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MESSE DANS LA LITURGIE, L’ANAPHORE D’HIPPOLYTE


quam dixit terrain fluentem lac et mel, quam et dédit carnem suam Christus, per quam sicut parvuli nutriuntur, qui credunt, in suavitate verbi amara cordis dulcia efficiens ; aquam vero in oblationem in indicium lavacri, etc. …frangens autem panem [episcopus] singulas partes porrigens dicat : Partis cselestis in Christo Jesu. Qui autem accipit, respondeat : Amen. Presbyteri vero si non fuerint sufficientes teneant calices et diacones et cum honestate adstent et cum moderatione : primus qui tenet aquam, secundus, qui lac, tertius, qui vinum. Et gustans, qui percipient, de singulis ter dicente eo, qui dat : « In Deo Pâtre omnipotenti. » Dicat autem, qui accipit : « Amen. » « Et domino Jesu Christo et Spiritu Sancto et sancta Ecclesia. » Et dicat : « Amen. » Ita singulis fiât. Cum vero hæc fuerint, festinet unusquique operam bonam facere. Hauler, op. cit., p. 111-113.

Plus loin il est recommandé au fidèle de prendre l’eucharistie avant toute autre nourriture. C'était l’eucharistie que le fidèle avait emportée dans sa maison. Aussi lui prescrit-on de la mettre en sûreté dans un endroit où aucun animal, souris ou autre, ne puisse approcher

(et) ne quid cadeat et pereat de eo [pane]. Corpus enim est Christi edendum credentibus et non contemnendum. [Calicem] in nomine Dei benedicens accepisti quasi antitypum sanguinis Christi. Quapropter nolito effundere, ut non spiritus alienus velut de contemnente illud delingat : reus eris sanguinis, tanquam qui spernit prceputium quod comparatus est. Ibid., p. 117, 118.

Analyse du texte.

 Si l’anaphore d’Hippolyte

ne peut être considérée comme l’anaphore apostolique, elle est, à coup sûr, un précieux témoin de la tradition. Voici les idées essentielles qui sont exprimées dans ce document. Nous les classons dans un cadre qui nous servira pour étudier l’anaphore de Sérapion, les prières des Constitutions apostoliques et quelques autres documents.

1. Le début de l’anaphore.

S’il n’est pas question dans l’anaphore de la messe des catéchumènes, ce n’est pas que l’existence en soit ignorée à Rome. Mais Hippolyte n’avait pas à s’en préoccuper, n’ayant d’autre but que de fournir à l'évêque un thème pour la prière eucharistique. On peut voir une allusion à la messe des catéchumènes dans le passage que nous avons cité sur les catéchumènes admis après leur baptême à la prière des fidèles.

La messe est par excellence la prière d’action de grâces : Gralias agamus Domino, Gralias tibi referimus Deus. Cette action de grâces est adressée à Dieu par les hommes. Dans la préface romaine aujourd’hui Dieu est appelé Domine sancte, Pater omnipolens, œlerne Deus. Ces titres sont bien dans la tradition. Une vieille forme de canon romain dont nous aurons à nous occuper (le missel de Stowe) nous dit : Deus es unus et immortalis, Deus incorruptibilis et inmotabilis ! Deus invisibilis et fidelis, etc. Le titre omnipolens, 7ïocvToxpdcTCùp, revient d’ordinaire dans ces anaphores comme dans d’autres prières, comme dans les symboles en particulier : Credo in unum Deum Patrem omnipotentem, creatorem cseli et terras. Ici nous n’avons aucune épithète ajoutée à Deus.

2. Prière du Christ.

Cette action de grâces nous

l’offrons per Jesum Christum. Hippolyte développe ce thème avec complaisance ; il nous décrit à ce propos toute la mission du Fils sur la terre ; son anaphore tourne au symbole de foi, et c’est avec raison que l’on a attiré sur ce point notre attention, car c’est une des caractéristiques de son anaphore que cet exposé de doctrine : Per dilectum puerum luum, salvatorem, redemptorem, angelum voluntatis tuas, verbum luum inseparabilem, quem misisti de cash, etc.

Ce développement dogmatique si intéressant sera abandonné dans la suite, ou simplement résumé, ou présenté sous d’autres formes, qui posl resurreclionem suam omnibus discipulis suis manifestus apparut t,

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

qui ascendens super omnes cœlos, per quem majeslatem tuam, etc.

3. Récit de l’institution.

Ce développement amène

assez naturellement le récit de l’institution : gralias tibi agens dixit. Ce point est important aussi à noter. Le Sanctus auquel aboutissent nos préfaces eucharistiques et la plupart des préfaces, n’est pas mentionné à cette place. Ce trait a été justement relevé aussi comme un indice d’antiquité, dont on a cherché à trouver des traces dans les liturgies d’une date très postérieure. Les termes de l’institution : accipiens panem, similiter et calicem, sans les additions in sanctas ac vencrabiles manus, elevatis oculis, benedixit, etc., sont aussi à retenir.

4. Anamnèse et oblation sacerdotale. - — Ces deux actes sont résumés d’un mot. Ici, nous retrouvons ce caractère de simplicité et de grandeur, et aussi de concision, qui sont un des caractères de cette anaphore. Le canon romain, qui suit la même ligne, commentera et paraphrasera ce qui est dit ici en une courte proposition. La même disposition est bien plus sensible encore dans le VIII livre des Constitutions apostoliques qui garde les termes d’Hippolyte, mais les noie dans une paraphrase prolixe.

5. L'épiclèse. — Même caractère dans l'épiclèse dont l’allure est si particulière et qui ne fait qu’un avec la consécration.

Pour la communion le quod dicit græcus antitypum, une addition, sans doute du traducteur latin, se rencontre dans les anciens documents, comme nous le verrons dans la formule du De sacramentis, et dans l’anaphore de Sérapion, dans le sens de sacramentum. L’allusion au lait et au miel est aussi caractéristique et bien romaine. Les autres détails de la communion, dont quelques-uns ont été maintenus longtemps dans la messe romaine, comme nous le verrons aussi, sont d’accord avec les coutumes décrites par Tertullien.

6. Doxologie et finale.

La doxologie qui est la finale ordinaire du canon, est amenée sans effort ici par l'épiclèse. Elle ne mérite pas moins que celle-ci d'être remarquée, parce qu’elle est unique en son genre et qu’elle est une confirmation de l’attribution de l’anaphore à Hippolyte qui dans ses ouvrages emploie des formules analogues. C’est une doxologie nettement trinitaire, et la personne du Fils y est même ramenée d’une façon que l’on a traitée à tort de maladroite, mais qui se justifie par le désir d’encadrer le nom du Fils entre le Père et le Saint-Esprit. La mention à deux reprises de la sainte Église : in oblationem sanctæ Ecclesiæ, in sancta Ecclesia tua, n’est pas moins remarquable, et rappelle la doxologie de saint Paul : Ipsi gloria in Ecclesia et in Christo Jesu in omnes generationes sseculi sseculorum. Eph., iii, 21.

Cette anaphore est bien conforme à la théologie d’Hippolyte qui, dans ses luttes contre le sabellianisme ou patripassianisme et les trithéistes, s’efforce de maintenir la doctrine de Dieu, principe unique et créateur, du Verbe, Logos divin par qui le Père à créé et racheté le monde. Voir Hippolyte. On comprendra mieux du reste la portée de cette anaphore en la comparant à celles des Constitutions apostoliques et du Testamentum D. N. J. C.

Après dom Hugh Connolly à qui revient le mérite d’avoir identifié la Constitution égyptienne ou Statuts des apôtres avec I* 'AiroiToXixifi îtapàSout ; ou tradilio aposlolica de saint Hippolyte, The so-called Egyplian Church Order and derived documents ( Texts and studies, t. viii), Cambridge, 1916, et E. Schwartz qui dès 1910 arrivait, avec une démonstration beaucoup moins complète, à des conclusions analogues, Ueber die pseudapostolischen Kirehenordnungen, il faut citer les travaux de Funk, d’Achelis, de Hauler, de Horner, de Riebel qui ont travaillé à préparer ces résultats. On en trouvera la nomenclature complète dans A. J. Maclean, The ancient Church Ordcrs, Cambridge, 1910, et dans

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