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MOLINISME, LA LIBERTE


ainsi que les autres vertus surnaturelles, sont d’ailleurs puissamment aidés par des illuminations ou des motions particulières provenant des dons du Saint-Esprit, qui font produire des actes plus fervents et plus importants. On comprend, dès lors, pourquoi Vhabitus fldei supcrnaturalis est nécessaire : ce n’est ni pour faciliter l’adhésion de l’intelligence, comme l’ont dit Durand (In IIum, dist. XXVIII, q. i), et beaucoup d’autres, ni pour la rendre plus sûre et plus ferme, comme l’a voulu Soto (II. De natura et gratia, c. vin), mais parce qu’un secours surnaturel est nécessaire pour l’acte salutaire, et qu’il convient que celui qui a été amené à la foi, à l’aide de secours spéciaux, puisse désormais en multiplier facilement les actes, avec le seul concours naturel de Dieu. (Q. xiv, a. 13, disp. VIII, p. 35-39.)

On voit dans quelle mesure le commencement même de la foi et des autres actes relatifs à la justification vient de Dieu. Quoi que l’homme fasse avec ses seules forces naturelles, pour produire l’acte de foi quoad substantiam, pour désirer adhérer surnaturellement aux vérités révélées, pour demander le secours nécessaire ou se préparer à le recevoir, tout cela ne saurait lui mériter la grâce prévenante, qui est toute gratuite et obtenue par les seuls mérites de JésusChrist. Saint Augustin a eu raison de se rétracter, après avoir professé que Vinitium fidei dépend de la volonté libre aidée du seul concours général de Dieu (De preed. sancL, c. ni, et Retract., t. I, c. xxiii). Cependant, le rôle de la volonté n’est pas nul ; en conduisant ses créatures à leur fin surnaturelle, Dieu a laissé place à la liberté individuelle et à l’action de l'Église : il ne donne ordinairement la grâce prévenante et excitante qu'à ceux qui ont eu connaissance de la foi par la prédication : fides ex audilu ; et l’expérience prouve que les conversions dépendent beaucoup, d’une part du talent et de la valeur morale des ministres de l'Évangile, d’autre part des dispositions et de la bonne volonté des infidèles ou des pécheurs. (Q. xiv, a. 13, disp. IX, p. 39-43.)

Il est vrai, suivant l’adage connu : Facienti quod in se est Deas non denegat gratiam, que Dieu donne toujours, à celui qui emploie tous les moyens à sa portée pour adhérer aux vérités de la foi et renoncer au péché, les secours nécessaires pour la foi et la justification ; mais ce n’est pas que l’effort humain les mérite, c’est parce que le Christ en a ainsi décidé, d’accord avec le Père éternel. En vertu de cette convention, notre salut est toujours entre nos mains ; et de même que le concours général de Dieu est à notre disposition pour la production des actes naturels, de même un secours suffisant de grâce est à la disposition de nos forces naturelles pour la réalisation d’actes salutaires. Cette doctrine résulte de la volonté salvifique universelle de Dieu, affirmée par saint Paul, I Tim., ii, 4 ; et elle explique parfaitement le Dédit eis potestatem ftlios Dei fleri, de saint Jean, i, 12. Mais Dieu fait souvent davantage : non seulement il se tient à la porte de l'âme, mais il frappe, en excitant la volonté engourdie. ( Q. xiv, a. 13, disp. X, p. 43-45.) Si donc certains se convertissent et d’autres pas, cela ne provient pas précisément de ce que les premiers ont reçu la grâce prévenante et la vocation interne, et les autres non ; car la grâce, n’est pas seule en cause ici : le concile de Trente a défini que l’homme, appelé à la foi et prévenu par la grâce, reste libre de ne pas se convertir (sess. vi, c. v, can. 4). La foi dépend principalement des secours gratuits par lesquels le Père attire suavement l'âme vers le Christ, en sauvegardant sa liberté ; elle dépend en seconde ligne, minus præcipue, de la volonté de croire. Lorsque, par conséquent, le Père donne quelqu’un au Christ, c’est par des secours de grâce que, dans sa volonté éternelle, il décide

de lui octroyer, en prévoyant l’adhésion qui, avec eux, sera donnée librement au Christ ; mais s’il ne prévoyait pas la libre coopération de l’homme, sa volonté de conférer ces secours et leur octroi actuel n’auraient pas raison de don ; et malgré cette volonté et cet octroi, il est au pouvoir de l’homme de ne pas arriver au Christ. En d’autres termes, si quelqu’un est donne au Christ, cela ne dépend pas seulement de la quantité ou de la qualité des secours qu’il reçoit, mais encore de sa libre coopération. (Q. xiv, a. 13, disp. XII, p. 51-57.)

En quoi consiste cette coopération à l’acte surnaturel ? Elle n’est pas autre chose, elle n’a pas une autre raison formelle que l’acte lui-même. L’acte surnaturel, en tant qu’il émane de notre volonté libre, est coopération avec la grâce ; en tant qu’il émane de Dieu, il est coopération avec la volonté libre. Mais, en réalité, nul effet, nulle action ne relève du libre arbitre, qui ne relève en même temps et principalement de Dieu. Bien plus, l’effet total provient de Dieu et de notre volonté libre, comme des deux parties d’une cause intégrale unique. Ainsi en est-il, lorsque deux agents d’influence inégale meuvent un mobile, alors que l'énergie déployée par chacun n’y suffirait pas sans la coopération de l’autre : tout le mouvement provient de chacun des moteurs qui en sont causes partielles, mais avec la coopération de l’autre ; l’influence du moteur principal n’est pas autre chose que le mouvement considéré en tant qu’il émane de lui avec une force plus grande, l’influence du moteur secondaire n’est pas autre chose que le même mouvement considéré en tant qu’il émane de lui avec une force moindre. Voilà pourquoi, dire avec le concile de Trente que notre volonté consent librement à la motion divine ou coopère aux actes surnaturels, loin d’exclure le secours divin ou la coopération divine, le suppose. Telle est l’explication de la coopération simultanée à laquelle Molina veut qu’on se réfère toujours lorsque, dans la suite, il sera obligé, pour ne pas se répéter, à en parler avec moins de nuances. (Q. xiv, a. 13, disp. XII, p. 57-59.)

b) L’espérance. — Après ce qui a été dit de la foi, on admettra facilement que, lorsque l’intelligence adhère aux vérités révélées, notre volonté libre peut, avec le seul concours général de Dieu, espérer ce que Dieu nous a promis. Ce ne sera pas là un acte surnaturel, tel qu’il est exigé pour le salut, mais un acte purement naturel. Ce ne sera pas l’espérance chrétienne, mais la substance de l’acte d’espérance. (Q. xiv, a. 13, disp. XIII, p. 59-60.)

c) La charité. — Elle est comprise dans la contrition, déclare Molina ; inutile donc d’en traiter à part (ibid., p. 60).

d) L’acte de contrition et d’aUriiion. — Peut-il être posé, dans sa substance, par notre volonté libre aidée du seul concours général de Dieu ?

Deux opinions sont en présence. La plupart des scolastiques : saint Thomas, saint Bonaventure, Scot, Occam et son école, Victoria, Soto, Cajétan, etc., répondent affirmativement, bien que plusieurs exagèrent la portée de la douleur purement naturelle du péché, en la considérant comme une disposition suffisante pour l’infusion de la grâce, contrairement à la définition du concile de Trente (sess. vi, c. v et can. 3, Denz., n. 797 et 813).

Mais, à l'époque de Molina, « il ne manque pas d’auteurs » qui jugent cette opinion dangereuse et même proche de l’erreur. C’est qu’ils distinguent entre résolution efficace et résolution inefficace, et soulignent la difficulté de celle-là. Dans l'état de déchéance, disent-ils, l’homme ne peut rien faire de difficile sans un secours spécial de Dieu ; donc, quoique le concours général suffise pour la résolution