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MONOPHYSISME, SECTES DÉRIVÉES


samment expliquée. L’Église romaine elle-même, dans l’office du Vendredi saint, rapporte le Trisagion à Jésus crucifié, comme l’ont justement fait remarquer certains arméniens catholiques. Cf. J. Cappelletti, Nerselis Clajensis opéra, t. i, p. 186 en note ; Acta synodi palriarchalis armenorum Conslantinopoli habitée (1890Î, p. 264.

V. Les sectes issues du monophysisme sévérien

ET LE MONOPHYSISME TRINITAIRE. Avant de Se

cristalliser en théologie relativement stable et uniforme dans les Églises monophysites, le monophysisme sévérien, plus encore que l’eutychianisme proprement dit, se scinda en une série invraisemblable de sectes pendant les deux premiers siècles qui suivirent le concile de Chalcédoine. La terre classique de ces divisions fut l’Egypte, où le mouvement antichalcédonien avait d’abord pris naissance. A la base de ces divisions, on trouve, la plupart du temps, non une opposition nette de doctrines, mais des querelles de mots. Enfantée par une logomachie voulue et soigneusement entretenue, la secte fut punie par où elle avait péché. Elle se débattit pendant longtemps dans d’interminables logomachies, qui plusieurs fois faillirent la faire disparaître.

Notre intention n’est pas ici de décrire longuement chacune de ces sectes. Plusieurs d’entre elles ont déjà fait l’objet d’articles spéciaux dans ce dictionnaire. La plupart, du reste, ne sont connues que par le peu qu’en écrivit, au début du viie siècle, le prêtre Timothée de Constantinople, dans son opuscule De receplione hserelicorum, t. lxxxvi, col. 11-74. Quelques-unes durent leur naissance à des conflits de juridiction et ressortissent non au Dictionnaire de Théologie, mais au Dictionnaire d’histoire ecclésiastique. D’autres eurent une existence éphémère et disparurent bientôt sans laisser de traces. Le prêtre Timothée, comme tous les hérésiologues, prend un manifeste plaisir à augmenter sa collection autant que possible, et à signaler les moindres fissures dans l’édifice antichalcédonien. Nous nous bornerons donc à établir la généalogie des principales sectes du point de vue doctrinal et à noter leurs divergences. Nous parlerons surtout de ce qu’on peut appeler le monophysisme trinitaire, issu de l’application de la terminologie monophysite de l’incarnation au mystère de la Trinité. A prendre les mots dans le sens courant, quiconque veut rester dans l’orthodoxie doit être monophysite quand il s’agit du mystère de la Trinité, puisqu’il n’existe en Dieu qu’une seule cpûaiç, une seule nature divine. Nous allons voir comment un bon nombre de sévériens furent amenés à répudier ce monophysisme légitime et à devenir triphysiles sur le mystère de la Trinité, alors qu’ils restaient opiniâtrement monophysites sur le mystère de l’Incarnation.

Acéphales contre hénoticiens.

La première division

sérieuse qui mit la brouille parmi les partisans du monophysisme verbal fut causée par YHénotique de Zenon. Alors que les évêques, chefs de la secte, se rallièrent à cette formule de foi, une partie importante de leurs ouailles refusa de les suivre sur ce terrain de compromission. A ces fanatiques il fallait un anathème explicite contre le concile de Chalcédoine, qui avait osé déposer saint Dioscore. On eut ainsi les hénoticiens et les acéphales. Les acéphcles ne tardèrent pas à décliner. On en trouvait cependant encore quelques-uns sous l’empereur Maurice (582-602), et le prêtre Timothée connaît trois sectes d’acéphales ; les anthropomorphites, les ésaianites et les barsanouphiens : De receplione hærelicorum, loc. cit., col. 45 AB, 56-57. Cf. article Hénotique, t. vi, col. 2153-2178 ; article Acéphales du Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastique, 1. 1, col. 282-288 ; Jean Maspéro, Histoire des patriarches d’Alexandrie depuis la mort de l’empe reur Anastase jusqu’à la réconciliation des Églises jacobites (518-616), Paris, 1923, p. 191, 291.

Aphtartodocètes contre phlartolâtres.

Au début

du règne de l’empereur Justin, vers 518-520, éclata entre Sévère d’Antioche et Julien d’Halicarnasse une querelle autrement grave, parce qu’elle avait une base doctrinale. Elle roulait sur la passibilité du corps de Jésus-Christ avant la résurrection, et n’était point une pure logomachie. Nous n’avons pas à exposer ici la doctrine respective des deux adversaires. Voir les deux articles : Gaianites et Gaianite (La controverse ) ET LA PASSIBILITÉ DU CORPS DE JÉSUS-CHRIST,

t. vi, col. 999-1023 ; l’article Julien d’HALicARNASSE, t. viii, col. 1931 ; et pour l’interprétation de la doctrine personnelle de Julien d’Halicarnasse, l’ouvrage de R. Draguet, Julien d’Halicarnasse et sa controverse avec Sévère d’Antioche sur l’incorruptibilité du corps de Jésus-Christ. Étude d’histoire littéraire et doctrinale suivie des Jragments dogmatiques de Julien, Louvain, 1924, et M. Jugie, Julien d’Halicarnasse et Sévère d’Antioche, dans les Échos d’Orient, t. xxiv (1925), p. 129-162, 257-285.

Notons seulement que, sur la terminologie christologique, il n’y avait point entente parfaite entre Sévère et Julien. Alors que le premier ne refusait pas de dire Sûo oùaiou, deux essences, après l’union, et comptait aussi les propriétés de la divinité et de l’humanité comme en qualité naturelle, ù>ç èv ro>t6T7]Ti cpuCTixfj, le second faisait du terme ouata un synonyme de cpûaiç et d’Û7r6aTaai.ç, et refusait de compter les propriétés des deux natures après l’union. Ces particularités verbales jointes à la doctrine de l’impassibilité et de l’incorruptibilité du corps du Christ dès le premier instant de l’union, donnaient au julianisme l’allure d’un demi-eutychianisme.,

En poussant à bout la tendance eutychienne du maître, certains de ses disciples aboutirent au parler théologique le plus étrange, et formèrent la secte des Aclistètes, àx-rtc-r^Tai ou dbmemTai. : A force d’insister sur l’unité du Christ, et pour ne vouloir pas compter les propriétés des natures après l’union, ils en arrivaient à communiquer au corps du Sauveur et à son humanité en général, les propriétés mêmes de la divinité, et à dire, par exemple, que la chair du Christ était non seulement incorruptible mais incréée : d’où le nom d’Actistètes qu’on leur donna. Cf. le prêtre Timothée, op. cit., col. 44.

Agnoètes et niobites.

La controverse entre

sévériens et julianistestament bientôt des divisions parmi les sévériens eux-mêmes.

Sévère avait soutenu contre Julien que le corps du Sauveur avait été corruptible et passible. Un de ses disciples, le diacre Alexandrin Thémistius, s’avisa d’attribuer aussi des imperfections à l’âme du Christ : ce qui accentuait la distinction des deux natures et de leurs propriétés respectives après l’union. Il reprit à son compte l’opinion de quelques anciens Pères qui, dans leur polémique avec les ariens, avaient attribué, ou paru attribuer une certaine ignorance à Jésus-Christ comme homme, notamment l’ignorance du jour du jugement. Cette question fut soulevée non pas, semble-t-il, sous le patriarche Timothée III (518-535) comme l’affirme Libératus, Breviarium causæ neslorianorum et eutychianorum, 19, P. L., t. lxviii, col. 1034, mais sous son successeur, Théodose (535-566) après la mort de Sévère († 538), aux environs de 540, alors que Théodose se trouvait à Constantinople. Cf. Léonce de Byzance, ou plutôt l’auteur du De seclis, act. v, 3, P. G., t. lxxxvi, col. 1232. Théodose repoussa l’opinion de son diacre comme une hérésie : on ne pouvait attribuer l’ignorance au Verbe incarné, même dans son humanité. Thémistius se sépara alors du patriarche, et devint le docteur d’une secte à part,