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MOGHILA, ÉCRITS

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nominalement, il est vrai, du patriarche byzantin. Nous ne nous arrêterons pas à énumérer les livres liturgiques, hagiographiques, parénétiques, ascétiques qui sortirent des presses de la Pechtcherkaïa Lavra par ses ordres, avec, ou sans sa collaboration immédiate. On en trouvera la liste détaillée, dressée par Emile Picot, dans le t. iv de la Bibliographie hellénique du XVIIe siècle, d’E. Legrand, p. 120-155. Ce qui mérite d’attirer l’attention du théologien, ce sont les nouvelles rubriques introduites dans certains livres liturgiques comme le missel et l’euchologe ou Trebnik, les instructions qui se lisent dans le Trebnik sur les sacrements en général et chaque sacrement en particulier, sur les offices de réception des diverses catégories d’hérétiques, sur les commémoraisons des défunts. Il s’y trouve un grand nombre d’affirmations doctrinales du plus haut intérêt, restées jusqu’ici à peu près inconnues des théologiens catholiques, et contredisant sur bien des points les thèses défendues par les polémistes grecs anciens et modernes. Ajoutons qu’au point de vue rituel et, dans une certaine mesure, au point de vue dogmatique, l’euchologe de Moghila a exercé une influence considérable sur l’Église russe, qui l’adopta, pour son usage en 1757, après lui avoir fait subir quelques légères retouches. Parmi les particularités d’ordre doctrinal que nous avons relevées dans cet ouvrage, nous signalerons les suivantes : 1° Pierre Moghila, dans l’introduction générale aux sacrements, insiste à la manière des théologiens catholiques sur la nécessité de l’intention du ministre, une intention vraiment sérieuse et intérieure, pour accomplir le rite sacramentel. — 2° Pour le baptême, il admet non seulement comme valide, mais aussi comme licite la simple infusion, rite qui s’est toujours pratiqué dans la Petite-Russie et l’Ukraine, de l’aveu même des théologiens russes qui condamnent cet usage comme illicite. Il reconnaît la validité du baptême administré par les catholiques et les protestants, que les Russes de Moscovie rebaptisaient d’après les décrets du concile de Moscou de 1620. Il demanda même au patriarche œcuménique d’user de son influence pour détourner les Moscovites de la pratique de rebaptiser les luthériens, à l’occasion d’un projet de mariage entre le prince danois Voldemar et Irène, fille aînée du tsar Michel Romanov. Lettre du 16 septembre 10 1 1, 1 turmuzaki, Documente privitoare la isloria Romanilor, t. iv, part., 1 p. (31>-4. — 3° Il rejette la pratique de la reconfirmation des apostats, que Mélèce Syrigos a introduite dans la Confession orthodoxe, et pour couper court à cet abus, il supprime dans son Trebnik le rite de réconciliation des apostats du patriarche saint Méthode, qui l’a engendré. A plus forte raison repousse-t-il la reconfirmation des latins déjà confirmés par leurs évêques, pratique chère aux Grecs et aux Pusses dès le Moyen Age, avant que les uns et Tes autres eussent eu recours à la rebaptisation. Depuis 1757, l’Église russe a suivi ces règles, en dépit de l’affirmation contraire de certains théologiens russes, comme Macaire, relativement à la reconfirmation des apostats. — 4° Il enseigne très clairement à plusieurs reprises que la forme du sacrement de l’eucharistie est constituée par les paroles du Seigneur : Ceci est mon corps ; Ceci est mon sang, et non par l’épiclèse dite du Saint-Esprit, d’accord en cela avec les théolo giens de la Petite Russie. Pour établir cette doctrine, il en appelle à l’autorité de saint Jean Chrysostome, et cite le passage bien connu de la I" Homélie sur lu trahison de Judas, 6, P. G., t. xlix, col. 380. Il avait déjà exprimé la même doctrine dans les quatre éditions de son missel ou I.eitourghiaron (1029, 1037, 1638, 1030), et venait de la répéter dans le Petit catéchisme en langue polonaise et ruthène, Kiev, 10 15, dans les tenues suivants : Quust. cxiii : Qliomodo

consecratur hoc sucramentum in sacra liturgia ? — Yirlute horum verborum, quæ loculus est Christus : « Hoc est corpus meum » et « Hic est sanguis meus. » Ubi projeruntur a sacerdote, advenit Spiritus Sanctus invisibilitcr, ad invocationem et inlenlionem sacerdotis, et subslantiam panis et oini transmutai in substanliam corporis et sanguinis Christ i, remanenlibus solum ipsis speciebus panis et vini. Traduction du P. Malvy, op. cit., p. cxxiv-cxxv. Nous verrons tout à l’heure que la Confession orthodoxe place non moins explicitement le moment de la consécration aux paroles de l’épiclèse. Notons aussi, à propos du même sacrement de l’eucharistie, que, contrairement à la pratique grecque, Pierre recommande au célébrant de consacrer les parcelles offertes en l’honneur des saints, des vivants et des morts, et disposées autour de la grande hostie suivant les rubriques du rite byzantin : il faut qu’il ne reste rien de non consacré sur la patène. — 5° Sur le sacrement de pénitence, il donne un enseignement tout à fait conforme à la doctrine catholique, en particulier sur la satisfaction et la peine temporelle due au péché pardonné. Dans la Confession orthodoxe, l’existence de la peine temporelle est niée catégoriquement, au moins pour ce qui regarde l’autre vie, et laissée dans l’ombre pour ce qui regarde la ie présente. Moghila n’a pas craint de changer les for ! mules déprécatives d’absolution de l’euchologe byzantin, en une formule à la fois déprécative et indicative, reproduisant à peu près mot pour mot la forme actuelle du rituel latin. Les termes essentiels de cette forme sont, d’après le Petit catéchisme, q. cxxv : Ego potestate mihi data a Christo Domino absolvo te in nomine Palris et Filii et Spiritus Sancti. Malvy-Viller, op. cit., p. cxxvi. L’Église russe s’est appropriée la formule du Trebnik. — 6° Relativement à l’extrême-onction, le métropolite de Kiev ignore aussi la pratique abusive des Grecs de donner ce sacrement aux bien-portants comme préparation à la communion. Pour lui, le sujet du sacrement est l’adulte baptisé atteint d’une maladie grave. L’Église russe est restée fidèle à cette tradition. — 7° Pour la célébration des fiançailles et du mariage, Moghila introduit une rubrique nouvelle qui a été adoptée par les Russes et qu’ignorent encore les Grecs : Le prêtre qui bénit le mariage interroge chacun des époux pour leur faire donner explicitement et publiquement leur consentement, à peu près dans les termes prescrits par le rituel latin. C’est que notre théologien, contrairement à la doctrine aujourd’hui commune parmi les Gréco-russes, place l’essence du sacrement dans le contrat lui-même : la matière est constituée par l’homme et la femme contractant librement et suivant les règles canoniques ; la forme, ce sont les paroles par lesquelles les époux manifestent leur consentement intérieur devant le curé. Bien que cette doctrine sur la matière et la forme du sacrement de mariage ait élé insérée dans l’édition officielle du Corpus juris canonici de l’Église russe ou Kormtchaia Kniga, faite par le patriarche Nicon en 1053, ainsi que dans les éditions postérieures du même ouvrage, les théologiens russes actuels voient communément le rite sacramentel dans la cérémonie du couronnement, séparant ainsi le sacrement proprement dit du contrat matrimonial. Cf. art. Mariage dans l’Église gréco-russe, t. ix, col. 2321 sq. — 8° Dans l’Instruction sur les commémoraisons des défunts, Trebnik, p. 835-849, Lierre enseigne l’essentiel de la doctrine catholique du purgatoire, d’accord en cela avec l’ensemble des théologiens de Kiev : il admet non seulement un était intermédiaire entre le ciel et l’enfer, ce que nie la Confession orthodoxe, mais aussi un troisième lieu. La Confession orthodoxe, dans sa rédaction originale renfermait une doctrine Identique. Cf. Malvy-Viller, op. cit.,