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MODERNISME, APRÈS LA CONDAMNATION


revues à sa dévotion, il prononçait à Londres, en février-mars 1908, trois conférences d’un optimisme chaleureux sur le présent et l’avenir du modernisme, qui, éditées d’abord en anglais, allaient donner, l’année suivante, son volume : Les modernistes, Paris, 1909. A son exemple, le pasteur Haoul Goût entreprenait, dans la Revue de théologie, un panégyrique de G. Tyrrell en de longs articles qui devaient être bientôt tirés à pari : L’affaire Tyrrell, Paris. 1910. La Revue chrétienne suivait tout au moins d’un œil attentif les actes qui jalonnaient la révolte d’A. Loisy.

A celle même époque, le Rév. Lilley réunissait en un volume : Modernisai, Londres. 1908, les articles où il avait favorisé de son mieux le mouvement novateur. D’Amérique s’élevait la voix de Ch. A. Briggs, dans North american reiiew, juin 1909, p. 877-889, pour montrer datis le modernisme un acheminement vers le < catholicisme futur ». Son sectarisme séculaire n’empêchait pas l’Allemagne de s’intéresser, elle aussi, aux destinées du modernisme, avec les chroniques de H. J. Holtzmann dans les I’rotestantische Monalshejle, 1908, t. xir, p. 41-74, 171-171, 369-385, puis avec les notices plus développées et non moins sympathiques de K. Holl, Modernismus, Tubingue, 1908, et de .1. Kiîbel, Geschichte des katholischen Modernismus, Tubingue, 1909.

De cette rumeur favorable le modernisme ne pouvait, sans nul doute, que retirer un surcroît d’importance et tout au moins une illusion de vitalité.

2-’Défense catholique. — Nonobstant cette résistance du modernisme, longtemps encore Rome ne ferait que se tenir sur ses positions antérieures, se contentant de censurer les ouvrages les plus hardis ou les personnes trop compromises, et collaborant avec l’épiscopat à l’application des mesures prévues par l’encyclique Pascendi. Dans l’intervalle, c’est à l’initiative privée que revenait, devant l’opinion surexcitée ou prévenue, le soin de faire face à l’assaut.

1. Réfutation théologique du modernisme doctrinal. — Depuis que les actes de Pie X avaient révélé au monde catholique l’existence et la gravité du système moderniste, l’obligation se faisait sentir de justifier cette haute intervention en faisant connaître les diverses formes et en dénonçant la malice de l’erreur nouvelle. En vue de cette apologétique, facile désormais autant que nécessaire, sans toujours se souvenir qu’ils n’avaient auparavant rien su voir du danger, les ouvriers bénévoles allluèrent de toutes parts.

Puisque la grande presse témoignait au modernisme et aux modernistes un intérêt momentané, il fallut recourir également à ses services, soit pour satisfaire la légitime curiosité des catholiques, soit pour contrebattre les attaques de leurs adversaires. In peu plus tard, on pensa aux articles de fond : toutes les revues théologiques se piquèrent d’avoir le leur. Chez les protestants, la même feuille eut parfois assez de libéralisme, comme, en Angleterre, le Hibbcrt Journal, pour faire entendre à ses lecteurs le pour et le contre sur la question. En même temps, des conférences ou des brochures populaires tendaient à initier les simples chrétiens à ces problèmes imprévus. L’Italie surtout eut en quelques mois une littérature anti-moderniste des plus abondantes, que vinrent encore enrichir les traductions des meilleurs ouvrages étrangers.

Avec bien des œuvres de pure polémique ou de médiocre vulgarisation, cette controverse improvisée lit naître quelques études doctrinales, lu) France, quatre théologiens de la Compagnie de Jésus : A. Durand, L. de Grandmaison, st. liaient. M. Ghossat, s’unirent pour commenter, dans les colonnes de l’Univers, le décret Lamentabilt, dont M. Lepin expliquait en particulier, dans La Croix, les propositions Christologiques. Deux commentaires plus étendus

parurent à peu d’intervalle en langue allemande : Fr. Heiner, Der neue Syllabus Plus X, Mayence, 1907 ; A. Michelitsch, Der neue Syllabus, Graz et Vienne, 1908. La philosophie et la théologie modernistes firent également l’objet de plusieurs réfutations, qui se tenaient, d’ordinaire, dans les cadres tracés par l’encyclique Pascendi. Une forte synthèse du système, de ses origines et de ses positions ruineuses pour la foi, fut écrite par le cardinal Mercier, Le modernisme, Bruxelles, 1908. Mais, d’une manière générale, cette littérature n’a guère survécu aux circonstances qui l’on fait naître.

Il n’était pas de meilleure réponse au modernisme que de reprendre dans l’esprit de l’Église les problèmes par lui soulevés et si désastreusement résolus. Ce fut l’objet des études théologiques, historiques, exégétiques auxquelles ne cessèrent de s’adonner, avec une ardeur accrue par la lutte, les Instituts catholiques et l’École biblique de Jérusalem. Toute la bibliographie de l’époque serait à citer ici : jusqu’en ces années difficiles, l’histoire de la science ecclésiastique est toute à son honneur.

2. Révélation du modernisme masqué.

Au milieu de ces controverses doctrinales, la critique historique allait démasquer subitement une aufcre variété du modernisme français.

Depuis les Souvenirs d’Assise, « A. Firmin » et « Ernest Engels », la tactique des écrits anonymes ou pseudonymes était courante chez les novateurs. Ordinairement les véritables auteurs n’avaient pas tardé à se faire connaître ; mais la personnalité de quelques autres restait enveloppée d’un impénétrable secret. C’était le cas pour deux personnages déjà signalés, qui, au cours des dernières années de la Revue d’histoire et de littérature religieuses, y avaient abordé l’histoire des dogmes chrétiens dans un esprit notoirement rationaliste, savoir « Antoine Dupin » pour le dogme trinitaire et « Guillaume Herzog » pour la mariologie. Travaux peu accessibles au grand public, bien que vulgarisés l’un et l’autre en brochure, mais qui avaient ému la hiérarchie et dont l’origine ne laissait pas d’intriguer les professionnels.

La question en était là lorsque deux articles successifs, parus dans le Bulletin de littérature ecclésiastique en mars et avril 1908, vinrent tout à coup soulever un coin du masque. Appuyé sur la critique des sources, la ressemblance du style et des idées directrices, L. Sait et y établissait, non seulement l’identité des deux pseudonymes, mais leur commune dépendance par rapport aux ouvrages d’un prêtre qui occupait une situation importante dans la science catholique, après avoir été dès la première heure le collaborateur d’A. Loisy pour l’histoire des dogmes : J. Tunnel.

Ce réquisitoire lit sensation. Le plagiat d’Herzog-Dupin », était indéniable ; mais comment la réputation de l’auteur plagié n’en aurait-elle pas été atteinte’.' En dehors de la Revue du clergé français, qui assuma la défense de son collaborateur, la presse catholique de tous les pays fut d’accord pour estimer que la responsabilité de.). Tunnel était en jeu. Tout en refusant de s’expliquer sur le fond et protestant de son loyalisme Catholique, celui-ci reconnaissait, dans sa déclaration à l’archevêque de Hennés, en date du 13 mai. que le faussaire avait fait des emprunts, soit à ses livres, soit à ses manuscrits. Voir le dossier de la controverse dans L. Sallet, La question Herzog-Dupin, Toulouse et Paris, 1908.

Il n’y cul pas à l’affaire d’autres suites. Mais les principaux ouvrages de.1. Tunnel furent mis à l’Index, tandis que la gravité des laits allégués et des aveux obtenus ne pouvait pas ne pas laisser le sentiment pénible, que certains masques recelaient de troublantes compromissions.