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MODERNISME, CONDAMNATION PAR L’ÉGLISE


rôle que d’exprimer les sentiments des individus.

En histoire, la critique moderniste est encore « pure œuvre de philosophe ». C’est, en effet, l’agnosticisme qui lui fait une loi d’écarter tout surnaturel. L’élément humain qui subsiste est, à son tour, soumis à la double loi de transfiguration et de déformation. Il faut donc en exclure « toutes les adjonctions que la foi y a faites » et « tout ce qui… n’est pas dans la logique des faits ». Les documents bibliques sont classés et interprétés suivant ces principes, de manière à y retrouver « une évolution vitale, parallèle et même conséquente à l’évolution de la foi ».

A la seule immanence le modernisme demande également son apologétique. Il s’agit « d’amener le noncroyant à faire l’expérience de la religion catholique, expérience qui est… le seul vrai fondement de la foi ». Dans cette vue, on utilise l’histoire de l’Église pour y montrer en acte la permanence divine, attestée par l’adaptation vitale du germe évangélique aux divers milieux par lui traversés. Mais on a surtout recours à des arguments subjectifs : la doctrine de l’immanence permet de découvrir dans l’homme « l’exigence et le désir d’une religion », voire même « de cette religion spécifique qu’est le catholicisme, absolument postulée, disent-ils, par le plein épanouissement de la vie ».

Sur le modernisme réformateur, le pape se contente de quelques lignes rapides. Les principales revendications qu’il relève comme étant d’origine moderniste sont les suivantes : réforme de l’enseignement des séminaires ; expurgation des catéchismes et des dévotions populaires ; adaptation du gouvernement ecclésiastique à la démocratie moderne, avec application spéciale aux Congrégations du Saint-Office et de l’Index ; reprise de l’américanisme sur la primauté des vertus actives ; suppression du faste ecclésiastique et du célibat des clercs.

De ces diverses doctrines le pape a voulu faire l’exposé méthodique pour montrer que l’Église les connaît bien, et que leur ensemble constitue « un corps parfaitement organisé ».

b) Réprobation du modernisme. - - Plusieurs fois, au cours de cet exposé, le pape ne manque pas de rappeler en détail les enseignements de l’Église qui s’opposent à ces diverses erreurs.

C’est ainsi que l’agnosticisme y est dénoncé au nom des définitions, portées par le concile du Vatican, sur la connaissance de Dieu et la valeur des motifs de crédibilité. De même, le dogme du surnaturel condamne les prétentions de l’immanentisme. A ce propos, le pape ne peut se retenir de blâmer les écrivains catholiques « qui, répudiant l’immanence comme doctrine, l’emploient néanmoins comme méthode », au point d’attribuer à notre nature « une vraie et rigoureuse exigence « par rapport au surnaturel. L’évolutionnisme religieux est mis en opposition avec la doctrine catholique de l’immutabilité des dogmes, et la théorie moderniste des sacrements avec les principes du concile de Trente.

En outre, de rapporteur se faisant juge, à maintes reprises, chemin faisant, le pape inflige de durs qualificatifs, soit au modernisme, dont il dénonce tour à tour le « délire », 1’ « insanité » ou la « monstruosité », soit aux modernistes, qu’il accuse de suffisance et d’hypocrisie. Ce jugement se concentre, à la fin de l’exposé officiel, dans la formule classique qui présente le modernisme comme « le rendez-vous de toutes les hérésies ». En effet, le pape d’exposer que l’agnosticisme est la ruine de toute vérité, que l’immanence mène au panthéisme : par où « le modernisme conduit à l’anéantissement de toute religion ».

c) Causes du modernisme. — Brièvement l’encyclique dit ensuite un mot des causes générales qui expliquent

l’origine et le succès du système funeste qu’elle vient d’exposer. « La cause prochaine et immédiate… réside dans une perversion de l’esprit ». Celle-ci, à son tour, a des sources lointaines, soit d’ordre moral, savoir la curiosité et l’orgueil, soit d’ordre intellectuel, dont la principale est l’ignorance de la saine philosophie. En conséquence, les novateurs s’acharnent contre ces obstacles que sont la scolastique, la tradition des Pères, le magistère de l’Église.

Au service de leurs doctrines, les modernistes usent d’ailleurs d’une tactique insidieuse qui en favorise la propagande : dénigrement de leurs contradicteurs et dithyrambes en faveur de leurs auxiliaires, infiltration dans les séminaires et universités, multiplicité des pseudonymes, solidarité devant les censures. D’où se crée une sorte de courant qui entraîne vers le modernisme la jeunesse et parfois les hommes mûrs. Le mal est complet quand des catholiques se font, par les hardiesses téméraires de leur plume, les complices de l’erreur.

(/) Remèdes au modernisme. - Une troisième partie édicté en sept articles les mesures pratiques propres à extirper ou arrêter le mal.

Les premières se rapportent aux études. Elles seront établies sur la base de la philosophie et de la théologie scolastiques, sans négliger d’ailleurs la théologie positive qui mérite aujourd’hui plus d’importance qu’autrefois. Les évêques veilleront avec soin au choix du personnel enseignant dans les séminaires et universités, d’où sera exclu ou chassé quiconque « se montre imbu de modernisme ». Ils exerceront la même vigilance sur les candidats aux saints ordres.

Des dispositions non moins sévères s’appliquent aux écrits. Les évêques devront interdire la lecture et empêcher la publication des ouvrages « entachés de modernisme », sans égard, s’il le faut, à l’Imprimatur qu’ils auraient pu recevoir ailleurs. Un conseil spécial, dit de vigilance, sera institué dans chaque diocèse à cet effet.- Chaque journal ou revue aura son censeur particulier ; les congrès sacerdotaux seront rares et ne pourront se tenir que sous la surveillance de l’Ordinaire. Tous les évêques et supérieurs d’ordres religieux enverront au Saint-Siège un premier rapport sur l’exécution de ces mesures, un an après la publication de l’encyclique et, dans la suite, tous les trois ans.

Cependant, pour éviter qu’on n’accuse à ce propos l’Église d’être l’adversaire du progrès scientifique, le pape annonçait, en terminant, « la fondation d’une Institution particulière » qui grouperait « les plus illustres représentants de la science parmi les catholiques », en vue de promouvoir leurs efforts. Mais ce projet, dû à l’inspiration dis cardinaux Rampolla, Mercier, Maffi, ne devait jamais se réaliser.

3. Valeur.

A la différence du décret Lamentubili, qui émane du Saint-Office, l’encyclique Pascendi est un acte direct de la suprême autorité pontificale. Cv qui lui assure une particulière solennité.

La question de son infaillibilité fut discutée dès l’époque, et il parut à plusieurs spécialistes qu’il lui manquait, pour avoir la valeur irréformable d’un document ex cathedra, le caractère de définition précise, requis pour cela par le concile du Vatican. Voir l’art. Infaillibilité du pape, t. vii, col. 1704. Il n’est pas établi qu’en la confirmant sous peine de graves censures, ainsi d’ailleurs que le décret I.amenlabili, le motu proprio « Pnestantia » (18 novembre 1907) ait pu ni voulu modifier la nature juridique de l’acte primitif. Voir L. Choupin, dans Études, 5 janvier 1908, t. exiv, p. 119-123. L’encyclique Pascendi n’en reste pas moins un de ces actes qui représentent l’enseignement ordinaire de l’Église. Un de ses traits distinctifs est d’exposer d’abord