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MOGH1LA, LA CONFESSION DE FOI


ont déjà été mentionnées dans les deux parties précédentes : bonnes œuvres, prières, jeune, aumône, etc. La prière, le jeûne, et l’aumône sont présentés comme des vertus découlant des trois vertus théologales. On traite ensuite des quatre vertus cardinales, du péché en général, puis des sept péchés capitaux, des quatre péchés contre le Saint-Esprit, des péchés qui crient vengeance au ciel et des péchés véniels, de la coopération aux péchés d’autrui. Le livre se termine par l’explication du Décalogue. Au premier précepte est rattachée la question dogmatique de l’invocation des saints ; au second précepte : Xun jades tibi sculptile, la question du culte des images. Il faut remarquer que Moghila divise les commandements de Dieu comme Philon et Josèphe : le premier commandement des Latins en fournit deux : 1 er, adoration du seul vrai Dieu ; 2% interdiction du culte des idoles ; les 9e et 10 « sont réunis en un seul.

On voit, par ce rapide aperçu, que la disposition des matières n’est pas toujours très logique, et qu’il y a des répétitions. Le théologien catholique trouvera dans ce catéchisme un certain nombre d’erreurs notoires, dont plusieurs sont le fait non de Pierre Moghila mais du seul Mélèce Syrigos. Signalons les principales : 1° On peut voir une allusion à l’erreur palamite de l’absolue invisibilité de l’essence divine, considérée comme réellement distincte de la lumière qui jaillit d’elle et qui est visible pour les bienheureux, dans ce qui est dit à la dernière question de la première partie : Après le jugement dernier, Dieu nous donnera une lumière (le texte latin du cod. Paris. 1265 dit : lumen gloriœ) par laquelle nous verrons la lumière de Dieu : p.s tô ôtcoïov 6éXou.sv îSsïv to cpwç toù 0eoù ; 2° La procession du Saint-Esprit a Pâtre solo est enseignée (q.ixetLXXi) en des termes qui ne seraient pas absolument irréductibles à la doctrine catholique, n’était la citation, à la question lxxi, du texte du pseudo-Athanase : to riveG^a èx ii, 6vou toù Ilarpoç atTOtTOv xai éx7rope jt6v, Stà Se toù Yîoù èv tco xôau.w àrcoCTT£XXô[X£vov ; 3° La primauté romaine d’origine divine est niée (q.LXXXiv). On n’attribue à l’Ancienne et à la Nouvelle Rome que les 7rptoT£Ïa ttjç tlu.ï)ç, concédés par les empereurs. L’Eglise de Jérusalem est dite la mère de toutes Églises, non qu’elle possède sur les autres un pouvoir quelconque de juridiction, mais par pure préséance historique et par la primauté de d’apostolat, qui est parti de la Ville sainte. Le concile œcuménique est l’autorité souveraine et seule infaillible. Jésus-Christ seul est la tête de l’Église, bien que les évoques, dans leurs diocèses, soient des xeçaXocl (XEptxaî et des TOTroTYjpYjTal toù XpiaToù (q. lxxxv) ; 4° Pour la validité du baptême, la foi orthodoxe en la Trinité est exigée (q. en) ; 5° Le sacrement de confirmation est renouvelé à ceux qui ont renié le Christ (q. cv) ; G" La transsubstantiation est opérée par les paroles de l’épiclèse(q. cvn) ; 7° Tout châtiment temporel après la mort, toute classe de défunts intermédiaire entre la catégorie des justes et la catégorie des damnés est rejetée (q.i.xiv, lxv) ; Cependant les prières de l’Église et les suffrages des vivants peuvent obtenir la délivrance de quelques damnés, dont le sort n’est pas irrévocablement fixé avant le jugement dernier (q. lxv) ; H n La béatitude essentielle ne sera accordée aux âmes justes qu’au jugement dernier. En attendant, leur bonheur est imparfait (q. lxviii et q. cxxvi) ; ’.)" Le seul péché de pensée, s’il n’est pas suivi de l’exécution extérieure, ne fait que blesser l’âme et ne lui donne pas complètement la mort (III* partie, q. xviii).

Sur d’autres points, comme sur l’état d’innocence, le péché originel et ses suites, l’origine de l’âme humaine, etc., l’enseignement de la Confession orthodoxe est tout à fait dans la ligne de la théologie catholique et

s’écarte sensiblement de la doctrine de plusieurs théologiens gréco-russes contemporains.

Sources de la Confession orthodoxe.

 Il est fort

diflicile de découvrir avec certitude les sources d’un catéchisme quelconque, les auteurs de ces sortes de manuels ne se piquant pas, en général, d’originalité et copiant ou combinant à des doses diverses les ouvrages similaires de leurs devanciers.

Le texte de la Confession orthodoxe, surtout dans le latin du cod. Paris. 1265, trahit sans nul doute une influence marquée de la théologie latine. Et cela n’est pas étonnant. Depuis longtemps déjà, les Pctits-Hussiens de Pologne subissaient cette influence. On la retrouve, et à un degré plus fort, chez les prédicateurs et les théologiens contemporains de Moghila ou antérieurs à lui, par exemple, chez un Cyrille Trankvillion et un Laurent Zizanii, dont le Grand catéchisme, tant par la division générale que par la méthode et le contenu, se rapproche fort de la Confession orthodoxe. Ces théologiens ne sont plus des Byzantins à l’ancienne manière. L’esprit nouveau de l’Occident les a pénétrés. Ils savent la langue latine, lisent couramment les Pères latins et les citent presque autant que les Pères grecs dans leurs sermons et leurs écrits. Ils font leur théologie dans la Somme de saint Thomas d’Aquin, et n’ignorent pas les grands noms de la théologie catholique au xvi° siècle.

En examinant de près le texte latin de la Confession orthodoxe, qu’ils ont publié, les Pères Malvy et Viller ont cru découvrir des emprunts faits au Catéchisme romain, à la Summa doctrinæ christianæ de saint Canisius, surtout dans l’édition de Busée (Opus catechisticum ), à.VExplicatio doctrinæ. christianæ de Bellarmin. Ces ouvrages ont pu être, en effet, entre les mains du ou des rédacteurs du catéchisme kiévien. Il peut se faire aussi que les coïncidences signalées s’expliquent non par une utilisation immédiate des livres en question, mais par des sources intermédiaires qu’on ignore encore.

Malgré l’influence incontestable de la théologie latine et l’incorporation de certains de ses éléments, spécialement dans la partie ascétique et morale, la Confession orthodoxe garde une couleur orientale très prononcée. Le cadre a beau être latin : le contenu est presque tout entier oriental. La revision de Mélèce Syrigos a accentué ce caractère. Les nombreux textes patristiques dont le catéchisme est émaillé appartiennent tous aux Pères grecs, sauf un seul, tiré de saint Cyprien, le Père latin le plus sympathique aux dissidents orientaux. Saint Jean Damascène a fourni à lui seul plus de cinquante citations. Cf. les tables dressées par MalvyViller, op. cit., p. 173-175, 196. *

La Confession orthodoxe est avant tout une œuvre didactique et irénique. Le caractère polémique y est à peine visible. Il n’en existe pas moins dans le fond, à certains endroits. Tout en reconnaissant que l’auteur a eu surtout en vue de formuler la doctrine de l’orthodoxie, orientale contre les erreurs protestantes, il ne faut pas oublier que les catholiques sont aussi visés à plusieurs reprises, comme en témoigne la liste des doctrines anticatholiques données plus haut, et où ne figurent pas les blâmes plus ou moins voilés de certains usages liturgiques ou disciplinaires.

5 U Autorité de la Confession orthodoxe dans l’Église gréco-russe. - - Dès qu’elle fut connue en Occident, la Confession orthodoxe y fut l’objet de jugements divers. Les auteurs de la Perpétuité de la foi catholique touchant l’eucharistie furent naturellement portés à en exagérer l’autorité, bien que, sur le point précis du dogme de la transsubstantiation, la preuve du consentement de l’Église gréco-russe tout entière, qu’ils ont tirée de ce document, soit absolument inattaquable.