Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.2.djvu/466

Cette page n’a pas encore été corrigée
2225
2226
MONOPHYSISME SEVERIEN


Untersuchungen, t. iii, Leipzig, 1887, p. 43, font enseigner au même docteur, et par suite à ses disciples monophysites, une théorie d’après laquelle l’humanité prise par le Verbe n’aurait pas été une véritable nature individuelle en tout semblable à la nôtre, mais un complexus des propriétés essentielles de l’humanité, dont le Verbe aurait revêtu son unique çùaiç divine en les faisant participer à son existence. Ce qui est sûr, c’est que saint Cyrille, dans sa polémique contre Nestorius et dans les explications qu’il a données de ses écrits dirigés contre lui, emploie le langage monophysite et la plupart de ses formules sans dévier de l’orthodoxie. C’est à son autorité que les antichalcédoniens dont nous parlons en appellent sans cesse. Leur tort est seulement de ne pas imiter la condescendance et la largeur d’esprit dont il fit preuve, de ne pas consentir à donner au mot cpûaiç, la signification déterminée au concile de Chalcédoine en disant comme saint Cyrille en 433, dans le symbole d’union : Sûo <pûaet.ç après l’union, sans restriction.

3° Formules relatives aux propriétés et aux opéralions. — Le point de vue exclusif auquel se placent les théologiens monophysites les amène à unifier dans le Christ non seulement la çûaiç ou hypostase, c’est-à-dire le sujet concret, mais aussi : 1. l’appartenance en propre de tout ce que possède le Christ en sa divinité et en son humanité, tô ÏSlov, tj LSiorrçç ; 2. l’opération considérée comme impulsion de l’agent vers le terme de l’action, èvépyeioc : 3. la volonté considérée non comme faculté à l’état statique, ni comme terme de l’acte de vouloir, mais comme détermination de la personne à agir, Qél-qaiç. Ils sont tous de ce fait et sous ce point de vue monénergistes et monothélites. Ayant toujours et uniquement les yeux fixés sur la personne du Verbe ou principium quod, dont ils sont préoccupés de maintenir l’unité contre les nestoriens, ils bannissent impitoyablement le nombre de tout ce qui peut se rapporter à ce principium quod. Pour eux, le nombre appliqué au Verbe incarné après l’union, sous quelque rapport que ce soit, est nestorien et comme ils disent « diviseur ». Il divise le Christ en deux sujets, deux personnes, car, d’après eux, il ne s’applique proprement qu’à des êtres séparés dans l’existence et totalement indépendants. Ils ferment les yeux sur ce que nous appelons la nature considérée comme telle ou principium quo ; ou, s’ils en parlent, c’est avec des précautions minutieuses pour écarter tout ce qui de près ou de loin pourrait amener à penser que le Christ est double et non un. Leur manière de parler des propriétés, des opérations, des volontés de l’Homme-Dieu est commandée par ce point de vue, qui n’est pas faux, pris en lui-même, mais qui est incomplet et devient étrange et dangereux, violent et contraire au parler philosophique communément reçu, lorsqu’il est systématiquement exclusif. Voici comment on peut résumer leur raisonnement à propos de l’unique propriété, de l’unique opération et de l’unique volonté :

1. Il n’y a qu’un possédant, un propriétaire ; donc il n’y a qu’une propriété au sens propre du mot. Attribuer dans le Christ quelque chose en propre à autre chose qu’à la « pôoiç ou hypostase du Verbe, c’est diviser le Christ ; c’est introduire le dualisme nestorien.

2. Il n’y a dans le Christ qu’un seul agent ou opérant, qui agit tantôt par sa divinité et tantôt par son humanité ; donc il n’y a en lui qu’une seule èvépyeia, c’est-à-dire une seule initiative vers l’action, une seule opération prise par rapport au principium quod ut sic. et non par rapport au principium quo. Dire que, dans le Verbe incarné, il y a deux èvépyeiat, , équivau drait à affirmer qu’il y a en lui deux sujets, deux personnes.

3. Il n’y a dans le Christ qu’un seul voulant, unus volens ; donc il n’y a en lui qu’une seule volonté, un seul choix à vouloir, 0sXï]oi.ç. Dire qu’il y a en lui deux volontés serait multiplier les voulants ; donc tomber dans le nestorianisme.

Cependant nos théologiens, et spécialement Sévère, arrivent à se maintenir péniblement et avec des formules contournées, des distinctions subtiles, hors de l’hérésie apollinariste et eutychienne. S’ils nient la multiplicité des propriétés ou du propre ou, si l’on veut, du droit de propriété, ils reconnaissent qu’après l’union l’humanité et la divinité demeurent sans confusion ni mélange et qu’elles conservent physiquement ce que saint Léon appelle les propriétés de chaque nature : Agit utraque jorma cum alterius communione quod proprium est, Verbo scilicet opérante quod Verbi est, et carne exsequente quod carnis est. Ce passage, contre lequel protestent tous les monophysites, ne signifie, au fond, pas autre chose que ce qu’affirme Sévère, quand il maintient, contre l’eutychien Sergius le Grammairien, la permanence des propriétés de l’humanité et de la divinité comme en qualité naturelle, ISiô-njç é>ç, sv tcoiottj-u çuoixyi, èv î8t, 0T7]T(. ty) xoexà cpûcnv : ce qui veut dire que la divinité et l’humanité sont la source de qualités différentes et physiquement distinctes entre elles sans aucun mélange ; mais les unes et les autres appartiennent en propre à l’unique sujet qui est la personne de Dieu le Verbe. De même, un est l’agent qui a l’initiative de l’action, et une l’impulsion vers l’action, èvépyet.a ; mais les termes de l’action, tô èvepyirjôév, peuvent être différents, suivant que le Verbe agit par sa divinité ou par son humanité, ou par les deux à la fois, comme dans la production des miracles. Toute activité du Christ est divine sous un rapport, c’est-à-dire en tant qu’elle appartient à l’unique personne du Verbe, actiones sunt suppositorum ; mais cela n’empêche pas une véritable différenciation des activités, quand on les considère soit dans leur principe physique immédiat, principium quo, soit dans leurs termes, rà à7roT£Xea6évTa : « L’èvépyeia du Christ, dit Sévère, est sans contredit divine, comme étant celle du moteur supérieur, selon la doctrine des Pères. Mais ses effets sont différents : ils sont divins et humains, suivant qu’on nous l’a enseigné : Oûtid xocl oùx iiépoiç, xocl rcepl t% èvepyeiaç cpauiv Œîa (i.èv yàp aûxT) ôu.oXoyou(jivcoç, wç toû xpexT-rovoç èxxivv)aavxoç xaxà toùç 7raTSpaç" Siàcpopa Se Ta èx tocut/jç à7TOTeXoù[jL£va, 6eïà te xal àv6pa>7uva, cî)ç èna.t, 8zûQy]fjtsv. » Mansi, Concil., t. x, col. 1124. C’est en se plaçant au point de l’unité du sujet que Sévère, comme Pseudo-Denys, parle de l’èvépyeia ôeavSpixr) ou aôvôetoç du Christ, parce que le Verbe, une fois uni en unité d’hypostase avec l’humanité, est un sujet d’attribution théandrique et composé : il est désormais non seulement Dieu mais aussi homme.

L’unité de volonté est expliquée de la même manière : ce n’est qu’une espèce particulière d’evspyeia : La 6éXt]ck< ; est dite unique, parce qu’elle part de l’unique sujet, Dieu et homme tout ensemble ; mais les opérations physiques et les termes de cette 0éXY)<ji< ;, Ta 0eXY)(jLaTa, peuvent être différents : il y aura le 6éXr, f/a divin et le OéXrjjia humain : « Le même, dit Sévère, refusait humainement la soufrance, et disait : Père, s’il est possible, que ce calice s’éloigne de moi… et divinement, il disait : L’esprit est prompt, et volontairement il allait à la souffrance. » Cité par Lebon, op. cit., p. 464.

Les théologiens monophysites dont nous parlons gardent donc, en dépit de leurs formules scabreuses, hétérodoxes, de saveur vraiment eutychienne, une