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MONOPHYSISME SEVERIEN


l’esprit, pour renouveler tout l’homme… » Il s’est fait homme non par changement ou conversion de ce qu’il était en ce qu’il est devenu, mais, comme l’enseigne Paul, en participant à notre sang et à notre chair… Même dans son fieri (c’est-à-dire en se faisant homme), son être est resté sans changement… Le Verbe ne fut pas changé en la chair, quand il prit d’elle un corps, et la chair ne fut pas convertie en la nature du Verbe, quand elle lui fut unie. Les natures n’ont pas été mélangées entre elles comme l’eau et le viii, qui, par leur mélange, perdent leurs natures, ou comme les couleurs et les médicaments qui, une fois mélangés entre eux, perdent chacun la détermination et la qualité qu’ils possèdent par nature. » A. Vaschalde, Philoxeni Mabbugensis tractalus de Trinitate et Incarnalione, dans le t. xxvii du Corpus scriptorum christianorum orientalium de J.-B. Chabot, I. Guidi, Paris-Rome, 1907, p. 46, 33, 113. Voir d’autres textes du même réunis par Lebon, op. cit., p. 202, 206, 214.

4. Sévère d’Antioche.

Quant au prince des théologiens monophysites, Sévère, innombrables sont les témoignages de son orthodoxie christologique foncière tant dans ses écrits publiés que dans les inédits. Il enseigne très clairement que le Verbe n’a subi aucun changement dans l’incarnation ; qu’il est véritablement devenu notre consubstantiel par l’humanité complète qu’il a prise de la Vierge ; que l’union s’est faite sans aucun mélange ni confusion, ni division. Ce seul texte d’une de ses professions de foi suffira à nous convaincre que sa pensée était aux antipodes de l’eutychianisme : « Celui qui était éternellement consubstantiel à Celui qui l’engendre, c’est lui-même qui est descendu volontairement, et est devenu consubstantiel à sa mère. Il est donc devenu homme, étant Dieu ; il est devenu ce qu’il n’était pas, tout en restant sans changement ce qu’il était ; car il n’a pas perdu sa divinité dans son incarnation, et le corps n’a pas perdu la qualité tangible de sa nature. Mais étant vrai Dieu, parfait en tout ce qui appartient à son être, il est descendu et a pris un vrai corps du corps de la Vierge, et il n’a pas subi de changement de ce qu’il était en devenant homme. » Texte cité et traduit du syriaque par Lebon, ibid., p. 206-207.

5. Les hénoticiens.

Nous arrêterons là cette énumération et ces citations. On pourrait prouver de la même manière l’orthodoxie de plusieurs autres monophysites de marque, et en particulier de ceux qui adhérèrent à YHénotique de Zenon. Il est évident que ceux qui signèrent cette profession de foi n’étaient pas des eutychiens. Plusieurs d’entre eux donnent si peu l’impression de l’hérésie dans leurs écrits, qu’ils ont été honorés comme des saints par les catholiques, qui ignoraient leur véritable attitude à l’égard du concile de Chalcédoine : tels le Pseudo-Denys l’Aréopagite et Jacques de Saroug. Ceux qui désirent une plus ample information, sur la christologie des théologiens monophysites de la première période, trouveront dans l’ouvrage de J. Lebon, déjà indiqué, une ample moisson de textes probants tirés pour la plupart de manuscrits syriaques encore inédits.

Exégèse des formules du monophysisme sevérien.


L’orthodoxie christologique des principaux théologiens monophysites de la première période (451-543) apparaît encore dans leur exégèse des termes, expressions et formules qui leur sont propres, et qui, entendus au sens ordinaire des mots, c’est-à-dire selon la terminologie chalcédonienne et dyophysite. ne peuvent qu’exprimer Peutychianisme ou l’apollinarisme.

Tout d’abord, comme nous l’avons déjà dit, ces théologiens attribuent au mot « pàciç un sens identique aux termes Û7v6aTaaiç et 7rp6aw7rov du langage chalcédonien et dyophysite. Alors que, pour le concile de Chalcédoine et les catholiques, le mot « pûoiç (en

latin natura), désigne la nature, individuelle sans doute et complète en elle-même, mais abstraite de son suppôt ou personne, pour les monophysites il est un parfait synonyme de ÔTrôa-raaiç, hypostase ou personne, et même de 71p6aco : rov entendu au sens catholique (non au sens nestorien). Il signifie toujours, quand il s’agit de la théologie de l’incarnation, la nature individuelle concrète et subsistant en elle-même d’une existence indépendante, c’est-à-dire le sujet concret lui-même, la personne existant comme telle dans la réalité. Quand ils veulent exprimer l’idée signifiée par la cpôaiç chalcédonienne ou la natura du tome de saint Léon, certains d’entre eux — pas tous_ — emploient le mot ouata, essenlia, et ne font pas difficulté de reconnaître qu’après l’union l’ouata de la divinité demeura distincte, sans mélange ni confusion, de l’ouata de l’humanité. Comme synonymes de ouata, ils emploient aussi les expressions cyrilliennes : ttoiôt^ç çuoixt), ô Xoyoç toô tccoç eïvai. C’est en particulier le cas de Sévère dans sa controverse avec l’eutychien Sergius le Grammairien. Le patriarche d’Antioche, qui dit avec tous les monophysites [lia. çûaiç après l’union, ne consent pas à dire y.i<x ouata. Il confesse qu’après l’union, persévère entre l’humanité et la divinité la différence en essence ou en qualité naturelle, Siaçopà èv ouata, èv 7to16t7)T[. (puaixyj. Cf. Lebon, op.cit., p. 257, 433-441.

Cette synonymie des termes cpôaiç, rjTc6aTaaiç, 7tp6acoKov dans la théologie monophysite de l’incarnation est la clef de tout leur formulaire christologique. On peut en établir l’existence par une série interminable de citations. J. Lebon a fait ce travail dans son ouvrage, p. 242-280. Le lecteur peut s’y reporter. Qu’il nous suffise ici de donner un passage de Sévère, qui déclare nettement que le mot <pûaiç n’a pas le même sens dans la théologie trinitaire et dans la théologie de l’incarnation. Quand il s’agit de la Trinité, çûaiç désigne la divinité ou la nature divine considérée comme abstraite ou séparée des trois personnes qui la possèdent : c’est alors l’équivalent de la çûaiç du concile de Chalcédoine et de la natura des Latins. Au contraire, quand il s’agit du Christ, le mot tpôaiç garde toujours son sens concret : c’est l’individu subsistant, l’hypostase, la personne même du Verbe revêtue de la chair, c’est-à-dire de l’humanité. Sévère écrit donc : « Sans conteste possible l’hypostase et l’ousie ou physis, quand il s’agit de la théologie, ne sont pas la même chose ; mais quand il s’agit de l’économie, elles sont identiques entre elles : ’Ou, oXoyoufièvoiç fjLÉv Y) Û7r6aTaTtç xat Y) ouata Y)T° r - cpûaiç èrcl T ? ( ç ôeoXoytaç oùx ëaxi Taùrév èrcl fièvTOi tîjç oîxovo [itaç Taù-rôv àXXrjXoiç eiciv. P. G., t. lxxxvi, col. 1921.

La synonymie des termes tpûatç, ûrc6aTaaiç, 7tp6acoTrov, une fois reconnue, les formules christologiques des monophysites sévériens sont d’une exégèse facile. Passons en revue les principales :

1. La fameuse formule ^.ta çtiaiç toû A6you aeaapxco [iivY), traduite non par una natura Dei Verbi incarnata, mais’una hyposlasis vel persona Dei Verbi incarnala, ne présente plus aucune difficulté, mais est l’expression même de l’orthodoxie en langage monophysite. Dire : Deux hypostases du Verbe incarné ou incarnées serait une monstruosité théologique. C’est cette monstruosité que les polémistes antichalcédoniens ont prêtée non seulement aux nestoriens, mais aussi au concile de Chalcédoine, et au tome de Léon traduit en grec, le mot latin natura ayant été rendu par cpûaiç. Ces polémistes s’entêtent dans leur point de vue exclusif, et ne condescendent pas, comme l’avait fait saint Cyrille, qui tenait avant tout à l’orthodoxie et non aux mots, à donner à çûaiç un sens différent du leur, partout où ils le rencontrent. Ils ont