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MONOPHYSITE (ÉGLISE COPTE), HISTOIRE


le compte de l'Église, etc. « Au ve siècle, au plus beau moment de l'Église égyptienne, le successeur de saint Marc, grâce à son immixtion dans les affaires laïques est un potentat devant lequel tout doit plier.. Dioscore ne connaît aucune borne à son despotisme. Il exile, confisque, incendie… sous le couvert des lois qui confèrent à son habit des pouvoirs exorbitants et mal définis. C’est lui qui reçoit les dons en nature, en blé, accordés par l’empereur aux Églises de Libye : il les garde et les vend à son profit. Il a sa police r ; ses sicaires, ses gardes du corps… Il exécute lui-même les sentences qu’il prononce de sa propre autorité. Non seulement les magistrats, l’augustal sont impuissants contre lui, mais il brave même l’empereur. « J. Ma spéro, Les patriarches d’Alexandrie, depuis la mort de l’empereur Anasiase jusqu'à la réconciliation des Églises jacobites, ' Paris, 1923, p. 6263.

A plus forte raison, les simples évêques, qui reçoivent tous l’ordination de ses mains, ne peuvent-ils rien contre lui. Ils ne sont guère que ses vicaires, et ne peuvent prendre aucune initiative sans le consulter. Choisis pour la plupart parmi les moines, ils ne brillent ni par la science ni même par l'éclat de la vertu. On vit bien, au concile de Chalcédoine, à quel point ils étaient dépendants de leur patriarche. A la quatrième session, invités à souscrire à la lettre du pape Léon, ils déclarèrent ne pouvoir le faire sans l’assentiment de l’archevêque d’Alexandrie. Comme le légat romain Lucentius insistait, ils reprirent : « On nous tuera si nous le faisons ; mieux vaut périr ici de votre main que d'être tués dans notre patrie : Nommez sans délai un archevêque pour l’Egypte (Dioscore venait d'être déposé) et, cela fait, nous promettons de souscrire : ayez pitié de nos cheveux blancs ; Anatole de Constantinople sait qu’en Egypte tous les évêques doivent obéir à l’archevêque d’Alexandrie. Ayez pitié de nous ; nous aimons mieux mourir par ordre de l’empereur ou par votre ordre que d'être massacrés chez nous. Prenez nos sièges, si vous voulez ; choisissez un archevêque pour Alexandrie ; nous ne nous y opposons pas ; mais laissez-nous la vie. » Mansi, Concil., t. vii, col. 51-62.

Ainsi l’archevêque d’Alexandrie exerçait un pouvoir absolu sur son clergé, qui éprouvait à son égard plus que de la crainte filiale et révérentielle. Il était pratiquement considéré comme infaillible. Qu’il se décidât pour un parti, pour une formule de foi, il était sûr d'être suivi non seulement par les évêques et les prêtres séculiers, mais aussi par la foule des moines, qui ne lui étaient pas moins soumis. Le nombre de ces derniers, à l'époque du concile de Chalcédoine, était vraiment prodigieux. D’après les renseignements fournis par les auteurs du ve siècle, on peut estimer qu’il dépassait le demi-million. Maspéro, op. cit., p. 55. Ces moines n'étaient pas des intellectuels ni des théologiens. Ignorants pour la plupart, ils s’en tenaient au credo de leur patriarche. Aussi, quand ils apprirent que Dioscore avait été déposé et condamné par le concile de Chalcédoine, ils suivirent en masse les opposants. Un petit nombre seulement, appartenant presque tous aux monastères Pakhômiens, se rallièrent momentanément au concile. Cf. Paul Van Cauwenbergh, Élude sur les moines d’Egypte, depuis le concile de Chalcédoine jusqu'à l’invasion arabe (640, ) Paris, 1914, p. 181-188. Le peuple, qui avait pour les moines une grande vénération, ne pouvait qu’imiter leur exemple. Ainsi s’explique la défection générale de cette Église d’Egypte qui, à l'époque des persécutions, avait fourni tant de martyrs, et brillé d’un éclat si vif par la science de ses docteurs.

L’histoire de l'Église copte commence donc en 451,

après la condamnation de Dioscore par le concile de Chalcédoine. Dioscore est, peut-on dire, son vrai fondateur par sa révolte contre le concile œcuménique. Les coptes l’ont toujours considéré comme un héros de la foi, le seul des patriarches qui, à Chalcédoine, soit resté fidèle à l’orthodoxie. Après sa mort à Gangres, où il avait été exilé (454), le parti de l’opposition au concile, qui refusait de reconnaître son successeur, Protérius, choisit comme archevêque Timothée Aelure. Celui-ci rallia la grande majorité des chrétiens d’Egypte et, quand ses partisans eurent massacré Protérius (28 mars 457), il prit des mesures sévères contre les catholiques, chassant leurs évêques et les remplaçant par des monophysites. Envoyé en exil à Gangres par l’empereur Léon I 6 ' (460), il reparut à Alexandrie sous l’usurpateur Basilisque, ramenant avec lui les restes de Dioscore (476). Il fut reçu par la population avec un enthousiasme débordant. Le prompt retour de Zenon faillit lui coûter un nouvel exil ; mais on le laissa mourir en paix (477). Les évêques monophysites le remplacèrent par Pierre Monge, qui fut obligé momentanément de se cacher. Il se montra de nouveau, après avoir adhéré à YHénotique de Zenon (482). Cette compromission lui aliéna une bonne partie de ses ouailles monophysites, et l’on eut le schisme des acéphales, dont il a été parlé à l’article Monophysisme. Pierre eut beau joindre à la promulgation de YHénotique la condamnation expresse du concile de Chalcédoine. Cela ne calma pas les intransigeants. Après sa mort (489), ses successeurs : Athanase II (489-496), Jean II Hémula (496-505), Jean III Niciotès (505-516), Dioscore II (516-518) restèrent officiellement attachés au schisme acacien, tout en dépassant souvent, comme Pierre l’avait fait lui-même, les termes de YHénotique par l’anathème lancé contre le concile de Chalcédoine.

Sous l’empereur Justin (518-527), qui mit fin au schisme d’Acace (519). les monophysites d’Egypte furent les seuls à échapper aux mesures de rigueur édictées contre les antichalcédoniens. L’Egypte devint alors le refuge de toutes les notabilités monophysites. Sévère d’Antioche et Julien d’Halicarnasse s’y rencontrèrent, et ne tardèrent pas à commencer leur querelle sur la passibilité du corps du Sauveur : ce qui détermina au sein de l'Église monophysite le grave schisme gaïanite. Cette controverse fut bientôt suivie de plusieurs autres, qui donnèrent naissance à un grand nombre de sectes. On se disputa sur l’incarnation et sur la Trinité. Tout le vie siècle fut rempli par ces querelles qui, unies aux persécutions de Justinien contre les sectaires, compromirent fort l'Église des successeurs de Dioscore. Nous n’avons pas à parler ici de ces sectes, l’essentiel ayant été dit à l’article Monophysisme.

Justinien, en effet, après avoir vainement essayé de ramener les monophysites par des mesures conciliatrices, se détermina à sévir contre eux (536). Si le successeur de Dioscore II, Timothée III (518-535), put gouverner en paix ses ouailles, son successeur Théodose, élu concurremment avec Gaïanos, partisan de Julien d’Halicarnasse, fut déposé presque aussitôt qu'élu (536) et passa en exil le reste de sa vie. Il continua pourtant à exercer une grande influence. C’est avec sa permission que le fameux Jacques Baradée reconstitua l'épiscopat monophysite d’Egypte, décimé par la persécution, en ordonnant d’un coup douze évêques (543), parmi lesquels Conon et Eugène, partisans du trithéisme de Philoponos. On vit bientôt à Alexandrie un patriarche trithéite du nom d’Athanase (566-571) à côté du patriarche gaïanite. A partir de 575, la situation du patriarcat monophysite se compliqua encore. La brouille se mit entre coptes et syriens à propos des titulaires d’Alexandrie et d’An-