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MONARCHIANISME, DESTINÉES ULTERIEURES


tion scripturaire, mais la déclaration catégorique de la foi professée par l’Église… Ce n’est pas l’érudit ni le théologien qui parle, c’est le pape. » J. Lebre’on, Le désaccord de lu joi populaire et de la théologie savante dans l’Église clirétienne du III’siècle, dans Revue d’histoire ecclésiastique, t. xx, 1924, p. 9-10.

Denys d’Alexandrie s’expliqua sans tarder. Une première lettre, rapidement écrite, ébaucha sa défense. Un second ouvrage plus développé, qui portait le titre d’"EXeyX ? x= " à-nokoyi’x, contenait une justification en règle. L’évêque déclarait qu’il n’avait jamais voulu diviser et séparer le Père d’avec le Fils et le Saint-Esprit ; car c’est ainsi, écrivait-il, que nous étendons en Trinité l’indivisible unité, et que nous ramenons à l’unité la Trinité incapable de diminution : oûtcù [jtèv ï)u, eïç eïç te tyjv xptâSa t/ ; v p-ovâSa -ÀDCT’Jvoji.£v àSiaipeTOv, xal tJjv xpiàSa 7tâXiv àu.sîwtov eiç TTfJ ixovâSa auvxe9ava1.oup.EOa. Athanase, De sentent. Dionys., 17, P. G., t. xxv, col. 505 A. Le pape fut sans doute satisfait de ces déclarations, car il ne semble plus avoir rien demandé à l’évêque d’Alexandrie, qui termina sa carrière entouré de la confiance et du respect de tous ses collègues orientaux.

IV. Les destinées du monarchianisme.

L’intervention de saint Denys d’Alexandrie, contre les sabelliens de la Pentapole, est le dernier événement notable qui se rapporte à l’histoire du monarchianisme. Après 260, nous n’entendons plus parler, ni en Orient, ni en Occident, d’une activité quelconque de groupes qui se seraient recommandés de Sabellius ou de Noët. Seul, saint Épiphane, qui rédigeait son traité Contre les hérésies après 370, prétend savoir qu’il y avait encore de son temps des sabelliens en Mésopotamie et à Rome, liserés., lxii, 1, P. G., t. xli, col. 1052 ; mais ce renseignement n’est pas incontestable. Pendant les cinquante ou soixante années de leur activité, les modalistes avaient plutôt formé des écoles que des Églises dissidentes. Condamnés par Calliste puis par Denys, il ne leur était plus possible de se survivre.

Sans doute, durant tout le ive siècle et encore plus tard, les théologiens et les polémistes auront de fréquentes occasions de rappeler le souvenir de Sabellius, et d’accuser leurs adversaires de renouveler l’erreur du vieil hérétique. Cette accusation sera surtout portée par les ariens contre les défenseurs de l’orthodoxie nicéenne, et d’abord contre saint Eustathe d’Antioche ; avec plus d’insistance encore, elle sera renouvelée contre Marcel d’Ancyre et ses partisans ; et il faut bien avouer que le système de Marcel présente de nombreuses analogies avec celui de Sabellius, tel du moins que nous le font connaître les fragments de saint Denys d’Alexandrie, et, plus tard, les œuvres de saint Athanase et des autres docteurs du iv siècle.

S’il n’y a plus, à proprement parler, de modalistes, qui se rattachent historiquement à Noët, à Épigone, à Sabellius, il subsiste encore des manières de s’exprimer, peut-être même des manières de penser qui rappellent celles des premiers maîtres de l’hérésie. Cette permanence de formules modalistes, jusque dans des milieux où l’on ne s’attendrait pas à les trouver, nous amène à nous poser une question nouvelle et à nous demander si peut-être l’erreur n’a pas laissé sa trace dans un certain nombre d’écrits orthodoxes.

Suivant quelques théologiens protestants ou libéraux, le modalisme en effet ne serait pas autre chose que l’expression donnée à la croyance commune des simples fidèles. A. Harnack par exemple estime que.

jusque vers la fin du second siècle, la conscience chrétienne se contenta de formules assez simples, qui alln niaient la divinité du Christ, sans se préoccuper autrement d’expliquer comment le Christ était Dieu, ni surtout quels étaient ses rapports avec le l’ère,

dont les Évangiles, et spécialement la formule baptismale, enseignaient l’existence. On disait que le Christ était Dieu ; on chantait des hymnes au Christ comme à Dieu ; et cela suffisait. Lorsqu’on essayait d’aller plus loin, comme Hermas, on risquait d’employer des termes obscurs ou des images plus ou moins cohérentes, et bien peu nombreux étaient ceux qui se croyaient obligés de scruter ainsi le mystère de la foi.

Les apologistes cependant, poussés par le désir d’exposer aux païens une doctrine entièrement cohérente, avaient dû chercher autre chose : la théologie du Verbe leur avait fourni le moyen de concilier l’unité de Dieu et la divinité du Sauveur. Vers la fin du iie siècle, la lutte éclata entre les simples fidèles qui tenaient à la monarchie divine et les docteurs qui exposaient l’économie de la Trinité. Elle devait se prolonger longtemps. « Celui qui l’a ouverte, écrit A. Harnack, et qui a commencé l’attaque, nous ne le savons pas. Ce n’est pas la lutte de la théologie contre la religion de l’enthousiasme, car les enthousiastes sont aussi les adversaires de la théologie du Logos ; mais, c’est, dans les cercles de la philosophie, le combat du platonisme contre le stoïcisme, la lutte pour l’hégémonie, et finalement la victoire de Platon sur Zenon et Aristote ; c’est l’histoire de la défaite du Christ historique par le Christ préexistant, du vivant par le pensé ; dans la dogmatique enfin, c’est la tentative victorieuse pour imposer la foi chrétienne aux laïques par une formule théologique incompréhensible pour eux, et pour remplacer la personne par le mystère de la personne. » A. Harnack, Monarchianismus, dans Protest. Realencyclopâdie, 3e édit., t. xiii, p. 306.

A. Harnack va plus loin encore. Il croit découvrir la trace des doctrines ou tout au moins des tendances monarchiennes dans un grand nombre d’écrits chrétiens. Il interprète en ce sens les titres des six premiers chapitres du IIe livre des Testimonia de saint Cyprien : I. Cliristum primo genilum esse et ipsum esse sapientiam Dei per quem omnia facta sunt. IL Quod sapientia Dei Christus… VI. Quod Deus Christus ; quelques passages du De montibus Sina et Sion, faussement attribué à saint Cyprien, entre autres ces lignes du c. iv, édit. Hartel, p. 104 : Caro dominica a Deo Pâtre Jésus vocita est ; Spirilus Sanctus, qui de cœlo descendit, Cliristus, id est unctus Dei vivi a Deo vocitus est, spiritus carni mixtus Jésus Cliristus ; plusieurs vers du Carmen apologeticum de Commodien ; et surtout de nombreuses expressions des Acia Archclai d’Hégémonius, qui distingue le fils de Marie du Christ de Dieu qui est descendu sur lui : Est enim qui de Maria natus est filius, qui lotum hoc quod magnum est voluit perjerre certamen Jésus. Hic est Christus Dei qui descendit super eum qui de Maria est, 60, édit. Beeson, p. 87. Selon A. Harnack, de telles formules révéleraient la persistance du modalisme dans le peuple chrétien, bien longtemps après sa condamnation par l’Église ; et jusqu’au ve siècle on pourrait trouver la preuve de survivances analogues. « Il est important, remarque Harnack, que chez Optât, Ambroise.l’Ambrosiaster et Augustin, les marcionites sont dénoncés à côté de Sabellius dans la polémique. En Occident le monarchianisme devait toujours être combattu : pouvait-on employer contre lui un argument plus venimeux que de le rapprocher du marcionisme ? Comme sur un mot d’ordre, les sabelliens sont rattachés aux marcionites alors presque inconnus, mais haïs et méprisés. » MOTCion, 2e édit., p. 391*.

Qu’il n’y ait pas là autre chose qu’une thèse, c’est ce qu’il est facile de montrer. Seule l’autorité qui

s’attache au savant professeur de Berlin peut obliger l’historien à examiner de près ses affirmations. Mais la

thèse ne résiste pas à l’examen. Les traces que relève