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MODERNISME, APRÈS LA CONDAMNATION


vaient, en 1908, les Lellere di un prèle modemista. Œuvres véhémentes, attribuées à Ern. Buonaiuti, qui unissaient le modernisme doctrinal le plus échevelé à d’étranges apocalypses démocratiques, où le socialisme devenait l’héritier de l’Évangile et tendait la main à l’Église pour la régénération spirituelle de l’humanité

Les périodiques se multipliaient pour la propagation du modernisme plus ou moins élargi. Tandis que le Rinnovamenlo tenait toujours à Milan, ainsi qu’à Naples les Baltaglie d’oggi, des feuilles de semblable esprit voyaient le jour à foison. Le groupe romain dont Ern. Buonaiuti était le secret animateur publiait en 1908 Nova et Vêlera, que venait remplacer, l’année suivante, la Cultura contemporanea. R. Murri reprenait sa Rivista di cultura, qui, en 1910, faisait place au Commento. A sa Cultura moderna D. Battaini joignait une Biblioleca del pensiero reliyioso moderno. Toutes publications qui obtenaient quelque succès auprès des jeunes gens et inquiétaient parfois l’autorité.

Moins préparée à ce genre de révoltes, l’Allemagne eut pourtant, elle aussi, son accès de fièvre. Les milieux universitaires furent choqués dans leur libéralisme par le dispositif pratique annexé à l’encyclique Pascendi. Alb. Éhrhard s’en tint à des doléances modérées, Internationale Woclienschrift, 14 janvier 1908, t. ii, col. 6584, qui lui valurent seulement la perte de sa prélature. Mais J. Schnitzer, professeur à Munich, se montra si violent, ibid., col. 129-140, qu’il fut frappé de suspense. Ce dont il profita pour rester en marge de l’Église et se livrer à une âpre propagande antiromaine.

Au camp du Rcformkatlwlizismus, Joseph Millier avait supprimé sa Renaissance à la fin de 1907. Mais, sous la direction de Th. Engert, bientôt remplacé par Ph. Funk, le Zwanzigste Jahrhundcrt, qui devint, en 1909, le Neue Jahrhundcrt ( Nouveau siècle), s’intitulait : « Organe des modernistes allemands ». Avec le concours de la Krausgescllschaft, il servit de centre à un petit noyau d’opposants, chez qui le modernisme dogmatique s’alliait à une forte dose de nationalisme religieux.

c) Action internationale. — Entre ces divers foyers nationaux des rapports ne manquaient pas de s’établir, qui décuplaient l’énergie de chacun. Il n’y eut jamais, quoi qu’en aient dit certains publicistes, de ligue moderniste organisée : mais une coopération intellectuelle des plus intenses y suppléait.

Des traducteurs zélés assuraient aux productions du modernisme un rayonnement international. En France, la maison Nourry éditait le Programma des modernistes italiens, ainsi que les ouvrages successifs de G. Tyrrell. L’éditeur Diederichs d’Iéna remplissait régulièrement le même rôle en Allemagne. G. Tyrrell se chargeait lui-même de traduire en anglais le Programma dei modernisa, qui connut également une édition américaine, tandis que le Rév. Lilley portait son choix sur la brochure plus ancienne Quello che vogliamo. A Rome, se fondait pour ce genre de travail une Società internazionale scientifico-religiosa, qui resta sur le papier. Mais on eut du moins une version italienne du Medisevalism de G. Tyrrell, en attendant celle de Christianity at the cross-roads.

Les feuilles modernistes s’appliquaient à ravitailler leurs lecteurs de nouvelles plus ou moins exactes sur l’état du mouvement dans le monde entier. Celles qui voulaient mieux se poser affichaient ou promettaient une rédaction internationale. G. Tyrrell du moins collaborait au Rinnovamenlo et autres revues italiennes, que Fr. von Hiigel soutenait également de son patronage et de ses fonds. En vue d’assurer plus efficacement ce service de liaison, une Revue moderniste internationale parut à Genève à partir de jan vier 1910. Le cinquième « Congrès international du christianisme libre et du progrès religieux » (Berlin, 1910), puis le sixième (Paris, 1913) fournirent encore aux dirigeants du modernisme une occasion de s’affirmer, qu’ils ne manquèrent pas de saisir.

Par ces divers moyens, s’il n’était pas une puissance bien redoutable dans l’Église, le modernisme faisait tout le possible pour s’en donner l’air.

2. Alliés du modernisme.

Tout ce qu’il y avait au monde de forces anti-catholiques s’empressait d’ailleurs autour des dissidents pour suivre et favoriser leurs efforts.

a) Contre l’Église. — Par sa nature même, la condamnation du modernisme, beaucoup plus qu’autrefois celle du libéralisme, offrait aux ennemis de l’Église une matière à polémiques qu’ils se gardèrent de négliger. Sous Pie IX, il ne s’agissait que de problèmes politiques ; Pie X permettait de reprendre abondamment la vieille antienne du conflit entre la science et la foi.

En Italie, la plupart des feuilles de gauche, dûment stylées, firent bon accueil aux documents pontificaux. Partout ailleurs, dans la presse irréligieuse ou seulement libérale, ce fut un concert de persiflages, qui prenait, suivant les cas, la forme de l’indignation, de la raillerie ou du triomphe satisfait. Il n’était pas de journaliste qui ne s’éprît d’une soudaine ferveur pour la critique religieuse et ses représentants. Les plus modérés s’en tenaient à des chroniques discrètement tendancieuses, comme, par exemple, les articles réunis par Maurice Pernot dans La politique de Pie X (1906-1910), Paris, 1910 ; les plus lourds avaient au moins la ressource d’opposer à Léon XIII l’ignorante intransigeance du « pape paysan ». En France, ces polémiques se greffaient sur celles qu’engendrait la politique pontificale relative à la loi de Séparation des Églises et de l’Étal.

Dans les pays de religion mixte, les passions confessionnelles entretenaient un surcroît d’animosité. Pour quelques organes orthodoxes d’Allemagne ou d’Angleterre qui surent reconnaître le service rendu par Pie X à la cause commune du christianisme, les autres n’eurent pour lui qu’injures et quolibets. Les milieux conservateurs n’étaient pas toujours les moins sévères : tant il leur plaisait de justifier, à rencontre du dogmatisme catholique, les droits du libre examen et d’établir l’impuissance de l’Église rivale à résoudre les difficultés actuelles du problème religieux.

b) Pour le modernisme. — Au lieu de cette attitude stérile autant qu’agressive, d’autres jugèrent plus élégant de prêter la main à cette entreprise de dissociation catholique, en l’entourant aussitôt de leurs sympathies et lui promettant le succès.

Des incroyants se donnèrent parfois le ridicule d’assumer ce rôle de protecteurs et de prophètes. En Italie, les rédacteurs du Cœnobium, organe de jeunes philosophes idéalistes, l’historien anticlérical Labanca, le philosophe positiviste G. Prezzolini encourageaient à qui mieux mieux les espérances du modernisme militant, et l’ouvrage posthume de G. Tyrrell trouvait un traducteur, A. Cervesato, dont la Nuova Antologia, 1C février 1910, p. 671-680, insérail la lyrique préface. Chez nous, à la différence de Ch. Guignebert qui dénonçait la caducité de la tentative moderniste non sans y prendre quelque intérêt, voir Modernisme et tradition catholique en France. Paris, 1908, Sal. Reinach, Revue archéologique, décembre 1907, p. 457, croyait devoir adresser à ses dirigeants la promesse de l’Évangile : Nolite timerc, pusillus grex.

Mais c’étaient surtout les protestants libéraux qui aimaient se faire les auxiliaires officieux du modernisme. P. Sabatier se montrait particulièrement actif. En plus des articles qu’il publiait dans les journaux et