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MONOPHYSISME, SECTES DÉRIVÉES

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qu’en avait donnée saint Basile en parlant de la Trinité. Si dans la Trinité, pour avoir une personne, il suffit d’ajouter à la nature divine (considérée d’une manière abstraite et comme une chose commune à chaque personne) la propriété hypostatique qui caractérise chaque personne et la distingue des autres, il n’en va pas de même, quand il s’agit des personnes humaines. Si à l’idée universelle d’homme vous ajoutez les notes et caractères individuels qui concrétisent cette nature humaine commune, la distinguent de la nature concrète d’un autre individu humain, la placent vraiment dans le domaine du réel et la rendent apte à l’existence, vous avez une vraie çùaiç, non universelle et commune, mais individuelle et particulière, une u.eptx7] ouata : et cependant vous n’avez pas encore nécessairement une Û7ï6aTaaiç, un 7 : pôaco7 : ov, une vraie personne. Ce qui constitue l’individu, la personne, c’est l’existence autonome, c’est l’existence en soi-même et à part soi, indépendamment d’un autre. C’est la notion de la personne donnée par Léonce de Byzance. Cette notion lui permet d’établir une distinction nette entre la nature prise comme telle et la personne ou hypostase, et lui fournit une réponse victorieuse contre l’objection de Philopon : ’H u.èv yàp cpùatç xôv xoô elvai Xôyov ÈTUoéyexar y] oè ûtcôaxaatç xai xôv toù xa6’éauxôv elvai. Contra Nestorium et Eutychetem, P G., t. lxxxvi, col. 1280. Entre la cpûcnç concrète et douée d’une existence autonome qui la fait hypostase, et la cpûaiç abstraite et universelle, qui comme telle n’existe pas, est sans consistance, àvuTtoaxaxoç, il y a place pour une çùaiç qui n’est ni douée d’existence autonome — et donc n’est pas hypostase — ni privée des notes individuelles qui la concrétisent et la distinguent des autres natures individuelles — et donc l’empêchent d’être une abstraction — c’est la cpôaiç existant dans une autre hypostase, soutenue par elle dans l’existence et possédée par elle ; une tpôaiç qui ne s’appartient pas mais appartient à un autre qui l’a prise et faite sienne, une çôcuç èvurcôaxaxoç. C’est le cas de la nature humaine individuelle prise par le Verbe. Cf. Léonce de Byzance, ibid., t, ix, col. 1277-1280.

L’intervention de Philopon dans la querelle monophysite amena donc un progrès sensible dans la théologie catholique de l’incarnation. La définition de la personne donnée par Léonce de Byzance enlevait toute force à l’objection du philosophe aristotélicien. Celuici, au fond, n’avait abouti qu’à cette conclusion paradoxale et tout à fait contraire aux déclarations des premiers théologiens monophysites : que la terminologie monophysite avec sa définition de la cpûaiçb 7r6axaaiç s’adaptait mieux à la théologie trinitaire qu’à la christologie. L’objection philoponienne avait aussi montré L’insuffisance des définitions basiliennes de la nature et de la personne. Ces définitions superficielles pouvaient suffire à fonder la distinction entre la nature et les hypostases dans la Trinité : elles manquaient de précision et devenaient dangereuses pour le dogme christologique.

l ne autre conséquence du philoponisme fut de jeter le désarroi dans le camp des mon ophy sites et d’y multiplier les divisions et les sectes. Asquçnagès et Philopon eurent des disciples fervents, parmi lesquels se signalèrent Conon, évfique de Tarse en Cillcie, et Eugène, évêque de Séleucie d’Isaurie. Conon. cependant, ne tarda pas à se séparer de Philopon. Tout en acceptant sa terminologie trinitaire, il refusa d’admettre ses doctrines hérétiques sur la résurrection des corps et l’annihilation du monde actuel à la fin des temps. Sur ces doctrines spéciales du philosophe

alexandrin, voir l’article Ji w Philopon, t. viii, col. 831-839, On eul des lors la secte des philoponiens (dits aussi athanasiens, du nom d’Athanase, qui fut

patriarche d’Alexandrie de 566 à 571) et la secte des cononites.

Les sectes issues du trilliéisme.

Parmi les autres

sectes issues de la controverse philoponienne ou trithéiste, le prêtre Timothée signale les pétrîtes, les damianites ou tétradites et les condobaudites. Il n’est pas facile, avec le peu qu’il nous dit de chacune d’elles, d’établir leur credo distinctif. Ce qui les différenciait, c’était encore, semble-t-il, une question de terminologie.

Les pélrites ou pélriens tiraient leur nom du patriarche monophysite d’Antioche, Pierre de Callinique (581-591), qui fit schisme avec Damien, patriarche d’Alexandrie (578-604). Pierre acceptait l’exposé de la théologie trinitaire fait par Philopon, mais il refusait d’appliquer aux personnes de la Trinité les termes aristotéliciens de cpûaiç et de u.epix/) oùaîa, comme s’écartant d’une manière trop criante du langage communément reçu. Il disait bien avec Philopon et avec tout le monde : Il y a en Dieu trois hypostases, Tpeïç ûrtoatâoeiç : mais il refusait de dire avec le philosophe trois ousies ou çùaeiç numériquement distinctes : Ttapaixoùvxai xai xô Xsyew, dit Timothée, xpsîç xco àpiOfxco oùaîaç ^youv çûasiç xivàç ïaaç àTrapaXXâxxwç, toc. cit., col. 61 B. Cette précaution ne l’empêchait pas d’être traité de trihéiste par Damien et les siens.

Damien, lui, abandonnait complètement le point de vue concret adopté par Philopon en parlant des personnes divines, et revenait à la conception abstraite : il distinguait en Dieu la nature ou essence prise comme telle et considérée séparément des personnes, et chaque personne prise comme telle, c’est-à-dire la propriété hypostatique constituant chacune des personnes. Dès lors, <pùaiç ou oùaîa en Dieu n’était plus synonyme d’ÙTtôaxaaiç. L’Ù716axaat.ç divine prise comme telle n’était pas Dieu par nature : elle était Dieu par participation à la <pùaiç divine. Damien voulait dire ce qu’enseignent nos théologiens scolastiques : la personne divine prise comme personne est constituée par la propriété hypostatique, c’est-à-dire la relation opposée, le conceptus ad de Cajétan. L’nie à la nature divine, avec laquelle elle s’identifie, du reste, dans la réalité, la propriété hypostatique devient la personne concrète, qui est Dieu. Dieu le Père, c’est la relation de paternité avec la nature divine. Dieu le Fils, c’est la filiation avec la même nature divine. Damien avait le tort de devancer son époque et de parler comme un scolastique du Moyen Age. On ne le comprit pas, ou l’on ne voulut pas le comprendre. On le traita tantôt de tétradile, parce qu’il semblait poser quatre entités différentes en Dieu ; les trois personnes plus la nature divine commune aux troistantôt de sabelllen, parce qu’il paraissait faire des personnes divines de pures formalités de l’unique nature divine. Voici, du reste, le court signalement des damianites fourni par Timothée : u.Y) elvai Se xoûxwv exaaxov xaO’êauxôv 0eôv çùaei, àXX’ë^eiv xoivôv Heôv ^youv 0e6xr ( xa èvÙTcapxxov, xai xaùxfjç ji.exéxovxa àSiaipsxcoç eïvai 0eôv ëxaaxov, col. 60. Plus haut, col. -15, dans ce qui semble être la première édition de son opuscule, Timothée a attribué aux pétrîtes une définition de l’hypostase qui ne cadre qu’avec le point de vue de Damien : xy ; v Û7t6axaaiv u.6va elvai tSiâ)|jLaxa X W P^ oùaîaç. C’est manifestement à lui qu’il faut la restituer.

I’.estent les condobaudites, ainsi appelés « lu quartier de Constantinople où les premiers adeptes de la

secte tenaient leurs réunions. Il n’est pas facile de caractériser leur doctrine trinitaire. Timothée écrit sur leur compte une phrase qui n’est pas la clarté même : oi Xéyovxeç 2va 0eov elvai x<~> àpiOu.<{) xai où/i xf, à7tapaXXâxx « o laoxirjxi - xôv aùxôv Flaxépa xai