent encore de leur autorité, cf. Renaudot, Perpétuité, t. III, c. viii, col. 848, déjà, au xin » siècle, As-Sâfi Abou’l Fadaïl, dans son nomocanon terminé en 1236, recommande la confession, comme une médecine spirituelle. A la même époque, Jacques de Vitry constate que, parmi les Coptes, les uns se confessent, les autres ne se confessent pas : Erant ibi (= à SaintJean-d’Acre) jacobilæ (= Coptes) cum archiepiscopo suo qui more Judœorum parvulos circumcidebant, et nulli preeter Domino peccata sua in confessione aperiebant. Alii vero ex ipsis non circumcidebantur et sacerdotibus peccata sua confitebantur. Lettre écrite en mars 1217. Cf. Reinhold Rôhricht, Lettres de Jacques de Vitry,