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MOLINISME, CONTROVERSES Au XVIII* SIECLE


Théodore de Viaixiies, compléta l’offensive par un autre in-folio : Acta omnia congre gationum ac disputationam quæ, coram SS. Clémente VIII et Paulo V summis pontificibus, sunt celebratæ in causa et controversia Ma magna de auxiliis divinæ graiiæ, quas disputationes ego F. Thomas de Lemos eadem gratia adjutus sustinui contra plures ex societate, Louvain, 1707. La gravure de tête montre Paul V renvoyant les parties en disant Pax Dobis ; mais derrière lui on voit, toute préparée, la Bulla Pauli quinti contra Molinam, sous laquelle se lit la décision : reseratur ad tempus.

Les jésuites répondirent à la fois à cette double attaque, par un ouvrage publié à Anvers en 1705 : Historiée controversiarum de divinæ graiiæ. auxiliis sub summis pontificibus Sixto V, Clémente VIII et Paulo V, libri sex, quibus demonstrantur ac refelluntur errores et imposturæ innumeræ quæ in Hisloria Congregationum de auxiliis édita sub nomine Augustini le Blanc noiatæ sunt ; et re/utantur Acta omnia earumdem Congre gationum, quæ sub nomine Fr. Thomæ de Lemos prodierunt. Auctore Theodoro Eleutherio theologo. Le point de vue de l’auteur ressort, ici aussi, de la gravure initiale. On y voit rassemblé le concile de Trente, au-dessus duquel plane le Saint-Esprit, qui exerce son influence pro gratia et libero arbitrio ; des condamnations émanées de lui frappent, à droite et à gauche, Pelage et Calvin : Si quis dixeril hominem absque gratia posse justificari, anathema sit. — Si quis dixerit liberum arbitrium a Deo motum non posse dissenlire, a. s.

Dans une nouvelle édition de son Historia, donnée à Anvers en 1709, Le Blanc, signant cette fois de son vrai nom Jacques-Hyacinthe Serry, docteur de Sor bonne et premier théologien de l’Académie de Padoue, ajouta, outre des compléments divers disséminés dans le texte, un Liber quintus, superiorum librorum apologeticus, adversus Theodori Eleutherii eodem de argumento pseudo-historiam. Le P. Eleutherius sortit lui aussi de son anonymat, dans ses Historiæ controversiarum ab objectionibus R. P. Hyacinthi Serry vindicatæ libri très, Anvers, 1715, qu’il signa Livinus de Meyer. Les deux ouvrages furent réédités à Venise, en 1742.

Pendant tout l’intervalle qui s'était écoulé depuis leur apparition, une foule de livres avait paru sur l’histoire des congrégations De auxiliis, présentée soit du point de vue dominicain, soit du point de vue jésuite, sans ajouter rien d’important à ce qu’avaient écrit Serry et de Meyer. Seuls, les actes authentiques des Congrégations eussent pu jeter la pleine lumière sur une foule de points contestés ; mais le SaintSiège s’opposait obstinément, comme il le fait encore, à leur publication. De cette abondante littérature, il y a lieu de signaler les ouvrages de Billuart, en particulier son Thomisme triomphant, s. 1. n. d-, et son Apologie du thomiste triomphant, où il justifie aussi, par occasion, l’Histoire des Congrégations De auxiliis du P. Serry « contre les chicanes de ses adversaires », Liège, 1731.

V. La bulle « Unigenitus » et ses suites (8 sept. 1713). — L’offensive de Serry contre le molinisme sur le terrain de l’histoire des Congrégations De auxiliis ne rallia pas seulement les thomistes. Comme il est facile de le comprendre, ce « coup de massue sur l’hydre molinienne », selon l’expression de Du Vaucel écrivant à Quesnel, le 13 sept. 1698, réjouit au plus haut point les jansénistes. Lettre citée, par L. de Meyer, préf., p. v. Quesnel recommanda chaudement l' Hisloria de Le Blanc, ibid., p. viii-x ; et un janséniste de marque, Arnauld lui-même semble-t-il, s’empressa d’en donner au public un résumé en français. Ibid., p. xviii. Les dominicains apprécièrent cet

appui. Aussi, quand fut promulguée la bulle Unigenitus condamnant comme hérétiques une série de propositions de Quesnel renouvelées de Jansénius, 8 sept. 1713, les jansénistes eux-mêmes cherchèrent-ils, pour se sauver, à lier leur sort au thomisme, en soutenant que la doctrine condamnée était celle de saint Augustin et de saint Thomas.

Les molinistes savaient, par les perquisitions opérées en Belgique, que Quesnel était intervenu indirectement dans la rédaction de V Historia de Serry. L. de Meyer, avec une exagération manifeste, avait osé écrire : « sous le nom d’Augustin Le Blanc, VHistoria de auxiilis a deux auteurs, Geminos auctores habet », op. cit., p. xi : il n’avait même pas hésité à prononcer le mot de complot ou de conjuration. On voit comment certains furent amenés à unir, dans une même réprobation, le thomisme et le jansénisme.

Il fallut deux interventions de Benoît XIII pour dissiper ces confusions. Par bref du 6 novembre 1724, il invita les dominicains à « mépriser les calomnies » répandues contre leurs opinions sur la grâce efficace par elle-même, ab intrinseco, et sur la prédestination gratuite à la gloire sans aucune prévision des mérites : Magno igitur animo contemnite, dilecti filii, calumnias intentas sententiis vestris de gratia, præsertim per se et ab intrinseco efficaci ac de gratuita prædestinalione ad gloriam sine ulla prævisione meritorum, quas laudabiliter hactenus docuistis, et quas ab sanctis doctoribus Augustino et Thoma se hausisse et verbo Dei summorumque pontificum et conciliorum decrelis et Patrum diclis, consonas esse schola vestra commendabili studio gloriatur. Trois ans plus tard, dans la constitution Pretiosus, 26 mai 1727, il défendit de nouveau, sous menace despeines canoniques, toutes attaques méprisantes « contre la doctrine de saint Thomas et son excellente école », en particulier contre sa doctrine de la grâce, comme si elle s’accordait avec les erreurs de Jansénius et de Quesnel condamnées par le Saint-Siège, erreurs a quibus S. Thomas et vera schola thomistica quam longissime abest et abjuit.

Ces éloges, à leur tour, devaient être mal interprétés : on en abusa contre le molinisme. Clément XII fut ainsi amené, le 2 octobre 1733, en confirmant les décrets de Clément XI et de Benoît XIII, à ajouter qu’ils n’entendaient nuire en rien aux écoles catholiques qui expliquaient autrement l’efficacité de la grâce : Mentem tamen eorum prædecessorum nostrorum compertam habentes, nolumus aut per nostras aut per ipsorum laudes thomisticæ scholæ delatas, quas iterato nostro judicio comprobamus et conftrmamus, quicquam esse detractum cœteris catholicis scholis, diversa ab eadem in explicanda divinæ gratiæ efficacia sentientibus, quorum etiam erga S. Sedem præclara sunt mérita. Puis, il renouvela les décisions de Paul V, et défendit de taxer de censures ces diverses écoles, jusqu'à ce que le Saint-Siège eût jugé bon de définir quelque chose ou de se prononcer entre elles. Du Plessis d’Argentré, Colleclio judiciorum, t. m b, p. 589 sq. ; F. Cavallera, Thésaurus, n. 922.

Benoît XIV, écrivant quinze ans plus tard, 1748, à 1 Inquisiteur d’Espagne, exposa dans les termes les p us clairs ce qui fut toujours l’attitude du SaintSiège depuis la fin des Congrégations De auxiliis : « Vous savez, lui dit-il, que dans les fameuses questions de la prédestination et de la grâce, et de la manière de concilier la liberté humaine a ec la toutepuissance de Dieu, il y a plusieurs opinions dans les écoles. On présente les thomistes comme des destructeurs de la liberté humaine et des sectateurs, non seulement de Jansénius mais de Calvin ; mais comme ils répondent parfaitement aux objections qu’on leur fait et que leur opinion n’a jamais été réprouvée par le Siège apostolique, les thomistes s’y tiennent inipu-